Victime de la guerre, l'Europe noircit encore ses prévisions économiques

  • AFP
  • parue le

La guerre en Ukraine, et son impact toujours plus grand sur les prix de l'énergie et de l'alimentation, ont poussé Bruxelles à réduire encore jeudi ses prévisions de croissance en zone euro pour cette année et l'an prochain.

Dans les 19 pays partageant la monnaie unique, l'exécutif européen n'attend plus que 2,6% de croissance du produit intérieur brut (PIB) en 2022 et seulement 1,4% en 2023, contre 2,7% et 2,3% anticipés jusqu'ici.

Il a parallèlement relevé ses prévisions d'inflation à 7,6% en 2022 et à 4% en 2023, contre 6,1% et 2,7% attendus précédemment dans la zone euro.

La dégradation de la conjoncture, qui affecte l'ensemble de l'UE, intervient alors que la monnaie européenne a chuté cette semaine au plus bas depuis 20 ans par rapport au dollar américain.

Les prix à la consommation subissent une flambée historique en raison de l'offensive russe et des sanctions occidentales qu'elle a entraînées. L'inflation touche en particulier les produits alimentaires de base (huiles, céréales...), le gaz, les carburants, l'électricité et de nombreuses matières premières. Elle frappe durement ménages et entreprises.

L'économie devrait certes "poursuivre son expansion, mais à un rythme nettement plus lent" que celui annoncé lors des précédentes prévisions publiées en mai, déjà nettement revues en baisse par rapport au début de l'année, a résumé la Commission.

Elle souligne toutefois que la situation pourrait encore empirer en cas d'interruption totale des approvisionnements de gaz par Moscou, l'Europe restant très dépendante des hydrocarbures russes.

- "Forte incertitude" -

"L'évolution de la guerre et la fiabilité des approvisionnements en gaz étant inconnues, cette prévision est soumise à une forte incertitude et à des risques de baisse", a prévenu le commissaire européen à l'Economie, Paolo Gentiloni, lors d'une conférence de presse.

Estimant que les sanctions européennes contre Moscou frappaient lourdement l'économie russe, attendue en récession cette année, il a reconnu qu'elles avaient aussi "quelques conséquences" sur l'économie européenne.

Parmi les autres facteurs se répercutant négativement sur la croissance, Bruxelles pointe le resserrement "plus rapide que prévu" de la politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE), nécessaire pour endiguer l'inflation.

S'y ajoutent "la décélération continue de la croissance aux États-Unis" et l'impact de la politique de Pékin contre le Covid-19 qui a entraîné confinements et fermetures d'usines en Chine.

La guerre en Ukraine a mis fin au fort rebond de l'économie européenne entamé au printemps 2021, après la récession historique provoquée par la pandémie en 2020.

Pour l'ensemble de l'UE, la croissance atteindrait 2,7% cette année, puis 1,5% l'an prochain, tandis que l'inflation s'élèverait à 8,3% en 2022 et 4,6% en 2023.

"La dynamique de la réouverture de nos économies devrait soutenir la croissance annuelle en 2022, mais pour 2023, nous avons nettement revu nos prévisions à la baisse", a expliqué Paolo Gentiloni.

- La France devant l'Allemagne -

La France est un peu mieux lotie que l'Allemagne. Elle devrait connaître une croissance de 2,4% cette année et 1,4% l'an prochain, contre respectivement 1,4% et 1,3% dans la première économie européenne.

Sur le front de l'inflation, la Commission estime que le pic devrait être atteint au troisième trimestre, avec un taux annuel estimé à 8,4% en 2022. Il se réduirait ensuite progressivement jusqu'à tomber sous la barre des 3% fin 2023.

Les prévisions annoncées jeudi "dépendent fortement de l'évolution de la guerre et en particulier de ses implications pour l'approvisionnement en gaz de l'Europe, a signalé Bruxelles. De nouvelles augmentations des prix du gaz pourraient augmenter encore l'inflation et étouffer la croissance".

En outre, les hausses de salaires décidées en Europe pour compenser la hausse du coût de la vie pourraient à leur tour renforcer la flambée des prix et enclencher un cercle vicieux inflationniste.

Cela pourrait entraîner un relèvement encore plus fort des taux d'intérêt, susceptible non seulement de ralentir la croissance, mais aussi de faire peser "des risques accrus pour la stabilité financière", s'inquiète la Commission.

Alors que l'Europe affronte cet été une nouvelle vague de contaminations au Covid-19, la Commission note aussi "la possibilité que la résurgence d'une pandémie dans l'UE apporte de nouvelles perturbations à l'économie".

Commentaires

Ddu

Gazprom n'a pas intérêt à totalement fermer les robinets de gaz à l'Europe. S'ils ferment totalement, ils ne gagnent plus rien. Par contre, s'ils diminuent suffisamment, ils font monter le prix du gaz sur le marché et peuvent maximiser leurs recettes en en vendant beaucoup moins. Tout est question de dosage.

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