Turbine d'une centrale électrique (©photo)
Les coûts de production de l’électricité constituent plus d’un tiers du prix final de l’électricité que paient les consommateurs particuliers et professionnels en France.
Cause des différences de coûts entre les filières
Les coûts dépendent notamment des paramètres suivants :
- les coûts d’investissement (hors raccordement) : matériel, génie civil, aléas, démantèlement ;
- les coûts d’exploitation et de maintenance comprenant les coûts de combustible lorsque celui-ci est acheté (ce qui n’est par exemple pas le cas du vent ou du soleil) ;
- le taux d’actualisation, c'est-à-dire le taux de rendement attendu qu’il serait possible d’obtenir en investissant ailleurs le même capital ;
- le niveau de production : on retiendra dans les données qui suivent des conditions « raisonnablement favorables » ;
- la durée de vie économique de l’exploitation.
Source : Bilan électrique RTE 2023 - Graphique : Selectra
Source : Global Electricity Review 2024, EMBER - Graphique : Selectra
Les coûts fixes et variables
Dans son étude de 2008, la DGEC distingue les moyens de production « centralisés » (principalement les centrales nucléaires, au gaz et au charbon) des unités de production « décentralisées » (éoliennes, panneaux photovoltaïques, etc.) :
- dans la catégorie des moyens de production centralisés, il est montré que les coûts fixes d’une centrale nucléaire (en particulier les coûts d’investissements) sont bien supérieurs à ceux d’une centrale au gaz ou à charbon. En revanche, les coûts variables (par exemple les coûts d’exploitation et de combustible) sont bien plus compétitifs dans le cas du nucléaire. Pour être davantage compétitive qu’une centrale à gaz ou au charbon, une centrale nucléaire doit actuellement fonctionner plus de 6 000 heures par an selon la DGEC. En 2012, le parc nucléaire français a fonctionné en moyenne 6 414 heures à pleine puissance, d’après les données du gestionnaire du réseau de transport d’électricité RTE ;
- dans la catégorie des moyens de production décentralisés, il convient de distinguer les énergies renouvelables n’incluant pas de coûts de combustible (eau pour l’hydroélectricité, vent pour l’éolien, soleil pour le photovoltaïque) de celles nécessitant un combustible comme la biomasse.
La durée de fonctionnement
Les coûts de production des différentes filières varient fortement en fonction de la durée de fonctionnement d’une unité.
Cela se vérifie autant dans le cas des centrales « traditionnelles » (une centrale à gaz très performante mais peu sollicitée n’est pas forcément rentable) que dans celui des unités de production renouvelable intermittente, celles-ci ayant un facteur de charge limité par les conditions météorologiques.
Les coûts environnementaux
Par ailleurs, de nouveaux coûts dits « externes », par exemple l’évaluation de coûts environnementaux, sont de plus en plus intégrés dans le calcul des coûts de production. La prise en compte du prix du CO2 (déjà inclus plus haut) fait notamment varier le coût de production des différentes filières.
La séquestration du carbone serait une technique rentable à partir de 30 euros la tonne de CO2 selon des premières estimations.
Précisions sur la variabilité des coûts selon la maturité des technologies
Les coûts de production des énergies les moins matures fluctuent et sont très difficiles à estimer, tout comme les coûts de nouvelles unités de production comme l'EPR. Par exemple, le tarif de rachat de l’électricité(3) issue de l’éolien offshore est aujourd’hui fixé à 130 €/MWh. Les estimations des coûts de production des lauréats du 1er appel d’offres sur l’éolien en mer sont en contradiction avec ces données et dépassent 200 €/MWh. De même, le tarif de rachat de l’électricité produite par les énergies marines (hydroliennes, houlomoteur, etc.) est actuellement fixé à 150 €/MWh durant 20 ans. Les industriels estiment toutefois que le coût de production actuel de ces énergies est compris entre 250 et 400 €/MWh.
Les coûts de production à partir d’une même énergie peuvent fortement varier d’une unité de production à une autre, notamment en raison de facteurs de charge différents. La Cour des Compte estime ainsi les coûts de production d’une centrale photovoltaïque au sol de 2,5 MWc entre 114 et 214 €/MWh si cette centrale est située dans le sud de la France et entre 195 et 365 €/MWh si elle est située dans le nord du pays.
Estimations des coûts de production par filière en France
Les coûts de production indiqués ci-dessous correspondent aux coûts de production moyens supportés par un investisseur durant toute la vie économique de son installation.
(en € / MWh) | UFE / DGEC | Énergies 2050 | Cour des comptes | Tarif d'achat | Part de la production énectrique française |
---|---|---|---|---|---|
Nucléaire | 42,3 | 56 | 49,5 | 74,8% | |
Hydroélectricité | 55 | 43-188 | 60,7 durant 20 ans + primes pour les petites installations | 11,8% | |
CCGT gaz | 61 | 69 | 4,3% | ||
Éolien terrestre | 65 | 73 | 62-102 | 82 durant 10 ans puis 28 à 82 durant 5 ans selon les sites | 2,8% |
Charbon | 66 | 67 | 3,3% | ||
Fioul | 86 | 1,2% | |||
Éolien offshore | 143 | 102 | 87-116 | 130 durant 10 ans puis 30 à 130 durant 10 ans selon les sites | 0,0% |
Photovoltaïque | 217 | 150 | 114-547 | 117 à 425 selon les sites | 0,7% |
Coûts de production des principales filières produisant de l'électricité en France en 2012 (coût estimé pour l'éolien offshore) ©DR
En France, la dernière analyse complète sur les coûts de production de l’ensemble des filières en France métropolitaine a été réalisée par la Direction Générale de l’Energie et du Climat (DGEC) en 2008. L’UFE (Union française de l’électricité) a depuis actualisé certaines de ces données(2).
Prix du CO2
Le coût du CO2 est intégré dans ces estimations sur la base de 14 € la tonne. Notons que la prise en compte d’autres externalités comme les impacts sur les réseaux et sur l’équilibrage offre/demande modifierait les coûts annoncés.
Tendances d’évolution des coûts de production
Parmi les tendances d’évolution des coûts de production, notons :
- une baisse dans le cas des énergies renouvelables, variable selon les énergies concernées ;
- une baisse dans le cas des centrales au gaz en raison du coût plus faible du combustible, en partie sous l’effet de l’exploitation des gaz de schiste aux États-Unis. Cela implique que ces centrales soient exploitées un minimum d’heures (ce qui est peu le cas en Europe à l’heure actuelle en raison de la surproduction d’origine renouvelable qui tire les prix vers le bas) ;
- une hausse dans le cas du nucléaire, énergie pour laquelle des investissements supplémentaires en termes de sécurité doivent être réalisés par les exploitants suite à un renforcement des règles de sécurité.
Selon les données de l’UFE, le coût du MWh éolien terrestre est approximativement 50% plus élevé que celui du MWh nucléaire et moins de 3 fois plus faible que celui du MWh photovoltaïque.
Part des coûts de production dans le prix final
Le prix final dont s’acquitte le consommateur inclut ces coûts de production ainsi que la marge du producteur, les coûts d’acheminement (transport et distribution), de fourniture (charges du fournisseur d’électricité) et les taxes.
Les coûts de production constituent environ un tiers du prix final payé par les consommateurs particuliers (marge du producteur incluse) en 2013.
Aux coûts de production s’ajoutent deux grandes charges dans la facture d’électricité des consommateurs finaux :
- les coûts d’acheminement via les réseaux de transport et de distribution (TURPE) qui participent à près d’un tiers du prix final de l’électricité ;
- l’ensemble des taxes et contributions qui constituent schématiquement un autre tiers du prix final dont s’acquittent les consommateurs.
À jour en novembre 2024 - Fourniture : Part du tarif réglementé couvrant la production et la commercialisation de l'électricité. Réseau : Part du tarif réglementé pour couvrant le transport de l'électricité. Taxes et contributions : TVA, CTA, et Accise.
Certains consommateurs industriels s’affranchissent d’une partie de ces coûts : ils peuvent notamment être reliés directement au réseau de transport d’électricité et non au réseau de distribution, ce qui permet de réduire les coûts d’acheminement (TURPE). La fiscalité peut également être plus avantageuse.
Impact sur les prix de gros
Sur les marchés de gros, le prix du MWh varie en fonction des unités de production qui ont permis de le produire. Selon la logique du « merit order », les centrales sont appelées par ordre de coûts marginaux croissants. On parle de prix du MWh de « base » lorsque la demande est faible et que des unités de production peu coûteuses sont appelées (période correspondant aux « heures creuses ») et de prix du MWh de « pointe » lorsque la demande est forte (« heures pleines »). Les énergies renouvelables intermittentes sont injectées de façon prioritaire sur le réseau dès lors que leur coût marginal est considéré comme nul.
Aujourd'hui 13/12/2024 sur EPEX Spot, bourse française de l’électricité, le prix de l'électricité sur l'EPEX Spot est de 176,69 €/MWh. Le prix de demain sera (Prix publié à 13h30) €/MWh.
Perspective : combien coûtera l'énergie à l'avenir ?
Le coût futur de l'électricité dépendra largement des choix politiques effectués en matière de mix énergétique, c'est-à-dire des sources à partir desquelles l'électricité est produite.
Par ailleurs, les avancées technologiques continuent de réduire les coûts de certaines sources d'énergie, notamment les énergies renouvelables et les solutions de stockage d'énergie. Par exemple, les progrès dans les technologies solaires ont considérablement réduit les coûts des panneaux solaires au fil des ans, rendant cette source d'énergie plus compétitive par rapport aux combustibles fossiles dans de nombreuses régions du monde.
Les politiques gouvernementales, telles que les subventions, les tarifs d'achat garantis et les taxes sur les émissions de carbone, peuvent également influencer les coûts de différentes sources d'énergie. Par exemple, des politiques favorables aux énergies renouvelables, et notamment à l'autoconsommation, peuvent stimuler l'investissement dans ces technologies et réduire leurs coûts, tandis que des subventions aux combustibles fossiles peuvent maintenir artificiellement bas leurs prix.
Enfin, les coûts de l'électricité sont influencés par la stabilité et la sécurité de l'approvisionnement en différentes sources d'énergie. Les sources d'énergie renouvelable, telles que le soleil et le vent, sont inépuisables et peuvent offrir une plus grande sécurité d'approvisionnement à long terme par rapport aux combustibles fossiles, dont les prix peuvent fluctuer en raison de facteurs géopolitiques et économiques.
Il est donc difficile de déterminer avec exactitude le prix de l'énergie à l'avenir. Toutefois, des spécialistes s'y attèlent, selon différents scénarios envisageables.
Le rapport de la Commission Énergies 2050 délivre des estimations des coûts de production de l’électricité à l’horizon 2030 en fonction de différents scénarios énoncés en France (la répartition du mix électrique est indiquée dans chaque cas). (©DR)
Enjeux économiques et environnementaux
Sur l'économie
Le choix du mix énergétique peut avoir un impact significatif sur l'économie, avec des conséquences en termes de coûts de production d'électricité, de création d'emplois, de balance commerciale, de stabilité des prix de l'énergie, d'investissements et d'innovation.
Compétitivité des entreprises
Les coûts de production de l’électricité ont un impact significatif sur l’économie car ils déterminent en partie les prix finaux de l’électricité et pèsent donc :
- sur l’activité des industriels, notamment des gros consommateurs dits « électro-intensifs »
- ainsi que sur le pouvoir d’achat des particuliers.
La fin du nucléaire, le développement des renouvelables et la fin du gaz peu onéreux depuis l'invasion de l'Ukraine ont par exemple eu un impact très néfaste sur l'industrie allemande.
Pouvoir d'achat
La consommation annuelle moyenne d'électricité en France est de 2,4 MWh par personne. Un particulier ayant souscrit au tarif réglementé bleu d'EDF paie en moyenne 755 € par an, abonnement compris pour une et une puissance souscrite de 6 kVA. En 2013, cela lui coûtait 375 €/an.
Lorsque ces derniers consacrent plus de 10% de leurs ressources à leurs dépenses énergétiques, on dit qu’ils sont en situation de « précarité énergétique ». Des tarifs sociaux existent afin de soutenir ces foyers.
Emploi
La transition vers des énergies renouvelables peut créer des emplois dans les industries liées aux énergies propres, telles que la fabrication de panneaux solaires, l'installation d'éoliennes et la maintenance des centrales hydroélectriques.
Il y a de nombreux besoins en ingénierie et dans la construction
Balance commerciale
Naturellement, l'augmentation de la production d'énergie a un impact direct sur les exportations d'énergie. Le creux de production nucléaire d'EDF en 2023 avait lourdement impacté la balance commerciale française.
Les sources d'énergie renouvelable peuvent réduire la dépendance aux importations de combustibles fossiles, ce qui peut contribuer à améliorer la balance commerciale d'un pays en réduisant les dépenses liées aux importations d'énergie.
De plus, le développement des énergies renouvelables peut favoriser les exportations de technologies propres et de savoir-faire dans ce domaine.
Gabegie ?
La question des tarifs d’achat de l’électricité en faveur de certaines filières renouvelables constitue un enjeu particulièrement sensible. Selon certains analystes, ces tarifs n’incitent pas les producteurs à chercher à baisser les coûts de production dès lors qu’ils disposent d’un tarif garanti. Or, c’est le consommateur final qui en supporte la charge in fine. Ce tarif d’achat garanti peut aussi, selon eux, inciter des installateurs à développer des parcs surdimensionnés sans réel besoin comme cela a récemment été le cas en Allemagne avec le photovoltaïque.
D’autres soutiennent qu’une filière non compétitive (comme le photovoltaïque) doit bénéficier d’un tarif de rachat garanti. Ce soutien leur paraît être une étape nécessaire pour permettre à la filière d’atteindre de meilleures performances et une plus grande maturité.
Notons que l’on parle de « parité réseau » lorsque le coût de production d’une filière atteint le niveau de prix de vente du MWh sur le marché de gros.
Sur l'environnement
le choix du mix énergétique a un impact significatif sur l'environnement, avec des conséquences importantes en termes d'émissions de gaz à effet de serre, de pollution de l'air, d'utilisation des ressources naturelles et de gestion des déchets.
Les combustibles fossiles tels que le charbon, le pétrole et le gaz naturel sont les principales sources d'émissions de gaz à effet de serre, notamment le dioxyde de carbone (CO2), qui contribuent au changement climatique. En revanche, les énergies renouvelables telles que l'énergie solaire, éolienne et hydraulique émettent très peu ou pas du tout de CO2 pendant leur exploitation, ce qui en fait des choix plus favorables pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.
La combustion des combustibles fossiles pour la production d'électricité génère également des polluants atmosphériques tels que les oxydes de soufre (SOx), les oxydes d'azote (NOx) et les particules fines, qui peuvent avoir des effets néfastes sur la santé humaine et l'environnement. Les énergies renouvelables produisent peu ou pas de pollution atmosphérique lors de leur fonctionnement, contribuant ainsi à améliorer la qualité de l'air.
Les combustibles fossiles sont des ressources non renouvelables qui sont extraites de la terre et peuvent être épuisées avec le temps. En revanche, les énergies renouvelables telles que le soleil, le vent et l'eau sont des ressources renouvelables et inépuisables. Cependant, la construction d'infrastructures pour exploiter ces sources d'énergie renouvelable peut également avoir des impacts environnementaux, tels que la fragmentation des habitats et la perturbation des écosystèmes.
La production d'électricité à partir de combustibles fossiles génère des déchets solides, liquides et gazeux, tels que les cendres de charbon, les boues d'épuration et les émissions de CO2. Ces déchets doivent être gérés de manière appropriée pour minimiser leur impact sur l'environnement. Les énergies renouvelables produisent généralement moins de déchets lors de leur exploitation, mais peuvent nécessiter une gestion spécifique des déchets associée à la fin de vie de certaines technologies, comme les panneaux solaires et les éoliennes.
Si la France fait figure d'exemple au niveau international pour sa production d'énergie propre, elle n'est pas exempte de questions sur le règlement de ces externalités négatives.
Accessibilité sociale
Impliquer les citoyens et les parties prenantes dans le processus de planification énergétique est essentiel pour garantir une acceptabilité sociale. Les gouvernements et les développeurs d'énergie doivent organiser des consultations publiques transparentes et inclusives pour recueillir les commentaires et les préoccupations des communautés locales.
Cela vaut pour l'éolien qui peut abîmer les paysages, les centrales solaires qui prennent beaucoup de place et rasent parfois des forêts, ou encore les centres de traitement de déchets nucléaires.
Dans certaines régions, les projets énergétiques peuvent avoir des répercussions sur les terres et les ressources des populations autochtones, et il est essentiel de respecter leurs droits et leurs intérêts dans le processus de planification énergétique.