« Le charbon propre n'a pas d'intérêt pour la planète »

Charbon

Des équipements tels que les brûleurs à faible dégagement de NOx et les systèmes de désulfuration des fumées contribuent à rendre les centrales à charbon « plus propres ».

Ce terme de « charbon propre » est principalement employé dans le cadre de l’amélioration du rendement de centrales à charbon ou lorsque ces dernières sont associées à un système de capture et de stockage du CO2.

Définition

Le « charbon propre » se réfère à un ensemble de procédés permettant de diminuer l’empreinte environnementale de ce combustible. Dans un contexte de réduction des émissions de gaz à effet de serre, le charbon est en effet pointé du doigt car sa combustion émet 1,3 fois plus de CO2 que celle du pétrole et 1,7 fois plus que celle du gaz par unité d’énergie produite(1).

Les technologies de charbon « propre » consistent principalement à améliorer le rendement des centrales (connues sous l’acronyme anglais « HELE » pour « High Efficiency Low Emissions ») et à capter et stocker le CO2 qu’elles émettent (CCS). Elles sont indispensables pour décarboner la production d’électricité, aux côtés des autres voies de décarbonisation du système énergétique (renouvelables, nucléaire, efficacité énergétique), pour contenir le réchauffement climatique en dessous des 2°C(3).

Pour rappel, le charbon compte encore pour près de 30% de la consommation d’énergie primaire dans le monde (et pour près de 40% de la production électrique mondiale) et est responsable d'environ 45% des émissions totales de CO2 liées à la combustion d’énergie.

Concrètement, les nouvelles centrales à charbon dites « supercritiques » et « ultra-supercritiques » soumettent la vapeur d’eau produite par la combustion du charbon à des conditions de température et de pression bien supérieures à celles d’une centrale classique. Il en résulte une forte amélioration de l’efficacité énergétique (avec un rendement de 45% contre environ 30% dans le cas des anciennes centrales) et donc une réduction des émissions de CO2 et de polluants (poussières, NOx, SO2) par kWh produit.

L'augmentation du rendement des centrales

L’augmentation du rendement des centrales thermiques au charbon est un gisement immense de réduction des émissions de CO2. Passer de centrales sous-critiques (rendement thermique d’environ 30%) à des centrales ultra-supercritiques (rendement thermique d’environ 46% pour les dernières centrales construites en Europe) permet de réduire d’environ 30% les émissions de CO2 par kWh produit. Les technologies permettant cette réduction sont disponibles et représentent une étape significative vers une trajectoire de décarbonisation des centrales au charbon grâce au CCS. La recherche porte maintenant sur l’augmentation des rendements au-delà de 50%, qui requiert des matériaux spéciaux, et sur l’abaissement des coûts des technologies IGCC.

Le parc mondial de centrales au charbon comprend 65% de centrales sous-critiques, la plupart situées en Chine, en Inde et dans les pays de l’OCDE, aux États-Unis et certains pays d’Europe(3). Dans le New Policies Scenario de l’AIE, l’amélioration du rendement des centrales à hauteur de 40% en 2040 en moyenne au niveau mondial contre 37% actuellement permet d’éviter annuellement l’émission de 1,9 Gt de CO2. La décision de la plupart des institutions financières internationales de ne plus financer de nouvelles centrales au charbon, sauf si elles utilisent les dernières technologies disponibles, devraient favoriser cette tendance.

La capture et le stockage de CO2

D’après les scénarios du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) et de l’AIE, le CCS est indispensable pour réduire massivement les émissions mondiales de CO2 d’ici le milieu de ce siècle. Les scénarios du GIEC montrent que la plupart des modèles climatiques ne peuvent pas aboutir à une atténuation du réchauffement climatique en-dessous de 2°C sans CCS : la capture et le stockage de CO2 pourrait permet de réduire de plus d'un cinquième les émissions mondiales de CO2 d'ici à 2050 selon le GIEC. Cette voie est cruciale si l’on considère que les engagements climatiques soumis en 2015 (INDC) aboutissent à un réchauffement climatique d’environ 3°C, loin des limites fixées par l’Accord de Paris, et requièrent donc des actions supplémentaires. 

Aujourd’hui, on compte seulement 15 projets de CCS dans le monde.

Bien que la technologie de CCS soit éprouvée et utilisée dans le monde, l’ambition des années 2000 pour le développement de la filière ne s’est pas encore concrétisée. Aujourd’hui, on compte seulement 15 projets de CCS dans le monde. Ils permettent de capter 28 Mt de CO2 par an(4). La plupart des projets sont localisés aux États-Unis et concernent le captage du CO2 et sa réinjection pour la récupération secondaire du pétrole (EOR).

L’année 2014 a vu le démarrage du premier projet mondial à grande échelle de captage du CO2 d’une centrale électrique au Canada (centrale de Boundary Dam de SaskPower). Deux autres projets de CCS à grande échelle dans le secteur électrique vont être mis en route en 2016 aux États-Unis (Kemper County et Petra Nova).

En 2016 et 2017, 7 nouveaux projets de CCS dans le monde doivent démarrer, portant le nombre de projets à 22, trois fois plus qu’au début de la décennie. Ils permettront de stocker 40 Mt/an de CO2. En plus de ces 22 projets, 6 projets sont actuellement en cours de réalisation dans le monde, dont un en Europe(5) (ROAD aux Pays-Bas) et 12 autres projets sont à un stade moins avancé. Cela porte le portefeuille de projets CCS à 40 et la capacité de captage à environ 70 Mt/an.

Projets de CCS dans le monde (©Global CCS Institute)

Projets de CCS dans le monde (©Global CCS Institute)

Si ces résultats sont encourageants, on est très loin des milliers de projets nécessaires d’ici le milieu du siècle afin d’atteindre les objectifs de Paris. L’AIE estime que la solution la moins coûteuse pour atteindre une trajectoire d’émissions compatible avec un réchauffement de moins de 2°C requiert le captage de 4 Gt de CO2 en 2040 et 6 Gt de CO2 en 2050(6).

Dans le scénario « 450 » de l'AIE (trajectoire pour atteindre l'objectif de 2°C), la capacité installée des centrales équipées de CCS commence à augmenter significativement à partir des années 2020 (en moyenne 20 GW par an) et s’accroît rapidement dans les années 2030 (en moyenne plus de 50 GW par an). La capacité mondiale des centrales équipées de CCS atteint 740 GW en 2040, soit l'équivalent de 20% de la capacité de production d'électricité à partir des combustibles fossiles à cette date. Ce sont ainsi près de 3 Gt de CO2 par an qui pourraient être captés à cet horizon dans le secteur électrique selon ce scénario (auquel il faut ajouter 2 Gt captés dans le secteur industriel). Au-delà de 2050, les modèles du GIEC montrent qu’il sera nécessaire de déployer la technologie sur la combustion de la biomasse afin de réaliser une partie des émissions négatives nécessaires pour limiter le réchauffement en dessous des 2°C.

Le CCS double actuellement le coût de production de l’électricité des centrales à charbon.

Le CCS est confronté à deux principaux défis. Le coût du CCS est actuellement élevé : il double le coût de production de l’électricité par rapport à une centrale sans CCS. Il est donc essentiel de réduire les coûts, en particulier au niveau du captage du CO2, qui peuvent atteindre les deux tiers du coût total des projets. Grâce à la poursuite de l’effort de R&D et une courbe d’apprentissage permise par la multiplication des démonstrateurs à échelle industrielle, l’objectif est de diviser les coûts d’investissement par trois par rapport aux prototypes existants et de limiter les pertes de rendement à 5-8 points. 

Par ailleurs, une meilleure connaissance des possibilités de stockage de CO2 est nécessaire. Si la cartographie des sites possibles à proximité des sources d’émission a été réalisée dans la plupart des pays, il reste que les sites potentiels n’ont pas fait l’objet de travaux d’exploration supplémentaires permettant d’identifier leurs propriétés (spécifiques à chacun) et leur réelle possibilité de stocker le CO2 (perméabilité, porosité, etc.). De même, l’acceptabilité sociétale des projets onshore d’injection de CO2 est loin d’être assurée.

Il est nécessaire que les États reconnaissent le rôle primordial du CCS dans la lutte contre le changement climatique.

En conclusion, il est illusoire de penser que le charbon va disparaître rapidement du mix électrique mondial même s’il a entamé un long (et lent) déclin. Partant de ce constat, l’amélioration du rendement des centrales et le déploiement à large échelle du CCS constituent les seules voies technologiques susceptibles d’atteindre les objectifs de réduction des émissions de GES. Si l’amélioration du rendement des centrales est poursuivie activement partout dans le monde, le bilan du CCS depuis le début des années 2000 est décevant. 

Malgré les appels répétés du GIEC, de l’AIE et de la communauté scientifique rappelant le rôle primordial du CCS (que ce soit dans le secteur électrique ou industriel) et la nécessité d’accélérer les efforts consentis, seulement 15 projets sont opérationnels dans le monde et 25 en cours de réalisation ou identifiés, alors que des milliers de projets seraient nécessaires d’ici le milieu du siècle.

L’Accord de Paris rend encore plus crucial la mobilisation de la technologie de CCS pour limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C, comme le montrent les scénarios du GIEC. Le déploiement de la technologie doit ainsi être accéléré et il est nécessaire que les États reconnaissent son rôle primordial dans la lutte contre le changement climatique et définissent une feuille de route permettant de donner la visibilité industrielle nécessaire, en particulier dans les pays et les régions (Asie en particulier) où le charbon pourrait rester une ressource utilisée sur le long terme. L’enjeu est de taille et a été chiffré par le GIEC qui indique que de toutes les technologies d’atténuation, c’est l’absence du CCS qui aboutirait au scénario le plus coûteux : le coût d’atténuation augmenterait de 138% dans un scénario sans CCS.

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