Le biométhane en France : des injections en forte hausse mais un manque de visibilité

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Biométhane

Centre de tri par méthanisation et compostage de Chagny. (©EDF-Olivier Guerrin/PWP)

Les gestionnaires de réseaux gaziers (GRDF, GRTgaz, Teréga), le syndicat des énergies renouvelables (SER) et le SPEGNN(1) ont présenté le 1er avril la 6e édition du « Panorama du Gaz Renouvelable »(2) en France. Présentation de quelques chiffres clés concernant la filière du biométhane, en pleine croissance.

Le développement de la filière du biométhane en France en 2020

Pour rappel, le « biogaz » ou « gaz renouvelable » est produit principalement par méthanisation de déchets organiques fermentescibles (effluents d'élevages, déchets municipaux, etc.). Il est utilisé à des fins de production de chaleur ou d’électricité mais peut également être injecté dans les réseaux gaziers après avoir été purifié(3) et odorisé : il est alors qualifié de « biométhane » (ou de « bioGNV » lorsqu’il sert à alimenter des véhicules comme carburant).

En 2020, 91 nouveaux sites d’injection de biométhane ont été mis en service en France, portant leur nombre total dans l'hexagone à 214 sites en fin d’année. La production nationale de ce gaz « renouvelable » a atteint 2,2 TWh en 2020 (soit une hausse de 79% par rapport à 2019) mais le biométhane ne comptait encore que pour 0,5% de la consommation française de gaz naturel l'an dernier.

Cette part s’élève à 1% lorsque l’on considère la production maximale attendue des différents sites en service (près de 3,9 TWh/ an), une partie d’entre eux n’ayant pas atteint leur pleine capacité. Et la filière connaît une « forte dynamique » avec 1 164 projets « en file d’attente, dont la moitié ont déjà un contrat signé » (d’une production cumulée potentielle de 26,5 TWh/an), souligne le président du SER Jean-Louis Bal.

Parmi les 214 sites d’injection de biométhane en service à fin 2020, 167 proviennent du milieu agricole, apportant un complément de rémunération aux acteurs du secteur. Les sites d’injection sont relativement bien répartis sur le territoire métropolitain (à l’exception de la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur), deux régions se dégageant par le niveau d’injection : le Grand-Est (848 GWh/an de « capacité maximale installée » à fin 2020) et les Hauts-de-France (607 GWh/an).

Sites d'injection de biométhane en service

Le hic : un manque d'ambition de la PPE pour la filière…

Pour rappel, la loi énergie-climat fixe pour objectif de porter la part du gaz renouvelable dans la consommation française de gaz naturel à 10% à l’horizon 2030, ce qui correspondrait potentiellement à « 40 à 45 TWh par an, un niveau parfaitement atteignable en termes de ressources » disponibles, souligne Jean-Louis Bal. Les programmations pluriannuelles de l’énergie (PPE) tracent toutefois une trajectoire moins ambitieuse, regrette le SER : la première PPE fixait un objectif de 8 TWh à l’horizon 2023, qui a été ramené à 6 TWh (et de 14 à 22 TWh en 2028) dans la dernière PPE publiée en avril 2020.

Cette PPE est à ce titre jugée par Jean-Louis Bal « pas assez ambitieuse et incohérente avec les objectifs de la loi » énergie-climat (la PPE fixe comme ambition de porter la part de gaz renouvelable dans la consommation totale de gaz en France à 7% en 2030 « en cas de baisse de coûts de production du biométhane injecté permettant d’atteindre 75 €/MWh PCS en 2023 et 60 €/MWh PCS en 2028 » et jusqu’à 10% « en cas de baisses de coûts supérieures »).

Les acteurs de la filière alertent d'ores et déjà sur la baisse des projets « au-delà de 2024-2025 », face aux incertitudes en matière de soutien public. Il est rappelé qu’un projet nécessite « entre deux et trois ans » pour être « monté » avant même le début de la construction (mobilisation, études préliminaires et autorisations administratives). Autrement dit, un « signal politique » est attendu : la filière rappelle avoir « proposé en 2020 des mécanismes de financement extra-budgétaires pour prendre le relais du dispositif actuel, qui font l'objet d'une consultation lancée en février 2021 par les pouvoirs publics ».

Les gestionnaires de réseaux soulignent également leur « forte mobilisation », notamment pour effectuer les « zonages » de raccordement (définition de zones de raccordement et évaluation des investissements nécessaires par rapport au volume potentiel de biométhane pouvant y être injecté sur les réseaux). Rappelons enfin que la filière mise également, outre la méthanisation, sur d’autres voies de production de gaz « renouvelable » avec, par ordre de maturité, la pyrogazéification, la gazéification hydrothermale et l’hydrogène.

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