L’IRSN prend le pouls des Français sur le nucléaire

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Sculpture devant la centrale nucléaire de Cruas Meysse

Centrale nucléaire de Cruas Meysse : « La fée électricité », œuvre du sculpteur Georges Saulterre, et tour aéroréfrigérante. (©EDF-Agence REA/Xavier Popy)

L’opinion française « se montre très partagée » sur l’énergie nucléaire, constate sans surprise le baromètre 2021 consacré à « la perception des risques et de la sécurité par les Français » publié le 26 mai(1) par l’IRSN (Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire)(2).

Nucléaire : « Un penchant plus favorable que par le passé »

Tout d’abord, l’IRSN souligne que les Français portent, a posteriori « un regard plutôt bienveillant sur le programme nucléaire civil » qui a conduit à faire reposer aujourd’hui à près de 70% le mix électrique national sur cette énergie : « la construction des centrales nucléaires a été une bonne chose » pour 53% des répondants à l’enquête menée en novembre 2020 par Harris Interactive(3) pour l’IRSN (18% jugent négativement le programme et 29% ne se prononcent pas). Une approbation bien plus forte que dans les enquêtes réalisées entre 1984 et 1999 (avec 27% à 44% de jugements favorables durant cette période).

Si le regard sur le parc nucléaire historique s’est ainsi « sensiblement amélioré » selon l’IRSN, le recours à cette énergie à long terme rencontre en revanche une opposition significative : 45% des répondants se disent opposés à la construction de nouvelles centrales,  29% y sont favorables tandis que 26% se déclarent « ni favorables, ni opposés ». Par ailleurs, 38% répondent favorablement à l’assertion « il faut fermer les centrales nucléaires » tandis que 32% la rejettent(4) (30% ne tranchent pas). Le baromètre de l'IRSN indique enfin que seuls 29% des Français se déclarent favorables à la construction de nouvelles centrales nucléaires (26% ne se prononcent pas).

In fine, une certaine incertitude semble prévaloir aujourd’hui autour du nucléaire dans l’opinion française : « nous sommes passés d’une opinion en fort désaccord à une opinion partagée presque également en trois tiers, avec un léger avantage aux partisans de la fermeture », résume l’IRSN.

Les Français et l'énergie nucléaire
L’opposition au nucléaire reste « plus élevée que l’adhésion », même si elle est « sensiblement moins forte que lors des années 1986-2005 » selon l’IRSN. (©Connaissance des Énergies d'après IRSN)

Les arguments en faveur et contre le nucléaire

Pour les Français, « l’argument le plus cité » en faveur du nucléaire est de loin « l’indépendance énergétique » (33% des répondants), devant « le faible coût de l’électricité » (24%) et, dans une moindre mesure, « la faible émission de gaz à effet de serre » (14%(5)) et « la création ou le maintien d’emplois en France » (13%).

À l'inverse, la production de déchets constitue « l’argument le plus fort contre le nucléaire » (36% des répondants), devant « le risque d’accident » (27%) qui avait presque toujours été mentionné en premier lieu lors des précédentes enquêtes. Les Français sont « sceptiques vis-à-vis de la possibilité de stocker de façon sûre les déchets nucléaires » (seuls 29 % jugent cela possible). Selon l’IRSN, « une majorité de Français (62 %) juge possible qu’un accident de la même ampleur que celui de Fukushima se produise en France ». En précisant la question, 52% des répondants jugent toutefois « plutôt pas probable » ou « pas du tout probable » un tel accident.  

Et les Français « font largement confiance à l’organisation de la sûreté actuellement en place, six Français sur dix affirmant que toutes les précautions sont prises pour assurer un très haut niveau de sûreté dans les centrales nucléaires françaises » (contre seulement 42% entre 2008 et 2018). L’IRSN souligne par ailleurs l’impact des informations relatives aux accidents de Tchernobyl et de Fukushima Daiichi sur la perception des Français. En 2020, encore « plus de 70 % des Français déclarent qu’on leur cache la vérité sur les conséquences de l’accident de Tchernobyl » (le discrédit est plus faible concernant l’information sur Fukushima).

Dans l’enquête d’Harris Interactive, il est également demandé aux Français de juger les différents acteurs du domaine nucléaire (ou abordant les thématiques liées à cette énergie) sur deux critères : la compétence et la crédibilité. Le CNRS, l’ASN (Autorité de sûreté nucléaire) et l’IRSN sont en particulier jugés « les plus compétents et crédibles » parmi les différents acteurs. Les associations écologistes, les journalistes et femmes et hommes politiques souffrent en revanche d’un fort discrédit.

L'opinion des Français sur les acteurs du domaine nucléaire
« Sur les 20 acteurs proposés, douze sont jugés compétents par une majorité absolue, dont six avec une adhésion de plus de 75 % des personnes interrogées », indique l'IRSN. (©Connaissance des Énergies d'après IRSN)

Précisons que l’opinion des Français sur le nucléaire ne fait l’objet qu’une partie du Baromètre 2021 de l’IRSN qui aborde plus globalement les préoccupations principales des Français, leur regard sur la science et leur perception des situations « à risque » (voir graphique ci-après).  

Baromètre 2021 de l'IRSN
Dans le cadre du baromètre 2021 de l'IRSN, les Français ont été interrogés sur 31 « situations à risque ». Les risques liés aux centrales nucléaires sont jugés « élevés » ou « très élevés » par 41% des répondants, « moyens » par 33% d'entre eux et « faibles » ou « quasi nuls » par les 26% restants. (©Connaissance des Énergies d'après IRSN)

Sources / Notes
  1. Baromètre 2021 - La perception des risques et de la sécurité par les Français, IRSN.
  2. L’IRSN est l’expert public en matière de recherche et d’expertise sur les risques nucléaires et radiologiques.
  3. Deux enquêtes  ont été menées en parallèle : l’une sur Internet (dont les résultats sont présentés dans le Baromètre) et une autre, de contrôle, confiée à CDA qui a mis en œuvre les mêmes modalités que dans les précédents baromètres annuels de l’IRSN (en face‑à‑face). Les deux enquêtes ont été menées à la même période auprès d’un échantillon répondant aux mêmes critères de représentativité. Enquête Internet : réalisée par Harris Interactive du 17 au 25 novembre 2020 auprès d’un échantillon représentatif de 2011 personnes. Enquête face‑à‑face : réalisée par CDA du 16 novembre au 3 décembre 2020 après d’un échantillon représentatif de 1 048 personnes.
  4. « Un minimum historique » selon l’IRSN qui rappelle que les Français restaient fortement opposés à la fermeture des centrales entre 1986 et 1992 (à 60% en moyenne), malgré la survenue de l’accident de Tchernobyl.
  5. « Lorsque le Baromètre a interrogé les Français spécifiquement sur ce sujet en 2019, 58 % d’entre eux ont déclaré que « la faible émission de gaz à effet de serre » était un argument fort pour le nucléaire, précise l’IRSN.

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