Transports : quelles bonnes résolutions climatiques ?

Aurélien Bigo

Chercheur sur la transition énergétique des transports (associé à la Chaire Énergie et Prospérité)

En France, la consommation d’énergie des transports compte pour près de 30% de la consommation finale d’énergie(1) et pour 31% des émissions de gaz à effet de serre (hors transports internationaux)(2).

Les politiques publiques font actuellement la promotion de modes de transport ou de technologies bas carbone. Mais dans le même temps, les mobilités intenses en énergie et en carbone ne sont pas découragées, voire même sont encouragées, comme en témoigne la relance du secteur aérien ou les projets d’autoroutes. La somme de ces tendances positives et négatives nous mène au total à des émissions de gaz à effet de serre dans les transports relativement stables ces dernières années (hors effet Covid), loin des fortes baisses d’émissions nécessaires pour mener à des transports terrestres (voitures, poids lourds, bus et cars, trains, fluvial…) totalement libérés du pétrole en 2050.

Les mesures proposées ci-après, qui pourraient être mises en œuvre au cours du prochain mandat présidentiel, visent à assumer la baisse des usages les plus carbonés actuellement en vigueur :

  • Abaisser les vitesses sur les routes, en particulier en instaurant une limite de 110 km/h sur les autoroutes et de 100 km/h sur les nationales, mesure permettant les plus fortes baisses d’émissions à très court terme, avec de faibles coûts de mise en œuvre et même des économies pour les automobilistes. Dans le même temps, instaurer le 30 km/h dans les zones urbaines dès qu’il n’y a qu’une seule voie par sens de circulation (comme cela a été fait en Espagne), aussi bien dans les villes que les villages, afin d’améliorer la sécurisation de la marche et du vélo ;
     
  • Renforcer la fiscalité carbone sur les modes les plus difficiles à décarboner et aujourd’hui au moins partiellement exonérés de fiscalité énergétique, à savoir l’aérien, le maritime et les poids lourds. Cela viserait simultanément à encourager la réduction de leur usage (en modérant la demande, en favorisant d’autres modes) et leur passage à des énergies décarbonées. Cela dégagerait des financements pour accompagner la transition des plus fragiles vers des transports bas carbone ;
     
  • Réorienter le marché des voitures vers les véhicules légers et sobres, en sollicitant les normes (sur la vitesse maximale, le poids ou encore les émissions à ne pas dépasser) et en renforçant la fiscalité (malus poids, bonus-malus sur les émissions…) afin de réinvestir le montant des malus sur les véhicules légers, allant du vélo au quadricycle électrique en passant par le vélo à assistance électrique, le vélomobile ou encore les vélos cargos (les véhicules intermédiaires(3) entre le vélo et la voiture), pour lesquels un grand plan de développement industriel et de relocalisation de ces véhicules serait lancé ;
     
  • Instaurer un moratoire sur la construction et l’agrandissement des aéroports et de voies routières rapides. Sur l’aménagement du territoire et en lien avec les déplacements quotidiens, stopper la construction de routes communales liées à l’étalement du logement, de même que l’artificialisation liée à la construction de centres commerciaux et d’entrepôts logistiques en périphérie.

Au-delà des impacts climatiques, de nombreuses nuisances sont liées à la voiture (consommation d’espace, sédentarité, bruit, pollution, etc.). Les traiter nécessite notamment un fort rééquilibrage de l’espace public en faveur des mobilités sobres en énergie, en ressources et en espace.

Il faut assumer une hiérarchie entre les modes de transport afin de systématiquement favoriser les modes les plus vertueux, à savoir la marche, devant le vélo, les transports en commun ferroviaires, routiers, la voiture partagée, puis la voiture individuelle et l’avion. Cela devrait aussi s’accompagner d’un vaste plan pour permettre à tous les élèves de primaire, collège et lycée d’aller à pied ou à vélo jusqu’à leur établissement en toute sécurité, véritable question de santé publique et de comportement des plus jeunes à habituer aux mobilités durables.

Sources / Notes

  1. 28% en 2020, année toutefois exceptionnelle.
  2. Bilan annuel des transports en 2019, Ministère de la Transition écologique.
  3. Malus poids, émissions de CO₂ : intéressons-nous enfin aux véhicules intermédiaires !, Aurélien Bigo et Frédéric Héran, The Conversation, 26 octobre 2020. 

Les propos de cette tribune sont issus d’un entretien d’Aurélien Bigo sur les enjeux liés à la décarbonation des transports avec le magazine Ville, Rail et Transports. Vous pouvez accéder à l'intégralité de cet entretien ici et au magazine dans lequel il est paru ici.

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Commentaire

EtDF
Arrêtons de prendre les français pour des ânes, des cobayes payeurs et de conduire à des conditions de faillites.La France représente à peine 1% de l'émission d'un gaz à effet de serre qu'on appelle CO2. Les transports ici considérés sont évalués pour contribuer à moins d'1/3 à cet effet. Supposons que les nombreuses mesures coercitives et couteuses ici énumérées amènent à des réductions en quelques bonnes années (faut pas rêver) à 1/3 de ce montant. Nous pourrions, les français contribuer à une diminution de 0.1% de notre dette CO2! A quel coût économique?? Pendant ce temps à côté on remet en route des centrales charbon et bientôt au gaz abondé russe, en Chine l'usage du charbon progresse intensivement (et ils seraient propres en 2060 ???), les Émirats disent l'arrêt pétrole et gaz.. que nenni, l'Inde va continuer fort au charbon (alternative), le Japon rouspète de ne plus avoir assez de charbon, et on en et on en passe.. Je ne dit pas qu'il ne faut rien faire, mais sans industrie, sans plus d'économie, sans rien pour participer aux nouvelles technologies innovantes qui se mettent justement en place pour l'instant où il y de l'énergie.... pas chère et encore abondante, et qui vont ainsi contribuer à nous mettre définitivement par terre... Avec des solutions à la "Y A QU'A".. Déjà la notion d'une "Chaire"? Energie et PROSPERITE, n'est pas une rigolade de potache, mais une hérésie fondamentale! De grâce! des chercheurs qui trouvent! car ceux qui "cherchent" (???) on en trouve beaucoup (~De Gaulle). En ce temps là la France était la 3-4eme puissance du monde et au sortir d'une guerre éprouvante. En ce temps la, les gens bossaient!
Dominique Guérin
Si la limitation de la vitesse à 110 km/h sur autoroute permettrait bien de diminuer un petit peu la consommation des voitures dans cette condition, ça va "froisser" tout les utilisateurs et ça n'empêchera pas les constructeurs de construire des véhicules de 200, 300, 400 cv et plus complètement inutiles, très lourds, utilisant beaucoup d'énergie et de matières premières pour les fabriquer. Une interdiction de commercialisation des véhicules pouvant rouler à plus de 130 km/h serait beaucoup plus efficace car elle ne gênerait que les 1% de voyous de la route qui ne respectent pas la limitation de vitesse et les constructeurs pourraient alors diminuer la puissance des moteurs et de toutes les autres fonctions (embrayage, boîte de vitesses, trains et suspensions, pneus, roues, freins, refroidissement, échappement, dispositifs d'absorption des chocs...) ce qui se traduirait par des voitures plus légères, moins chères moins consommatrices et émettant moins de CO2. Un simple décret avec date d'application dans 3 ans suffirait.
Dominique Guérin
Une 2° décision politique très efficace serait de décider que c'est l'état qui achète le pétrole et revend les carburants: 10% moins chers demain matin qu'aujourd'hui mais dont le prix augmenterait de 1% par mois. Ce système permettrait aux constructeurs de connaître longtemps à l'avance les prix à la pompe et donc la date à laquelle de nouvelles technologies seront vendables. Aujourd'hui avec la variation des prix du pétrole et donc des prix à la pompe, depuis des décennies, les programmes de recherche sur les évolutions de la mobilité démarrent quand le prix du pétrole monte et s'arrête quand il redescend avec d'énormes dépenses et rien qui débouche. Mesdames et Messieurs les politiques, faites votre travail et les innovations suivront. J'en sait quelque chose, j'étais responsable des innovations chez un grand constructeur français.
benoit PERRAUDIN
Personnellement, je n'ai pas attendu que l'état, les politiques ou les vendeurs de voitures se décident à faire bouger les choses à ma place : j'ai investi en mars 2021 dans un vélomobile d'occasion (vélo couché caréné tout en carbone) Résultat : 6800km parcourus en voiture pour mes déplacements professionnels et 4400 km en vélomobile. Ca fait environ 38% de carburant économisé pour la planète et mon portefeuille. Par contre, faut pédaler, certes, mais on n'a rien sans effort .... www.bpmoe.fr
Hervé
Vous proposez des solutions d'écolos: sanctionner les usagers pour un impact insignifiant ... Chez les escrolos, ce qui compte c'est "d'emmerder" les gens pour faire croire qu'on fait quelque chose. Le résultat ils s'en foutent, (et par conséquent de l'avenir de la planète aussi...). Car baisser les émissions de 5 ou 10% ne sert a rien. Si vous voulez "sauver la planète" c'est du 80 à 90% qu'il faut.
Guillaume
Ben oui. Pour sauver la planète, c'est -80 à -90% de GES, qu'il faut. Cela fait des années que ceux que vous appelez les "escrolos" le disent et que de vrais scientifiques comme le GIEC le disent aussi. Cela implique des changements radicaux dans nos modes de consommation mais là il n'y a plus personne, car des gens comme vous vont hurler à "l'escrologie".

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