Bob Perciasepe est président du think tank américain C2ES. (©photo)
Le Center for Climate and Energy Solutions (C2ES) fait partie des 5 think tanks environnementaux les plus influents au monde selon l’Université de Pennsylvanie(1). Nous avons interrogé son président, Bob Perciasepe, sur les enjeux énergétiques des États-Unis et son regard sur la COP21.
1) Quelles sont les principales politiques environnementales liées à l’énergie aux États-Unis ?
Dans le domaine des transports, l’EPA (Environmental Protection Agency) réglemente les émissions de gaz à effet de serre en grammes par mile. Les limites d’émissions peuvent être ensuite traduites en termes de consommation (miles par gallon) afin que cela parle aux consommateurs. Concrètement, les véhicules devront consommer en moyenne 54 miles par gallon d’ici à 2025 (ce qui correspond à une consommation d’environ 4,3 litres aux 100 km), soit une diminution par deux de leur consommation actuelle ainsi que des émissions de gaz à effet de serre associées.
Le Clean Power Plan qui vise à réduire les émissions de CO2 liées à la production d'électricité de 32% d'ici à 2030 (par rapport à 2005) est une autre politique centrale. On peut également citer la lutte contre les fuites de méthane et le développement des énergies renouvelables. La réduction des émissions d’hydrofluorocarbures (HFC), gaz à effet de serre au très fort pouvoir de réchauffement climatique provenant de l’air conditionné et de la réfrigération, est également une politique importante aux États-Unis reposant sur le protocole de Montréal.
2) Les États-Unis sont désormais les premiers producteurs mondiaux de gaz et de pétrole grâce aux hydrocarbures de schiste. Quelle place occuperont ces derniers dans le futur ?
Il faut rappeler que le pétrole est principalement consommé dans les transports tandis que le gaz est utilisé pour chauffer des habitats et l’eau sanitaire, pour la cuisson ou encore pour la production d’électricité. La consommation de gaz est amenée à augmenter mais celle de pétrole devrait rester stable, voire décliner, selon le nombre d’automobilistes dans le futur, en raison des nouveaux standards de consommation.
Nous savions déjà que nous disposions d’importantes réserves de pétrole mais ce sont des technologies comme le forage horizontal et la fracturation hydraulique qui les ont rendues accessibles. Il y a énormément de ressources mais je ne sais pas combien de temps elles seront exploitées. A l’heure actuelle, les Etats-Unis ne peuvent pas exporter de pétrole mais cette interdiction est débattue au Congrès.
3) Sur quelles énergies repose la production américaine d’électricité et comment va évoluer ce mix ?
Il y a quinze ans, le mix électrique des États-Unis reposait environ pour moitié sur le charbon, à 20% sur le nucléaire, le reste étant fourni par les énergies renouvelables et le gaz naturel. Aujourd’hui, la part du charbon avoisine 35%, celle du gaz naturel 33%, celle du nucléaire est toujours d’environ 20% et les énergies renouvelables ont augmenté leur contribution à un peu plus de 10% du mix.
Dans le futur, les parts des énergies renouvelables et du gaz naturel vont continuer à augmenter tandis que celle du charbon va baisser. Les principales énergies renouvelables devraient rester l’éolien, le solaire et l’hydroélectricité.
Il ne devrait pas y avoir d’évolution significative de la part de l’énergie nucléaire d’ici à 2030. Des centrales vont fermer mais 5 nouveaux réacteurs sont en cours de construction. Nous disposons d’un parc d’environ 100 réacteurs nucléaires et une grande partie d’entre eux vont devoir renouveler leur licence d’exploitation. A cette occasion, les réacteurs doivent être modernisés, ce qui peut leur permettre de produire davantage d’électricité par la suite. La durée de vie de certains réacteurs ne sera toutefois pas prolongée pour des raisons économiques.
4) Quelles seront selon vous les conditions d’une COP21 « réussie » ?
Un accord fort mettant en place un système transparent pour les INDC. Un cycle de révisions tous les 5 ans me paraît raisonnable pour évaluer ce que les différents pays font bien qu’un délai de 4, 6 ou 7 ans ne me choquerait pas. Chaque révision aura lieu lors d’une COP, durant laquelle les pays présenteront leurs résultats, ce qui constituera un système de « peer review ». Il faudrait que ce système de révision débute en 2020, soit à peu près à un tiers ou à mi-chemin des engagements de réduction des émissions des pays (objectifs généralement fixés à l’horizon 2025/2030).
Une autre condition de réussite de la Conférence de Paris concerne les financements. L’engagement pris à Copenhague de 100 milliards de dollars par an de financements pour les pays du Sud devrait constituer un montant minimal après 2020. Et les besoins liés aux « pertes et dommages » devront notamment être éligibles à ces fonds.