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Au 1er août, le tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité (TURPE) aurait dû augmenter de plus de 4% mais le gouvernement a annoncé ce 15 juillet qu'elle ne souhaitait pas appliquer cette évolution. Explications.
Comment aurait dû évoluer le TURPE au 1er août ?
Chaque année, la Commission de régulation de l'énergie (CRE) soumet au gouvernement une délibération pour faire évoluer les tarifs d'utilisation des réseaux public d’électricité, dits « TURPE » (selon la formule tarifaire actuelle, « TURPE 6 », fixée pour 4 ans, du 1er août 2021 au 31 juillet 2025).
Au 1er août 2024, cette « mise à jour mécanique » aurait dû conduire à « une évolution du tarif d’utilisation des réseaux publics de distribution d’électricité (TURPE HTA-BT) de + 4,81% » (pour couvrir les charges d'Enedis et des ELD) et « à une évolution du tarif d’utilisation des réseaux publics de transport d’électricité (TURPE HTB) de + 4,99% » (pour les charges de RTE), indique la CRE.
Le gouvernement indique avoir reçu le 8 juillet cette proposition de la CRE (il n'y a pas de date butoir pour la remise de cette recommandation, cette dernière avait été émise « en avance » en 2023 dès le 7 juin). La Commission de régulation de l'énergie a émis un communiqué ce 15 juillet pour rapporter la décision du gouvernement.
La CRE a transmis ses décisions au ministre chargé de l’Energie. Le ministre a indiqué à la CRE son intention de ne pas procéder à la publication de ces délibérations au Journal officiel de la République française et de recourir à son délai de deux mois lui permettant de demander de nouvelles délibérations sur l’évolution du TURPE 6 en application de l’article L.341-3 du code de l’énergie.
Quel aurait été l'impact de la hausse du TURPE sur les factures ?
Sachant que le TURPE compte pour près d'un tiers du tarif réglementé, la hausse suggérée par la CRE aurait dû entraîner une hausse d'un peu plus de 1% des factures d'électricité, indique le ministère en charge de l'Énergie.
Autrement dit, la hausse moyenne pour un consommateur d'électricité était estimée par la CRE de l'ordre de « 8 à 15 euros » sur la facture annuelle.
Pourquoi le gouvernement a refusé cette hausse au 1er août ?
Pour justifier son refus d'appliquer la hausse annuelle du TURPE, le gouvernement indique officiellement souhaiter éviter un « yoyo » des tarifs de l'électricité et leur apporter de la « stabilité ». Or, les prix de l'électricité vont baisser en février 2025 : le marché anticipe une baisse de la part fourniture du tarif réglementé, devant se matérialiser par une baisse de la facture de tous les clients du tarif bleu ou d’une offre indexée dessus de l’ordre de 10%.
« Je souhaite éviter une accumulation de recommandations ponctuelles par à-coup qui empêchent les consommateurs de se projeter sur le montant de leur facture à l’année. Peu importe la suite politique, il faut que le ministère de l’énergie et la CRE travaillent en bonne le adéquation avec pour favoriser une meilleure visibilité des consommateurs et éviter des effets trompe l’œil inquiétants et néfastes », indique ainsi le ministre en charge de l'Énergie Roland Lescure.
Pour protéger les consommateurs d’une hausse inutile, il n’y aura pas d’augmentation des tarifs d’électricité au 1er août 2024.https://t.co/0LBo2JSlN2
— Roland Lescure (@RolandLescure) July 15, 2024
Le gouvernement souhaiterait ainsi idéalement que l'évolution tarifaire de la « brique réseau » entre en vigueur au même moment, ce qui reviendra à limiter la baisse prévue des prix de l'électricité en février 2025. Rappelons que cette baisse doit aussi absorber la remontée à son niveau normal de l’accise sur l’électricité, une taxe importante qui doit remonter de 10€ par MWh après une baisse conjoncturelle liée à la crise de l’énergie.
Le gouvernement indique que cette décision n'a aucun lien avec le contexte ou le calendrier politique. Il entend demander une nouvelle délibération à la CRE et dispose à ce sujet d'un délai de 2 mois.
Quelles conséquences ?
Les investissements des gestionnaires de réseaux seront réalisés, indique la CRE. Néanmoins, les coûts des infrastructures devront bien être couverts d’une façon ou d’une autre.
D'autres analystes soulignent toutefois que les gestionnaires souffrent déjà d’une baisse de leurs recettes, assises sur la consommation, dans le contexte des efforts de sobriété et de la baisse de consommation. En effet, les coûts du réseau sont largement fixes, et toute baisse de la consommation se ressent directement dans les profits (ou pertes) de ces gestionnaires (le blocage du TURPE, les empêchant de voir leur tarif indexé sur l’inflation, risque d’aggraver leur situation).
D'un point de vue politique, cette décision revient à laisser au prochain gouvernement la responsabilité d'intégrer cette hausse de la part réseaux dans l'évolution des prix de l'électricité.
Une augmentation appliquée seulement en février 2025
L'augmentation du "tarif réseau", lié aux coûts d'acheminement de l'électricité, sera appliquée seulement à partir du 1er février. Cette hausse, qui représente une augmentation de 1% sur la facture pour les abonnés au "tarif bleu d'EDF" (tarif réglementé), sera alors absorbée par le repli attendu des cours de l'électricité.
Au final, les ménages concernés pourraient bénéficier d'une baisse de leur facture d'"au moins 10%", a indiqué la Commission de régulation de l'énergie (CRE) dans une délibération mercredi.
Éviter l'effet yo-yo
Mais le gouvernement démissionnaire avait renoncé à l'appliquer, une façon d'éviter un "yo-yo" des prix incompréhensible pour les consommateurs, avait justifié mi-juillet Bercy en s'évitant au passage une polémique, en pleine crise politique.
Les prix de l'énergie, au plus haut en 2021-2022 du fait de la reprise post-Covid et de la guerre en Ukraine, ont en effet largement agité les débats des élections européennes et législatives. Sur deux ans, ceux de l'électricité ont bondi de plus de 43% malgré le bouclier tarifaire instauré par l'État.
Le gouvernement avait donc demandé à la CRE de prendre une nouvelle délibération tenant mieux compte de ses recommandations de stabilité. Celle-ci maintient "l'actualisation annuelle" du TURPE, l'une des trois briques de la facture à côté du coût du courant lui-même et des taxes, pour une entrée en vigueur au 1er novembre.
Mais, "dans un objectif de stabilité et de lisibilité des prix", pour les ménages et TPE aux tarifs réglementés de vente de l'électricité (TRVE) - soit 22,4 millions de compteurs - la CRE propose de reporter cette hausse du TURPE au 1er février, date de révision habituelle du TRVE. Le but est de rendre la hausse indolore, grâce au recul des cours de l'électricité qui entrent dans le calcul de la facture.
200 euros sur la facture annuelle
Même s'ils n'ont pas retrouvé leur niveau d'avant crise (40/50 euros du mégawattheure), ces prix sur les marchés se stabilisent aujourd'hui autour de 60-70 euros du MWh, loin des sommets de 2022. "Sur la base des prévisions de prix et de fiscalité actuelles", la CRE anticipe ainsi "une baisse des TRVE d'au moins 10% au 1er février", une première depuis le début de la crise énergétique.
Concrètement, pour un ménage moyen avec une facture annuelle de 2 000 euros, l'économie est estimée à au moins 200 euros par an. Cette baisse inclut donc la hausse du TURPE et le relèvement de l'accise sur l'électricité, une taxe que le gouvernement démissionnaire a promis de rétablir au maximum pour sortir définitivement du coûteux bouclier tarifaire.
La hausse du TURPE sera en revanche bien applicable au 1er novembre pour les 17,5 millions de ménages et entreprises en offres de marché. En théorie, car les opérateurs sont libres de ne pas la répercuter. "Il n'est pas exclu que très peu le fassent", indique la CRE à l'AFP. Ces fournisseurs proposent aujourd'hui des offres très inférieures au TRVE, d'environ 20%.
Dans sa délibération du 26 juin, la Commission préconisait d'augmenter de 4,8% le "tarif réseau", revu chaque année en août, pour tenir compte de la hausse des coûts d'acheminement du gestionnaire de la distribution Enedis, sorte de péage payé par les fournisseurs et répercuté aux consommateurs.