Divisions au cœur de l'Amérique rurale face aux grands projets solaires

  • AFP
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De sa maison de bois aux extensions bricolées, Susan Burns regarde chaque jour depuis 75 ans le soleil se coucher sur le champ de son cousin. Mais ce dernier a signé pour y faire installer des panneaux solaires, et Susan en a fait son combat.

Au milieu du Missouri, État perdu au centre de l'Amérique, d'immenses projets photovoltaïques bourgeonnent et secouent le comté de Callaway, terre de bocage et d'églises. C'est d'ailleurs dans la chapelle baptiste d'en face que Susan a débuté sa fronde contre ces étendues scintillantes qui, accuse-t-elle, "me feront perdre ma vue, ma santé, ma sécurité". Le groupe qu'elle a constitué mène une lutte qui, engagée aux quatre coins du pays, pourrait ralentir la transition de la première économie mondiale vers une électricité plus bas carbone.

Cadastre

"Je souhaite vivre sur ces terres agricoles, en prendre soin. Et l'idée que mon cousin, de l'autre côté de la route, transforme ses terres arables en un espace industriel me dérange beaucoup", raconte-t-elle à l'AFP depuis son lopin familial, isolé en pleine campagne.

Avec une bonne dizaine d'autres bénévoles, Mme Burns a organisé la veille une réunion publique pour sonner la mobilisation. À l'entrée de la salle, une pétition est à signer, les militants invitent les curieux à étudier le cadastre, où apparaissent en surimpression les trois projets solaires contestés. "Ensemble, nous pouvons les bloquer", lance debout Joe Burns, le fils de Susan, devant une petite centaine de personnes à Fulton, la bourgade du comté.

Identité

Face à une électricité américaine tirée à 60% des énergies fossiles, l'administration du président Joe Biden tente de renverser la vapeur en faveur des renouvelables.

Mais la multiplication de ces groupes locaux d'opposition à travers le pays va "retarder de manière importante l'objectif des États-Unis d'atteindre la neutralité" carbone, estime Jungwoo Chun, qui étudie la question au Massachusetts Institute of Technology (MIT).

Comme d'autres universitaires interrogés par l'AFP, il insiste: réduire ces oppositions à une simple lutte contre un trouble de voisinage serait une erreur. Et les infox, qui foisonnent sur les groupes Facebook, ne peuvent pas non plus résumer ce conflit. "C'est presque une crise d'identité", analyse Doug Bessette, professeur assistant à l'Université d'Etat du Michigan et coauteur de plusieurs études sur le sujet. "Les agriculteurs ont une identité bien particulière (...), c'est le travail dur, c'est la crasse sous vos ongles. Et quand vous avez une terre qui n'est plus travaillée, qui reste simplement là en jachère avec des panneaux solaires pour 20 ans, ça secoue votre identité."

Ainsi émerge un conflit local. Dans le sud du comté, deux voisins ont failli en venir aux mains : l'un aurait sa maison entourée de panneaux solaires, car l'autre a signé avec les promoteurs pour du solaire. Pour les propriétaires terriens, le calcul est vite fait.

« Minorité »

Juché sur son tracteur, Mike Webb amène l'AFP sur sa ferme, où il nourrit du bétail. "Ce bout de terre juste là, en face de la route", lance-t-il, "une bonne année, après tous les investissements (...) ça dégage 250 à 300 dollars par acre". "Et quand quelqu'un débarque et me dit Nous sommes prêts à vous donner 1 000 dollars par acre (par an) pour des panneaux solaires, avec 2% d'augmentation par an et un contrat pour 40 ans, ça vous intéresse." Il a donc signé. "Ça devrait être mon droit, de faire ce que je veux chez moi", dit-il.

À un carrefour, avec d'immenses silos à grain dans le lointain, un panneau appelle à la lutte contre les projets solaires. "Ça me rend dingue", lâche-t-il en passant devant, dénonçant la résistance d'une "minorité" de la population.

Ici, dans le nord du comté de Callaway, il se dit que les premiers coups de pelleteuse pour l'une des trois fermes photovoltaïques pourraient intervenir dès l'été, ce que ne confirme pas Ranger Power. Le promoteur de ce projet de 250 mégawatts (de quoi alimenter près de 43 000 foyers) assure à l'AFP que son investissement de 300 millions de dollars permettra notamment aux propriétaires locaux "de maintenir les fermes familiales existantes".

"C'est de l'argent tombé du ciel", estime Mike Webb, qui pense à sa retraite et à ses quatre enfants, dont certains reprendront l'exploitation. "Qu'ils aiment ça ou non, ça leur fera un revenu. Et vous savez, c'est ce qui compte pour eux."

Commentaires

Serge Rochain

Ce qui est nouveau fait d'autant plus peur que ceux qui le vivent sont primaires
L’Amérique profonde en est encore souvent entre le XIX et le XX e siècle, quand ce n'est pas au XVIII e avec les Amishs

Vlady

Ce sont aussi les électeurs de Trump .Or , on connaît l ' opinion de celui-ci au sujet du réchauffement climatique : " Ça va bientôt refroidir " !!!

Serge Rochain

Hélas..... comme si un zozo commz Trump avait une quelcoque compétence pour comprendre ce que disent les cliumatologues et décider lui-même du contraire !

RENZO BEE

C'est assez inacceptable de juger des personnes, surtout quand elles sont d'une autre culture et d'une anthropologie très différente.
Il serait pour le moins exigible que ce genre de commentaire (référence à "primaire") disparaisse. Il va de soi que visiblement vous n'avez pas conscience d'insulter d'autres cultures.
Abstenez vous de commenter par vos émotions et respectez l'opinion des autres

Gilles

Là vous dérapez monsieur Rochain. Normalement je suis d'accord avec vous sur le plan technique mais là vous insultez carrément des gens qui ont l'amour de leur terre, de leur culture (au sens agricole). On doit pouvoir essayer de faire cohabiter solaire et agriculture sans employer des termes aussi inacceptables comme vous le faites. Vous ne connaissez pas le monde agricole ?

Rochain Serge

Et moi je trouve inacceptable qu'un zozo sorti de nulle part vienne me dire à moi qui a vécu au Texas ce qu'il faudrait que je pense de mes anciens voisins et collègues.

Brigitte Bertin

Mais il se prend pour qui ce Mr Rochain sorti d'où au juste? de la cuisse de Jupiter?
Il n'y a bien que les autodidactes qui ont "réussi" pour être aussi imbus d'eux mêmes , arrogants et méprisants. C'est intolérable d'insulter les gens ainsi!
Cette fois-ci ce n'est pas Tati qui le vient à l'esprit mais Molière....XVII siècle...celui des EnR justement, abec le bourgeois gentilhomme et le fameux Mr Jourdain...comprenne qui pourra.

Serge Rochain

Comme déjà dit, je ne vois pas ce qu'il y a d'insultant à décrire une réalité !
Que l'Amérique profonde reste enraciné dans les mentalités du siècle précédent est une réalité, et je ne leur conteste pas le droit de vivre dans cette réalité. C'est vous qui êtes insultante en voulant le cacher pour faire croire qu'ils ne sont pas ce qu'ils sont..... comme si vous en aviez honte pour eux!
Pour la part je sors comme beaucoup de nos contemporains du monde paysan mais je n'en suis pas plus fier pour autant, c'est simplement comme ça, je n'ai rien choisi quant à mes origine, et pas plus que vous. aucun de mes grands-parents ne croyait qu'un jour l'automobile remplacerait les chevaux.... et alors ? C'était stupide car ils ne croyaient pas que le monde pourrai changer, mais c'était leur droit et vous le dire n'a rien d'insultant ! Nos contemporains à vous et à moi n'avons connu que l'automobile à pétrole et beaucoup d'entre nous ne croient pas que cela peut changer, ils nient l'avenir du véhicule électrique par exemple, ils essaient de se persuader que des raisons physiques basées sur la science (qui ne se trompe pas, évidemment) justifient leur position, mais nous savons bien (eux aussi au fond d'eux même comme on dit) que c'est un refus viscerale au changement. Malgré tout, c'est leur droit. Le droit de se réfugier dans ce qu'ils connaissent, dans ce qui les rassure.
Mais est-ce insultant de le dire et d'y apporter ce que je crois en être l'explication ?

Gilles

M. Rochain, il vaut mieux que l'on arrête de discuter de ce mépris des autres. Nos positions là dessus sont inconciliables.

Serge Rochain

Et bien restons en là, cela ne me derange pas du tout, c'est aussi votre droit.

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