Brève incursion à Rungis, la colère des agriculteurs ne retombe pas

  • AFP
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Malgré des concessions de Paris et Bruxelles, la colère ne retombe pas mercredi soir chez les agriculteurs qui maintiennent la pression sur les autoroutes et autour de Rungis, où des dizaines d'entre eux ont été interpellés après un bref coup de force.

Tenter de bloquer le marché de Rungis, poumon alimentaire de la capitale, était une ligne rouge, avait prévenu la préfecture de police de Paris.

La mise en garde n'a pas découragé les 79 personnes interpellées en fin d'après-midi après une intrusion dans l'enceinte du marché de gros, où des "dégradations" ont été commises, selon une source policière à l'AFP.

Vers 16h50, plusieurs dizaines d'agriculteurs, dont certains membres de la Coordination rurale du Lot-et-Garonne, étaient arrivés à pied devant des entrepôts en lisière du marché de Rungis, a constaté un journaliste de l'AFP.

"Nous avions décidé d'investir Rungis, nous avons investi Rungis", "mission accomplie", s'est félicité auprès de l'AFP Serge Bousquet-Cassagne, président de la chambre d'agriculture du Lot-et-Garonne qui menait le cortège.

Les aides dégagées mercredi par le gouvernement français et les concessions de la Commission européenne, sur les jachères et les importations ukrainiennes, ne semblent pas trouver grâce aux yeux de la profession, également mobilisée en Italie, Espagne et Allemagne.

En plus des fonds d'urgence déjà annoncés pour les éleveurs bovins, le bio, les exploitants touchés par la tempête Ciaran, les viticulteurs en difficulté vont recevoir 80 millions d'euros d'aide pour leur trésorerie, a annoncé le ministre de l'Agriculture Marc Fesneau.

A Bruxelles, la Commission européenne a accordé une dérogation partielle sur l'obligation de jachères. Mais celle-ci intervient "tardivement" dans le calendrier agricole et reste "limitée", a critiqué l'organisation des syndicats agricoles majoritaires dans l'UE, Copa-Cogeca.

Et les mesures prises pour limiter toute hausse incontrôlable des importations agricoles ukrainiennes, qui ont bondi après les exemptions de droits de douane accordées depuis le printemps 2022 pour soutenir le pays en guerre, sont "insuffisantes" pour les produits concernés (volaille, oeufs et sucre), estime Copa-Cogeca.

Il est par ailleurs "inacceptable" que les céréales et oléagineux soient exclus de ces mesures, ajoute l'organisation.

La Commission européenne a "répondu aux demandes de la France", s'est félicité mercredi l'Elysée.

"L'attente est énorme" parmi les agriculteurs qui manifestent en France, a souligné devant les sénateurs le patron de la FNSEA, Arnaud Rousseau. "Elle peut être même au-delà de ce qu'on imagine, avec évidemment (...) des sujets qui ne se règlent pas en trois jours. Donc j'essaie d'appeler au calme et à la raison".

Mais si le gouvernement n'apporte pas de réponses "en profondeur", le Salon de l'agriculture fin février ne sera pas "une visite de santé" pour les politiques, a prévenu M. Rousseau. Son syndicat s'était démarqué de la Coordination rurale en rejetant l'idée d'aller "faire le coup de force à Rungis".

- "Distorsion de concurrence" -

Marc Fesneau s'est rendu mercredi après-midi à Bruxelles, avant le président de la République Emmanuel Macron jeudi, pour évoquer les revendications des agriculteurs alors que la grogne s'intensifie en Europe.

Le ministre espagnol de l'Agriculture a annoncé qu'il recevrait en urgence vendredi les principaux syndicats agricoles du pays tandis que la principale confédération syndicale agricole italienne, Coldiretti, prévoit de se rendre jeudi à Bruxelles avec environ un millier d'agriculteurs de la péninsule pour dénoncer "les folies qui menacent l'agriculture".

A la veille du sommet européen, des agriculteurs français et belges ont bloqué "ensemble" un point de passage à la frontière entre les deux-pays dénonçant "la distorsion de concurrence" entérinée par les accords de libre échange et attendent demain "des annonces très fortes".

Signe d'intenses tractations en coulisses, le Premier ministre Gabriel Attal a reçu mercredi des responsables de la Coordination rurale et de la Confédération paysanne (les 2e et 3e syndicats agricoles) après de longs entretiens lundi et mardi avec la FNSEA et les Jeunes agriculteurs (JA).

- Les transporteurs souffrent -

En France, à 17h00, plus de 150 rassemblements était recensés, avec 8.500 manifestants pour environ 5.500 engins, a indiqué à l'AFP une source policière.

En Île-de-France, sept blocages d'autoroutes ont été décomptés et deux cortèges pour moins de 1.000 participants et autant d'engins, selon cette source. L'accès à Paris n'est pas impossible, mais oblige à d'importants détours.

A Chilly-Mazarin (Essonne) sur l'A6, des panneaux de signalisation "Paris" ont été retournés, a constaté l'AFP.

Autour de Lyon, le but des agriculteurs est d'encercler la troisième ville de France en coupant toutes les autoroutes y menant.

Plusieurs grands axes de circulation en régions (notamment autour d'Orange, Nîmes, Arles, Aix-en-Provence, Grenoble ou Nantes) sont touchés par des barrages filtrants, blocages ou manifestations.

"Fesneau démission", "Alerte Paysans en colère !", pouvait-on lire mercredi dans le centre de Rodez où ont convergé près de 400 tracteurs de tout l'Aveyron.

Les transporteurs, par la voie de l'Union des entreprises de transport et de logistique de France (Union TLF), ont demandé mercredi des "mesures de soutien à très court terme" pour les entreprises qui "subissent des blocages inacceptables de leur activité".

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