Climat : la finance française multiplie ses initiatives vers une économie « verte »

  • AFP
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Pressée par les ONG d'en faire plus pour le climat, la finance française multiplie les initiatives, cherchant un équilibre entre abandon des énergies fossiles, maintien de la rentabilité et accompagnement de l'économie dans sa transition énergétique, sans toujours convaincre.

Ces questions sont au coeur du "Climate Finance Day", colloque de réflexion sur la finance et le climat organisé par le secteur financier vendredi à Paris. "Il y a une prise de conscience au sein de la finance, qui sent qu'on est face à un bouleversement de ses modèles d'activité", explique à l'AFP Véronique Andrieux, directrice générale de WWF France, évoquant un "moment charnière".

Les assureurs sont "aux premières loges", avec la gestion de 35 000 sinistres par jour "dont beaucoup liés au climat", rapporte Florence Lustman, présidente de la Fédération française de l'assurance. Et dans nombre de pays, les autorités et certains clients les incitent à flécher davantage les investissements vers le développement d'une économie durable.

Selon la dirigeante du lobby de l'assurance, le coût annuel moyen des sinistres climatiques réglés par les assureurs a triplé depuis les années 80, passant d'environ 1,2 milliard d'euros à 3,2 milliards actuellement.

Plus d'exigence envers les clients

Côté banques, l'émergence de la finance durable ouvre des opportunités mais expose aussi les établissements à des risques accrus (pertes financières, sanctions réglementaires, réputation...), estime l'agence de notation Moody's. Certaines grandes banques françaises - particulièrement BNP Paribas et Crédit Agricole - de même que les assureurs CNP Assurances ou Axa poussent ainsi leurs clients à fixer des échéances de sortie du secteur charbon.

"Nous dialoguons avec nos clients pour voir (...) si nous pouvons converger. Quand (...) il n'y a pas d'alternative (possible), nous pouvons cesser notre relation commerciale, comme cela a été le cas avec les producteurs d'électricité en Pologne", assure Laurence Pessez, directrice RSE de BNP Paribas. Certains groupes financiers ont approfondi leurs engagements ces derniers mois.

"Il y a encore 15 ans, nous n'étions pas dans cet état d'esprit. Il y a eu un basculement avec l'Accord de Paris" sur le climat, signé en 2015 à l'issue du sommet de la COP21, explique un assureur français ne souhaitant pas être identifié.

Fait rare, Axa a été gratifié d'un satisfecit par plusieurs ONG après avoir annoncé jeudi vouloir sortir définitivement du charbon d'ici 2040. "Axa se dote ainsi de la meilleure politique jamais adoptée par un acteur financier", se sont félicités Unfriend Coal, Europe Beyond Coal et Urgewald, trois organisations pourtant très sourcilleuses envers les acteurs financiers.

Des efforts encore insuffisants

À l'échelle mondiale, les groupes européens, et notamment français, font nettement mieux dans ce domaine que leurs rivaux anglo-saxons ou chinois, selon plusieurs classements récents.

Mais ces efforts restent insuffisants, critiquent les ONG, pour qui les groupes financiers devraient sortir de toutes les énergies fossiles, pétrole et gaz y compris. Or leurs annonces concernent surtout le charbon et les sables bitumineux. "Ça ne va pas assez vite", estime Véronique Andrieux de WWF, une position unanime au sein des ONG environnementales.

Oxfam France et Les Amis de la Terre appellent la France à légiférer dès 2020 pour contraindre les banques à adopter des stratégies visant à limiter le réchauffement climatique à 1,5 degré. L'ONG française Les Amis de la Terre, la néerlandaise BankTrack et l'initiative Unfriend Coal pointent aussi des incohérences dans les engagements des financiers français. "Désinvestir du charbon ne coûte rien voire est rentable, alors qu'arrêter de financer ou assurer un client, qui plus est si ses activités sont diversifiées, revient à (le) perdre" ou à renoncer à des parts de marché, critiquent-elles.

Elles dénoncent aussi un double discours. "BNP Paribas annonce sa sortie du charbon mais finance plus que d'autres acteurs mondiaux les 258 entreprises développant de nouvelles centrales charbon", affirme Lucie Pinson, de l'ONG Les Amis de la Terre

Les acteurs financiers expliquent eux jouer la carte du réalisme en aidant l'économie à se transformer, plutôt que de priver certains secteurs de financements. "Il ne faut pas se priver systématiquement d'entreprises qui à un instant T ne cochent pas toutes les cases (...) Ce n'est pas en rendant leur financement plus difficile que vous allez les aider à s'améliorer", dit à l'AFP Hervé Thiard, directeur général Pictet AM France.

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