Comment adapter le réseau électrique avec plus de production renouvelables intermittente ?

  • Connaissance des Énergies avec AFP
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La méga-panne électrique en Espagne et au Portugal, encore inexpliquée, a néanmoins braqué les projecteurs sur un suspect : les énergies renouvelables, régulièrement accusées par leurs détracteurs de fragiliser le système. Une chose est sûre, leur essor représente un défi pour le réseau électrique, qui doit évoluer pour s'y adapter.

Une fréquence à 50 Hz en Europe

Les opérateurs des réseaux veillent à l'équilibre, à tout instant, entre l'offre et la demande électrique. L'indicateur de cet équilibre est la fréquence électrique, calibrée à 50 Hz en Europe, 60 Hz aux États-Unis. Un écart trop important par rapport à ce standard peut mettre en danger le réseau.

Historiquement, le système électrique repose sur des centrales "conventionnelles" (à gaz, charbon, nucléaire et hydraulique) : des turbines couplées à des "machines tournantes" transformant l'énergie mécanique en électricité. Ces machines sont les clés de voute de la stabilité du système électrique.

Avec leur gigantesques rotors tournoyant à grande vitesse, ces machines fournissent de l'inertie au système électrique : si une centrale est en panne ou si la demande en électricité augmente trop vite, elles aident à stabiliser le réseau en libérant l'énergie du mouvement (ou cinétique) emmagasinée dans les rotors.

Mais avec l'essor des renouvelables solaire et éolien - qui utilisent de l'électronique pour convertir l'électricité sur le réseau et non des machines tournantes -, cette stabilisation devient plus difficile. Produire de l'électricité sans énergies fossiles va "rendre les centrales hydroélectriques et nucléaires encore plus essentielles pour la stabilisation du système" grâce à leurs machines tournantes, relève Marc Petit, professeur en systèmes électriques à l'école CentraleSupélec.

Volants d'inertie et STEP

À l'avenir, les énergies renouvelables devront, en plus de fournir de l'électricité décarbonée, "aider le système à l'aide de contrôles supplémentaires pour soutenir le réseau, notamment en matière d'inertie", souligne José Luis Domínguez-García, expert en systèmes électriques à l'Institut de recherche en énergie de Catalogne (IREC).

Des solutions techniques existent déjà pour compenser le manque d'inertie et ainsi soutenir la stabilité du réseau. En pleine transition du charbon, la Grande-Bretagne mise notamment sur les volants d'inertie ("flywheel" en anglais), un concept très ancien : ces systèmes utilisent les surplus d'énergies renouvelables pour faire tourner une grosse roue, qui crée de l'énergie cinétique. Et cette énergie stockée pourra si besoin être transformée en électricité sur le réseau.

Juste avant la panne du 28 avril, éolien et solaire couvraient 70% de l'électricité en Espagne. Mais ces énergies sont intermittentes et variables par nature : que se passe-t-il quand il y a ni vent, ni soleil ? Selon les pays, la sécurité d'approvisionnement est assurée par des centrales électriques thermiques (gaz ou charbon), des centrales nucléaires ou hydroélectriques. Ces moyens doivent se rendre disponibles en quelques minutes pour prendre le relais.

L'accélération des renouvelables exigera un effort considérable sur le stockage, grâce au pompage-turbinage dans les barrages hydroélectriques (STEP), la méthode la plus répandue, et, de plus en plus, avec les batteries stationnaires - de gros blocs semblables à des conteneurs maritimes - associées à des parcs éoliens ou des centrales solaires. Un domaine dans lequel la Chine domine en termes de capacités installées.

Stockage, réseaux et interconnexions

Selon l'Agence internationale de l'énergie (AIE), pour tripler la capacité mondiale en énergies renouvelables d'ici 2030, tout en maintenant la sécurité d'approvisionnement, il faudra multiplier par six les capacités de stockage, les batteries représentant 90% de l'effort.

Par ailleurs, il faudra rendre la demande plus flexible, dans les bâtiments, les usines ou pour la recharge des voitures électriques. Par exemple, en déplaçant ses consommations au moment où le solaire bat son plein, en milieu de journée.

Les coupures géantes de ce type, dans le passé, ont "presque toujours" été provoquées par des problèmes de transmission, et non de production, souligne Mike Hogan, conseiller pour l'organisation Regulatory Assistance Project (RAP).

La rénovation de lignes électriques parfois centenaires, l'arrivée des énergies renouvelables et le raccordement de nouvelles consommations (centres de données, électrification des usines) nécessiteront des dizaines voire des centaines de milliards d'euros d'investissements pour créer de nouvelles lignes plus puissantes ou doubler des lignes existantes.

Autre chantier : renforcer les interconnexions entre les pays, des infrastructures essentielles qui ont contribué à réalimenter l'Espagne via la France lors de la panne. D'ici 2028, la capacité d'échange entre les deux pays devrait passer de 2,8 à 5 GW, réduisant l'isolement électrique de la péninsule.

Commentaires

Jean Gonella
À quoi bon éolien et solaire, en France, puisque l'électricité y est décarbonée à 95,6 %  et qui ne pourrait que faire baisser ce faire baisser ce taux de décarbonnation, comme en Allemagne : 51,9 %, Espagne : 67,6 % et Danemark : 79 %, champions et vice-champions de l'éolien et du solaire ?
Hervé MOULINIER
le sujet n'est pas la production actuelle électrique de 420TWh mais la substitution par electrifocation des fossiles qui représentent les 2/3 des 1500 TWh et donc l'augmentation progressiove vers 600TWh tout en ramenant par efficacité et sobriété la consommation totale vers 950 à 1000TWh. Pour faire cela et electrifier les usages, il faut avoir une énergie disponible et pas trop chère. Seules les ENR êrmettent de faire dans le délai nécessaire à décarboner, cela avec de plus un investissement privé. Et malgré cet effort il faut (l'Etat le souhaite mais cela semble raisonnable et accessible) rénover et prolonger le nucléaire actuel et prévoir la substitution de ce parc viellissant pas du nouveau nuclaire.
Fayat pierre
quand nos centrales ne seront plus utilisées qu'a 40% et que leurs montées et baisses en pression les rendra inexploitables, les pétroliers pourront enfin vendre leur gaz et ammortir leurs capitaux placés au Quatar, en angola et partout sur les champs gaziers. Continuez donc de construire éoliennes et panneaux solaires chinois en gaspillant notre bon argent pendant que les chinois, après avoir testé ce qui est disponible sur le marché, contruisent en serie les réacteurs des années 70 et achètent les mines d'uranium.
Goldorak
Les ENR sont "moins cher" (les nouveaux, partiellement, mais pas l'historique) mais non pilotables, si vous ajoutez cette données dans l'équation, et introduisez donc un stockage batterie pour compenser ces variations, je ne suis pas sur que le prix soit encore aussi bas.
Francis Neirynck
Vous parlez de la charge des batteries des voitures électriques, mais, si les bornes de recharge étaient bi-directionnelles, ne disposerions-nous pas là d'une énergie de réglage quasi instantanée en grande quantité? Le Japn n'a-t-il pas légiféré en ce sens en demandant aux constructeurs automobiles de concevoir des véhicules V2G Vehicle to Grid?
Goldorak
C'est une option qui arrive sur les nouvelles voitures électrique. La Nouvelle R5 la propose par exemple. Après, je pense que le plus gros problème est que beaucoup d'utilisateurs ont encore peu confiance dans le niveau de détérioration des batteries. Il y a un besoin fort de sensibilisation à ce sujet.
Cyrus Farhangi
Bonjour et merci pour cet article. On peut également mentionner comme solution l'électronique de puissance, notamment les onduleurs grid-forming, technologie relativement récente mais qui se répand, et dont les retours sont encourageants dans des systèmes électriques isolés. https://spectrum.ieee.org/electric-inverter
Jean Fluchère
Document qui relève des "Charlots"
Albatros
"Encore inexpliquée" Quelle foutaise ! Quelle arnaque intellectuelle ! Quelle malhonnêteté !
Albatros
J'avoue être sceptique devant l'énergie cinétique "stockée" des rotors comme celle de la "grosse roue". Combien de tours de ces rotors ou roues sont nécessaires ou combien de temps doivent-ils tourner pour compenser une telle perte d'énergie sur un réseau ? Autant sur une bagnole électrique, on peut comprendre, et encore... Merci pour vos réponses éclairées.

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