STEP : stations de transfert d’énergie par pompage

Hydroélectricité STEP

STEP de Nant de Drance entre deux lacs de retenues du canton suisse du Valais.

Définition

Les stations de transfert d’énergie par pompage (STEP), ou « pumped storage power plants » (PSP) en anglais, sont un type particulier d’installations hydroélectriques. Composées de deux bassins situés à des altitudes différentes, elles permettent de stocker de l’énergie :

  1. en pompant l’eau du bassin inférieur vers le bassin supérieur lorsque la demande électrique est faible (et le prix de l’électricité peu élevé).
  2. Lorsque la demande électrique augmente (tout comme le prix de l’électricité), elles restituent de l’électricité sur le réseau en turbinant l’eau du bassin supérieur.

A l’heure actuelle, le transfert d’énergie par pompage hydraulique est la technique la plus mature de stockage stationnaire de l’énergie. Ces installations contribuent à maintenir l’équilibre entre production et consommation sur le réseau électrique, tout en limitant les coûts de production lors des pics de consommation.

En France, les STEP ont une puissance de 4,9 GW et une capacité de stockage annuel de 30 TWh variable selon les années hydrologiques, en fonction des apports de pluie et de neige. Chaque vidange totale peut stocker environ 22 GWh.

Fonctionnement

L’énergie stockée dans une installation hydraulique est calculée avec la formule E = k × 9,81 × V × H

Dans cette équation, 9,81 représente l’accélération de la pesanteur (en m/s²), k est le rendement global du système (environ 80 %), V correspond au volume d'eau mobilisable, et H désigne la hauteur de chute entre les deux réservoirs. 

Deux phases : stockage et production

Une STEP est composée d’un bassin supérieur avec une retenue d’eau et d’un bassin inférieur entre lesquels est placé un groupe hydroélectrique réversible, dit « synchrone ». Ce dernier peut fonctionner comme un ensemble pompe-moteur ou turbine-alternateur :

  • En mode pompe-moteur, il consomme de l’électricité pour pomper l’eau du bassin inférieur vers le bassin supérieur.
  • En mode turbine-alternateur, il produit de l’électricité lors du transfert d’eau du bassin supérieur vers le bassin inférieur.

Schéma de fonctionnement STEP

La galerie reliant les deux bassins de la STEP de Grand’Maison mesure 7,1 kilomètres de longueur. Son diamètre variant entre 7,1 mètres et 7,7 mètres le long du tracé.

Deux types de STEP

Il existe deux sous-catégories de STEP :

  • les STEP « pures » fonctionnant en circuit fermé avec un apport extérieur d’eau nul ou négligeable ;
  • les STEP « mixtes » qui reçoivent des flux naturels d’eau provenant de l’extérieur(1). Les deux bassins sont alors situés sur un cours d’eau (délimités par des barrages) ou parallèlement à celui-ci. Ils peuvent pomper et turbiner 4 à 5 fois un volume d’eau avant de le restituer au cours d’eau dont il provient. En France, c'est le cas de la STEP de Grand'Maison : le débit de l’Eau d’Olle est significatif à la fonte des neiges et participe au remplissage de la retenue amont de Grand'Maison et aval du Verney.

Modalités d’intervention

Les STEP peuvent être activées sur des courtes durées (parfois quelques minutes), en tant que capacités électriques d’appoint. Elles consomment plus d’électricité qu’elles n’en produisent et sont activées en dernier recours pour sécuriser le réseau électrique.

On distingue les STEP ayant un potentiel d’utilisation :

  • « journalier » lorsque les réservoirs disposent d’une capacité de stockage équivalente à quelques heures de production ;
  • « hebdomadaire » lorsque les réservoirs stockent un volume d’eau suffisant pour produire de l’électricité en continu durant plusieurs dizaines d’heures.

Lorsque la demande d’électricité est faible (et le coût de l’électricité peu élevé, essentiellement d’origine nucléaire), la STEP pompe l’eau vers le bassin supérieur afin de stocker de l’énergie. Lorsque la demande d’électricité est forte (et le coût de l’électricité élevé), la STEP turbine l’eau, exploitant son énergie potentielle due au différentiel d’altitude entre les deux bassins. Elle restitue ainsi de l’électricité sur le réseau.

La phase de pompage des STEP intervient lorsque le coût de l'électricité disponible est peu élevé, en période de faible consommation. Ici, l'appel de puissance pour pomper l'eau dépasse les 3 000 MW entre 3h30 et 4h45. (©2013, d'après données du 2 janvier de RTE)

La phase de pompage des STEP intervient lorsque le coût de l'électricité disponible est peu élevé, en période de faible consommation. Ici, entre minuit et 7h30. (d'après les données de RTE)

Rentabilité énergétique et économique

Rendement électrique

Le pompage de l'eau du bassin inférieur vers le bassin supérieur consomme plus d'énergie que le turbinage n'en crée. Les STEP bénéficient toutefois d’un bon rendement (rapport entre électricité produite et l’électricité consommée) qui est situé entre 70% et 85%. Cela signifie que pour produire 1 MWh, il a fallu préalablement consommer près de 1,25 MWh en moyenne pour pomper l’eau jusqu’au bassin supérieur.

L’intervention des STEP dans le mix de production électrique dépend donc étroitement de l’évolution du prix de l’électricité. L’objectif est de pomper l’eau lorsque ce prix est faible et de turbiner l’eau lorsque ce prix est élevé. Ainsi, une installation est rentable dès lors que l’écart de prix de l'électricité entre les périodes creuses (achat d’électricité à bas prix) et les périodes de pointe (vente d’électricité à prix élevé) permet de couvrir les frais d’exploitation et amortissements.

Intervention en fonction des prix de l’électricité

Sur une période donnée, les STEP permettent de lisser les prix lors des pics de consommation.

De plus, ces stations de transfert d’énergie permettent d’absorber l’électricité excédentaire sur le réseau. Par exemple lorsque le parc d’énergies renouvelables produit beaucoup alors que la demande est faible, les STEP consomment l’électricité « fatale » qui aurait été perdue sans leur intervention.

Production d'électricité stockage hydro en France (en GWh) - source RTE

A l’heure actuelle, le stockage d’énergie par STEP est la technologie la plus mature et la moins coûteuse (avec le stockage par air comprimé). A titre de comparaison, les stockages d’hydrogène ont des rendements inférieurs à 25%.

Notons toutefois que le bilan économique des STEP est grevé par le paiement du TURPE dès lors que celles-ci sont considérées comme des consommatrices finales d’électricité (et bien que cette consommation ait lieu en heures creuses).

La montée en puissance des énergies renouvelables intermittentes, comme l’éolien et le solaire, modifie profondément le marché de l’électricité, car leur production est imprévisible et souvent découplée de la demande. Cette situation peut créer des prix négatifs lors d’une production excédentaire et pose des défis en hiver, quand le vent et le soleil sont rares. Les solutions de stockage comme l’hydroélectricité deviennent essentielles pour compenser ces fluctuations, car la puissance nucléaire ne suffit pas à couvrir les besoins élevés, notamment en hiver.

Identification de sites adéquats

Les STEP sont des aménagements de grande ampleur qui requièrent des investissements importants. Elles doivent être implantées dans des zones offrant des différences de relief significatives entre les deux bassins.

La densité énergétique (énergie par unité de volume) de ces systèmes est relativement faible : 1 m3 d’eau à une altitude de 100 m a une énergie potentielle de 0,272 kWh. Les STEP doivent donc utiliser de très importants volumes d’eau pour produire une quantité significative d’énergie. Dans les faits, elles sont privilégiées en montagne mais de nouveaux projets sont actuellement envisagés en bord de littoral (« STEP marines ») et entre des bassins souterrains.

Pour qu’un projet de STEP marine soit intéressant, il faut trouver un dénivelé côtier d’une centaine de mètres de hauteur à proximité de la mer. Il faut également que le site ne soit pas protégé par la loi littoral. Il existe de tels sites en Haute-Normandie et dans les zones montagneuses en bord de mer(2).

Maintenance des installations

Les STEP disposent d’une bonne durée de vie, supérieure à 40 ans. Toutefois, le nombre important de sollicitations de ces installations entraîne une usure plus rapide de certains matériaux (joints, transformateurs, etc.). La fiabilité du démarrage de ces installations est essentielle lors des pics de consommation et une attention particulière est donc portée à la maintenance de ces ouvrages. Le temps de réaction des STEP  dépend de l’état de la turbine à l’instant de la demande. Si la turbine tourne sans charge, ce temps est de quelques dizaines de secondes. Si la turbine est à l’arrêt, il faut quelques minutes pour la lancer et la connecter au réseau. Si la turbine est dans l’air car la bâche spirale a été vidée pour différentes raisons, un temps supplémentaire est nécessaire pour la remplir.

En France et dans le monde

L’usage du stockage hydraulique par pompage apparait à la fin des années 1890 en Italie et en Suisse.

Les premières turbines hydroélectriques réversibles sont commercialisées au cours des années 1930. Dans le monde, il existe plus d’une soixantaine de STEP en activité ou en construction d’une capacité supérieure à 1 000 MW. Celles-ci sont principalement situées en Chine, au Japon et aux États-Unis. Citons notamment la STEP de Bath County en Virginie (États-Unis) qui dispose d’une capacité supérieure à 3 000 MW, soit l’équivalent de la puissance moyenne de trois réacteurs nucléaires.

La première centrale de pompage en France est construite sur le lac Noir dans les Vosges en 1933. Le développement à grande échelle des STEP en France a toutefois lieu dans les années 1970 dans le contexte du premier choc pétrolier et du développement du parc nucléaire, alors que le différentiel de coûts entre heures creuses et heures de pointe s’accroît.

En France, il existe 6 principales STEP en activité offrant une capacité d’appoint significative au réseau électrique national (par ordre de puissance de turbine) :

  • Grand’Maison en Isère, d’une puissance en turbine de 1 790 MW ;
  • Montézic dans l’Aveyron (910 MW) ;
  • Super-Bissorte en Savoie (730 MW) ;
  • Revin dans les Ardennes (720 MW) ;
  • Le Cheylas en Isère (460 MW)
  • La Coche en Savoie (330 MW).

Toutes ces installations ont été mises en service au cours des années 1970/1980 et sont exploitées par EDF.

L’usine marémotrice de la Rance est également utilisée en mode pompage lorsque la marée est décalée par rapport à la demande du réseau. À cet égard, elle peut également être considérée comme une STEP mixte.

A l'avenir

Les systèmes de stockage par pompage hydraulique totalisaient une capacité de près de 127 GW dans le monde. À l’horizon 2050, l’AIE prévoit une multiplication par 3 à 5 de ces capacités mondiales.

Les capacités actuelles insuffisantes

Les capacités de stockage actuelles en France et en Europe sont insuffisantes pour répondre aux besoins croissants, notamment lors des périodes hivernales avec une demande électrique pouvant atteindre 90 GW.

Bien que la production nucléaire (60 GW) et certaines énergies renouvelables suffisent pour les nuits, les périodes froides sans vent ni soleil nécessitent des solutions de stockage supplémentaires. Les STEP permettent de stocker l'énergie excédentaire durant les périodes venteuses pour l’utiliser lors des pics de demande, offrant ainsi une solution rentable. Pour rappel, la demande maximale d’électricité a lieu et aura toujours lieu durant les périodes froides d’hiver, avec peu de soleil et peu de vent.

Quelle technologie ?

Dans son rapport sur l’hydroélectricité à l’horizon 2050, l’AIE suggère deux innovations pour faire progresser les technologies des STEP :

  • l’utilisation de machines hydroélectriques à vitesse variable permettant un meilleur contrôle des volumes d’eau pompés ou turbinés. Une telle usine de 1 000 MW a démarré en 2012 en Chine avec des ensembles à vitesse variable d’Alstom ;
  • le développement de STEP marines, connectées à des unités de production offshore comme les éoliennes offshore ou énergies marines (entre 2020 et 2050). L’AIE identifie la Normandie et la Bretagne comme des sites propices à ce type de développement. Il existe également des possibilités sur les côtes méditerranéennes.

Les développements les plus probables sont des STEP utilisant une retenue existante comme réservoir bas. Le réservoir haut de relativement petite taille a un impact environnemental faible et facilement acceptable.

La production d’électricité à partir des marées reste peu développée malgré un potentiel important, avec seulement deux installations industrielles, à la Rance en France et à Sihwa en Corée du Sud. Ces deux centrales produisent environ 1 TWh d’énergie par an. Le développement de nouvelles installations marémotrices est freiné par les impacts environnementaux, notamment dans les estuaires.

Cependant, des projets plus récents visent à construire des bassins en mer avec des digues pour minimiser l'impact écologique. Ces projets, potentiellement réalisables en Normandie et dans les Hauts-de-France, nécessitent une forte concertation avec les populations locales pour garantir leur acceptabilité sociale et environnementale.

Quel modèle économique ?

D'après Bernard Tardieu, ancien vice-président de la commission internationale des grands barrages, le coût d’investissement en fonction des constructions récentes ou en cours est compris entre 1,6 et 1,8 M $/MW pour la puissance installée et 0,21 à 0,26 M $/MWh de stockage.

Or ce sont les tarifs d’achat et de vente d’électricité sur le marché qui ont le plus d’impact sur le développement des STEP.

Le modèle économique des STEP est remis en question par la volatilité croissante du marché de l’électricité. Le système actuel, basé sur l’alternance jour-nuit et semaine-weekend, justifie encore ces investissements, mais dans un futur proche, la volatilité des prix de l’électricité rend ces projets plus spéculatifs. L'effacement industriel a un coût élevé et une capacité limitée, et le marché ne semble pas capable de gérer efficacement les crises.

Les investisseurs, réticents à prendre des risques dans ce contexte, freinent les projets de stockage d’énergie, malgré la demande croissante, surtout en hiver. Les besoins en puissance dépassent largement les capacités actuelles, notamment en périodes de pointe où le nucléaire et les sources renouvelables ne suffisent plus à répondre à la demande. L'intervention des États ou de l'Union européenne pourrait devenir nécessaire pour financer et garantir ces capacités de stockage à grande échelle.

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