De « l'argent brûlé dans l'air » : l'Irak veut traiter le gaz issu du torchage

  • AFP
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Dans le sud de l'Irak, les flammes s'échappant des cheminées des champs pétrolifères font partie du paysage depuis des décennies. Mais si les autorités veulent désormais en finir avec le torchage du gaz, la route est encore longue.

Aussi vieille que l'industrie pétrolière, cette pratique extrêmement polluante consiste à brûler le gaz s'échappant lors de l'extraction de brut et reste moins coûteuse que de traiter le gaz associé pour le commercialiser.

Possédant d'immenses réserves d'hydrocarbures, l'Irak est selon la Banque mondiale le deuxième pays du monde à recourir autant à ce procédé, juste derrière la Russie. "Capturé et traité, le gaz torché pourrait fournir de l'électricité à trois millions de foyers", assure Yesar Al-Maleki, analyste au Middle East Economic Survey (MEES), déplorant des "milliards de dollars de pertes" pour un pays confronté à une crise énergétique. L'Irak traite chaque jour seulement la moitié de la quantité totale de gaz s'échappant de ses infrastructures pétrolières, soit 1,5 milliard de pieds cubes de gaz.

« Argent brûlé dans les airs »

En décembre, le ministre du Pétrole Ihsan Ismail a promis de réduire de 90% le torchage du gaz d'ici 2024. Malgré des contrats avec plusieurs entreprises étrangères, dont le géant français Total, ces ambitions pourraient se heurter à la bureaucratie freinant généralement toute réforme, dans un pays tirant 90% de ses recettes de l'or noir. De fait, ces deux dernières années, les autorités ont seulement réduit de 5% la quantité de gaz brûlé.

Le torchage, "c'est de l'argent brûlé dans les airs et encore plus de pertes financières avec les importations de gaz des pays voisins", regrette M. Maleki. Le paradoxe est d'autant plus frappant que l'Irak importe 750 millions de pieds cubes de gaz par jour de l'Iran voisin pour alimenter ses centrales électriques, Téhéran fournissant à Bagdad un tiers de ses besoins.

Cette dépendance se ressent au quotidien : l'Iran coupe ou réduit parfois son approvisionnement et l'Irak peine à répondre à la demande électrique. Dans les foyers, les délestages électriques sont courants. Bassora abrite les cinq plus grands champs pétroliers d'Irak, selon la Banque mondiale. La Basra gas company récupère un milliard de pieds cubes du gaz émis, soit les deux tiers du gaz traité quotidiennement.

Le consortium veut "accroître la capacité de traitement à 1,4 milliard de pieds cubes", indique à l'AFP Malcolm Mayes le directeur général du groupe (détenu à 51% par la South Gas Company (SCG) du ministère irakien du Pétrole, 44% Shell et 5% Mitsubishi). Pour cela, deux nouvelles stations de traitement entreront en service, "en 2023, la première en mai et la deuxième en novembre", ajoute-t-il.

« Électricité plus propre »

L'Irak a aussi signé un méga-contrat avec TotalEnergies, prévoyant notamment la construction d'une "unité de traitement du gaz issu du torchage sur trois champs pétroliers", indique le groupe français à l'AFP. "Le lancement de l'usine est prévu en 2026", a précisé le groupe.

Outre une "réduction des émissions de CO2", le gaz collecté alimentera les centrales de la région pour "une électricité plus propre", selon TotalEnergies. Selon Bagdad, 300 millions de pieds cubes seront d'abord collectés par jour, puis le double dans un deuxième temps. Les équipes de Total sont déjà sur le terrain pour des études préliminaires.

Évoquant ce contrat, les autorités irakiennes assuraient mi-février que certaines clauses "nécessitaient du temps et ne pouvaient être exécutées ou réglées dans des délais courts", notamment la répartition des investissements - 40% pour l'Irak et 60% pour Total. Pour un employé du secteur, la coopération avec des entreprises étrangères "permet de développer nos compétences, essoufflées par des années de guerre, de négligence et l'émigration des spécialistes irakiens".

Parmi les initiatives similaires, un projet confié à des entreprises chinoises pour 300 millions de pieds cubes est à moitié achevé dans la province de Missane (sud-est). En attendant, les habitants doivent vivre avec les conséquences environnementales du torchage, source de pollution et d'émissions de gaz à effet de serre. "Tout est pollué à cause de ces feux, l'eau, les animaux, tout meurt", confie Salem, berger de 18 ans, dans son village de Nahr Ben Omar, au pied d'un champ pétrolier de Bassora, d'où s'échappent une épaisse fumée noire.

Commentaires

APO

C'est de tout de même un peu "un bien pour un mal", certes moins de CH4/méthane dans l'air(1) car produit "polluant" le Brut(2) recherché et avec en plus la production d'électricité(3) mais qui reste carboné(4). C'est ainsi la quadrature du cercle avec 4 points(n) pour résumé et un cycle ouvert et non cerclé/fermé de pollution au global des Hydrocarbures. C'est "moins pire" mais cela reste dans les faits de la "drogue" de nos "marchés" - Le pétrole !!!

Dans le cas de l'Irak, du PV Chinois installé par Total et/ou d'autres compagnies à Haute dose/densité/intensité, c'est un peu plus "la" solution pour plus de "prospérité" de long terme et de "confort" pour les Irakiens après des époques "moyen-ageuses" en partie issues/venues des "croisades" récentes de l'occident anglo-saxon, de son coté "Gris foncé" car addict au Noir du Brut en plus d'être très libéral, auto-entrepreneurial et sous certains aspects décadents, "déconnants" et hors du temps...

Serge Rochain

C'est une manne sur laquelle les pétroliers ont toujours craché... peu de rapport, comparé au pétrole lui-même, mais un jour, faute de grive on mange des hannetons

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