Énergie nucléaire : un marché dominé par la Chine et la Russie

  • AFP
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La Russie, mise au ban de l'Occident depuis son invasion de l'Ukraine, domine pourtant le marché à l'export des centrales nucléaires, tandis que la Chine enchaîne les inaugurations : les deux géants concentrent désormais l'essentiel de l'activité, souligne le World Nuclear Industry Status Report.

"Depuis trois ans, 25 chantiers (première coulée du béton du réacteur) ont été lancés dans le monde : tous se trouvent soit en Chine, soit hors de Chine mais faits par l'industrie russe", résume Mycle Schneider, auteur principal du World Nuclear Industry Status Report (WNISR), actualisé avec les chiffres de 2022. "Le rôle de la Russie est spectaculaire", qui désormais "domine largement le marché international", note le WNISR, Pékin se limitant à des projets nationaux et avec le Pakistan.

À fin 2022, sur 59 réacteurs en construction, 22 se trouvent en Chine. Et 25 sont de conception russe : 5 en Russie, mais 20 dans huit pays étrangers (Bangladesh, Bélarus, Chine, Égypte, Inde, Iran, Slovaquie, Turquie); ces chantiers ont démarré pour certains dans les années 2000, 2015 ou encore 2018, l'égyptien en 2022.

Une raison de ce succès est que Rosatom, géant russe de l'énergie atomique, a établi un "système de package" clés en mains, proposant des centrales financées, construites, exploitées, se rétribuant ensuite par exemple sur la vente de l'électricité, explique l'analyste. Car "le marché du nucléaire n'est pas un marché ordinaire : c'est un marché de vendeur, le vendeur porte le risque" financier. Argument supplémentaire, Rosatom est "le seul à offrir de reprendre les combustibles irradiés", ajoute Mycle Schneider.

Nouveaux pays nucléaires

Dans l'UE elle-même, plusieurs pays exploitent des réacteurs de conception russe : Bulgarie, République tchèque, Finlande, Hongrie, Slovaquie. "Ce qui est nouveau c'est l'arrivée de pays qui jusqu'ici n'avaient pas de nucléaire : Bangladesh, Egypte... autant de marchés qui n'en sont pas vraiment", note cet expert, qui voit là un moyen de "créer des interdépendances à long terme": "si on entre dans une relation avec la Russie sur des centrales nucléaires, on est collé avec la Russie pour les décennies à venir ! C'est une stratégie géopolitique."

La Chine de son côté poursuit sa stratégie de développement, mêlant technologies russe, française, américaine, canadienne... Elle a ainsi mis en service trois réacteurs en 2022, et encore un en janvier 2023. Au point de devenir l'an dernier la 2e puissance nucléaire civile du monde avec 57 unités, remplaçant la France (56) mais toujours derrière les États-Unis (92), constate le WNISR, rapport d'experts indépendants basé sur des données publiques. Pour autant, le programme chinois a ralenti après l'accident de Fukushima.

Globalement, le monde est passé en 20 ans de 438 réacteurs en fonctionnement, son maximum, à 411 à fin 2022. La production nucléaire totale a retrouvé l'an dernier son plus haut niveau, mais la suite est incertaine, note Mycle Schneider. Alors que l'âge moyen des sites augmente (42 ans aux États-Unis, 37 en France...), "une grande part" des chantiers en cours est en retard, et "très peu" de nouveaux sont lancés chaque année : 10 en 2022, dont la moitié en Chine, loin du rythme des années 70-80 (1976 avait vu le lancement de 44 constructions!).

"Hors de Chine il ne s'est rien passé depuis deux décennies", avec un niveau général de construction bas, "pas soutenable", estime l'expert, pour qui "on ne construit pas suffisamment pour garantir l'espèce nucléaire". Il n'observe pas non plus de mouvement concret encore après les déclarations d'intention de nouvelles constructions, en Suède, ou encore aux Pays-Bas. "Et qui aura la capacité industrielle de les construire ?"

Première puissance nucléaire, les États-Unis comptent deux sites en construction, mais "rien d'autre à ce stade dans les tuyaux", notent ces experts. Quant à la France, elle devra encore concrétiser ses propres ambitions d'éventuelle relance de programme nucléaire. Ce qui ne l'empêche pas de regarder à l'export, avec un nouveau réacteur EPR 1200, à proposer notamment à la République tchèque.

Commentaires

Serge Rochain

La décrépitude du nucléaire est toujours en marche malgré beaucoup de cocorico de la part des nucléophiles.

dédé 29

toujours des propos qui sentent mauvais

Serge Rochain

Des propos simplement réalistes.
Vous ne vous rendez pas compte qu'il n'y a qu'en France qu'on pense que le nucléaire est une solution de long terme alors qu'il est si évident que ce n'est qu'un cul de sac comme tout ce que l'on sort de la terre pour le faire disparaitre en chaleur, donc sans espor de pouvoir le recycler et le réutiliser.

Energie+

La Russie détient environ 60% du marché mondial du nucléaire et Rosatom est un complexe militaro-industriel qui lui permet de mettre des pays sous dépendance et obtenir des soutiens.

La corruption et les impacts politiques et géopolitiques nuisibles qu'elle répand sont déjà très élevés, tout comme la probabilité qu'elle soit à l'origine d'un conflit nucléaire, soit directement, soit par la diffusion du nucléaire auprès de dictatures en échanges de soutiens (Corée du Nord, Iran etc)

L'énergie nucléaire, qui n'est historiquement qu'un dérivé militaire d'une époque de guerres, est plus pertinente notamment dans le domaine spatial que terrestre et on l'utilise encore bêtement sans penser comme toujours à l'avenir.

Il n'a aucune chance de voir ses prix baisser autant et aussi vite que les renouvelables. On sait que son bilan d'émissions va se dégrader avec l'exploitation accrue des mines d'uranium, qui posent aussi des problèmes géopolitiques, et que sa durée de vie maximale au cours du temps est dans tous les cas, y compris avec des surgénérateurs, très inférieure à celles des renouvelables et de la géothermie notamment EGS (Enhanced Geothermal Systems), disponible désormais quasiment partout dans le monde, dont le potentiel énergétique global est bien supérieur et dont les coûts à horizon 2030 sont de 42 euros le MWh comme une récente modélisation du NREL le confirme encore puisque les techniques évoluent.

Le point faible de la Russie ce sont les renouvelables et une méta-étude scientifique internationale sous égide de la Russie l'a bel et bien souligné en novembre 2021.

On peut donc tirer comme conclusions que le monde a tout intérêt à ce que la Russie passe aux renouvelables lors de prochains gouvernements, pour elle-même comme pour le monde et l'Europe (baisse des coûts, baisse des risques, réseaux plus résilients etc).

Et la France et l'Europe ont tout intérêt à miser sur les marchés universels, bien plus larges et ayant bien plus d'avenir que sont les renouvelables, dont les différents types de géothermie, le très important secteur chaleur/froid, l'efficacité énergétique etc

Je sais qu'il y a quelques 200.000 personnes qui travaillent dans le nucléaire en France, que c'est un électorat et qu'ils préféreraient être brossés dans le sens du poil, mais en temps que scientifique et énergéticien de longue date marié dès l'origine à aucune énergie, on peut passer au crible toutes les analyses, tous les arguments, toutes les modélisations, les renouvelables sont et resteront dans tous les cas globalement supérieures et un meilleur choix sur Terre.

Il est bien plus durable et efficace de faire des bâtiments passifs et à énergie positive, des réseaux de chaleur etc et de stocker une part d'énergie nécessaire que l'on constate et modélise comme finalement en % modeste sur un réseau approprié et optimisé, que de tenter d'espérer aveuglément comme une "croyance" qu'une énergie pleine de contraintes sur lesquelles on a travaillé près d'un siècle sans jamais les résoudre complètement va être la solution. Le nucléaire sur Terre est une fausse piste et il va de nouveau décevoir les français qui en abusent dans les décennies qui viennent, malgré toute la pub qui lui est faite par son secteur qui en vit.

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