Gaz en mer Noire : la Roumanie célèbre « un pas décisif pour assurer la sécurité énergétique »

  • AFP
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Invisible mais précieux : du gaz issu de la mer Noire se fraie un chemin à travers un labyrinthe de tuyaux flambant neufs, nourrissant l'espoir de la Roumanie de se passer des livraisons russes.

À Vadu (sud-est), où une usine de traitement a été inaugurée mardi en grande pompe, Mark Beacom, PDG de la compagnie Black Sea Oil and Gas (BSOG), ne cache pas les défis d'une telle extraction, avec le conflit en Ukraine toute proche. "Il y a certainement un impact : des mines ont été détectées près de notre plateforme, des avions et des navires de guerre passent à côté", s'inquiète-t-il.

Mais la Roumanie est fière de donner l'exemple en Europe. Le Premier ministre Nicolae Ciuca, qui était du voyage, a ainsi salué "un pas décisif pour assurer la sécurité énergétique (...) à un moment où l'approvisionnement en gaz au niveau international est menacé par la guerre".

Détenue par l'américain Carlyle International Energy Partners et la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (Berd), la société a commencé il y a deux semaines à puiser dans des gisements sous-marins, premier projet développé depuis 30 ans dans le secteur roumain de la mer Noire.

Sa plateforme de forage, fruit d'un investissement de 400 millions de dollars, fournit 3 millions de mètres cubes de gaz par jour, soit "10% des besoins de gaz" de la Roumanie. BSOG prévoit une exploitation d'une dizaine d'années.

« Produire localement »

"Aujourd'hui, on est face à une urgence de sécurité d'approvisionnement. Il faut mettre nos vieux diables au placard et commencer à produire localement", explique à l'AFP Thierry Bros, expert sur l'énergie et le climat à Sciences Po Paris. "On doit relancer les projets en mer Noire, la production de gaz en Norvège, au Royaume-Uni on doit penser à lancer la production de gaz de schiste et en France celle de gaz de mine", énumère-t-il.

Dans cette optique d'émancipation de Moscou, M. Beacom espère que l'infrastructure "de pointe" mise en place par sa compagnie sera utilisée pour de futurs projets gaziers ou le développement d'énergies renouvelables en mer Noire. BSOG détient deux concessions à environ 120 km de la côte roumaine dont, ironie du sort, une partie a été octroyée à Bucarest en 2009 par la Cour internationale de justice (CIJ) de La Haye, mettant fin à un vieux contentieux avec l'Ukraine.

Exception au sein de l'Union européenne, ce pays des Balkans dispose d'importantes réserves à terre et en mer mais doit encore se tourner vers la Russie en hiver pour couvrir environ 20% de sa consommation. Si la Roumanie estime le potentiel offshore à 200 milliards de mètres cubes de gaz, les investisseurs se veulent prudents.

Fin de l'énergie garantie ?

Le groupe autrichien OMV et son associé roumain Romgaz, qui vient de prendre le relais du géant américain ExxonMobil, doivent encore décider s'ils iront de l'avant avec le projet Neptun Deep, qui recélerait entre 42 et 84 milliards de mètres cubes.

Bucarest espère que les deux groupes vont lancer l'extraction dès 2026, ce qui permettrait au pays de "devenir totalement indépendant en termes de gaz" et même d'exporter le surplus à ses voisins, selon le ministre de l'Energie Virgil Popescu. Avec à la clé une manne appréciable pour la Roumanie, un des pays les plus pauvres de l'UE : une étude de la société d'audit Deloitte datant de 2018 a chiffré les recettes à 26 milliards de dollars de recettes publiques sur une période de 23 ans d'exploitation envisagée.

Après moult tergiversations, le Parlement a enfin amendé en mai une loi défavorable aux investissements dans l'offshore, qui avait notamment poussé ExxonMobil à se retirer fin 2021 de Neptun Deep, après y avoir investi environ 2 milliards de dollars conjointement avec OMV.

"Si nous voulons gagner contre les Russes, il nous faut de l'énergie", lance M. Bros, estimant que le temps où "l'énergie était garantie" au sein de l'UE risque d'être révolu. "L'impact sur notre mode de vie sera extrêmement important", souligne-t-il, et si d'autres solutions ne sont pas mises en œuvre, "nos citoyens, affectés par l'inflation et la crise économique, vont se détourner de l'Ukraine".

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