Gestion de l'eau : le lac de Serre-Ponçon, immense laboratoire de la concertation

  • AFP
  • parue le

Production d'énergie, agriculture, tourisme, industrie et consommation domestique: la concertation traditionnelle autour du partage de l'eau du lac artificiel de Serre-Ponçon s'est avérée cruciale pendant la sécheresse historique de l'été 2022, lorsque la ressource s'est raréfiée dans ce département montagneux.

Les plages arides du lac de barrage créé dans les années 60 sur la Durance étaient devenues un des symboles du risque de pénurie, au plus fort de la saison touristique.

La sécheresse de 2022 a suscité "beaucoup de questionnements", reconnait Pascale Sautel, directrice concessions Eau Environnement Territoires d'EDF Hydro Méditerranée qui exploite le barrage.

"Un nombre plus conséquent d'acteurs se sont penchés sur le sujet et il a fallu renforcer communication et pédagogie", avec jusqu'à "trois-quatre" réunions par semaine, souligne-t-elle.

Le "multi-usage" de l'eau était inscrit dès la construction du barrage: la production d'énergie ("l'équivalent de deux tranches nucléaires mobilisables en 10 minutes", selon EDF), l'alimentation en eau mais aussi la maîtrise des crues de la tempétueuse Durance.

Par la suite, l'exploitant EDF a signé une convention avec les représentants du tourisme, activité vitale pour ce département montagneux qui compte environ 140.000 habitants et accueille chaque année 5 millions de visiteurs.

Le barrage est le premier maillon de ce qu'EDF nomme la "chaîne hydroélectrique" de la Durance et du Verdon, qui fournit l'eau potable à plus de 3 millions de personnes, contribue à l'irrigation de 80.000 hectares de terres agricoles et sert en eau industrielle près de 400 entreprises.

En amont du titanesque ouvrage -125 mètres de haut et 650 mètres d'épaisseur à la base- l'immense réservoir conserve 1,27 milliard de mètres cube d'eau. En aval, le canal EDF serpente sur 250 kilomètres et dessert la Provence.

Paysage fluctuant

En cette fin mars, l'eau azur brille au soleil. Si les berges du lac sont encore dénudées et certains pontons à sec, c'est un paysage habituel pour la saison.

La plus grande étendue d'eau artificielle en France vit en effet au rythme du marnage, variation saisonnière du niveau de l'eau. Actuellement à 60% de sa capacité, le lac-réservoir est en phase de remplissage, alimenté par les eaux de la Durance et la fonte des neiges.

A l'automne et en hiver, la réserve en eau est sollicitée pour produire de l'électricité. Mais depuis mi-février, priorité est donnée au stockage.

"Ce système de marnage on le vit tous les étés", observe Thierry Allamanno, patron d'un club nautique local et président du conseil départemental de la voile.

Mais l'an dernier il a fallu s'adapter "à descendre plus loin dans le lac". Quelques plages ont fermé, il a fallu déployer des moquettes pour accéder aux bateaux sans se blesser sur les cailloux. Ancrer les bateaux à des bouées plutôt qu'aux pontons. La quasi totalité de la réserve agricole a été sollicitée et des mesures de restrictions mises en place.

Cette saison extrême a mis la réflexion sur l'impact du changement climatique "au centre de la table", confie Victor Berenguel, président du Smadesep (Syndicat Mixte d'Aménagement et de Développement de Serre-Ponçon), qui fédère les neuf communes riveraines

« Éviter les conflits »

Le syndicat mixte s'est doté d'un "plan de résilience". Allonger les plages et les cales de mise à l'eau, adapter les ports, se doter de pontons brise-lame pour casser les vagues et le vent, développer les bateaux électriques, diversifier les activités par exemple avec l'aquaculture... Les investissements pourraient représenter "entre 30 et 35 millions d'euros" sur plusieurs années, selon M. Berenguel.

Philippe Picon, président du SMAVD (syndicat mixte d'aménagement de la vallée de la Durance) a récemment salué lors d'une réunion publique à Arles la "concertation mutuelle pour éviter les conflits entre l'amont et l'aval". Un "outil prédictif pour savoir un peu plus tôt dans la saison si l'été risquait de poser problème" a été développé.

Des aménagements ont été menés sur les canaux d'irrigation agricole du périmètre de la Commission exécutive de la Durance, qui gère notamment la réserve agricole du lac de Serre-Ponçon (200 millions de mètres cube). Et la Société des canaux de Provence a entamé des économies d'eau depuis les années 1980, "avec une diminution de 75%", selon le SMAVD.

Commentaires

Pierre-Ernest
Il n'est pas établi que le réchauffement climatique conduise à la sècheresse. Théoriquement, une augmentation générale de la température amène plus de vapeur d'eau dans l'atmosphère, et donc des précipitations globalement plus abondantes. Dans ses scénarios RCP, le GIEC estime l’augmentation des précipitations de 1 à 3 % °C−1 pour les RCP 4.5, RCP 6 et RCP 8.5, et 0,5 à 4 % °C−1 pour le RCP 2.6. Les affirmations journalistiques actuelles sur les liens entre le réchauffement et la sècheresse ne reposent sur rien.
Houyo
Votre raisonnement est simpliste, la réalité est bien plus complexe. Le lien entre dérèglement climatique et sécheresse est établi par de nombreuses études. Par exemple, étude du CNRS récente sur la sécheresse de 2022 en Europe --> lien de cause à effet entre la hausse des températures et la puissance des anticyclones : https://iopscience.iop.org/article/10.1088/1748-9326/acbc37 https://www.futura-sciences.com/planete/actualites/changement-climatique-secheresses-2022-sont-liees-rechauffement-climatique-atteste-etude-100153/ Aujourd'hui, 15% de la France métropolitaine a le climat méditerranéen ; on l'estime à 50% d'ici la fin du siècle.
Pierre-Ernest
Deux remarques : 1) Les deux références que vous avez données pointent toutes les deux sur la même étude. 2) Je vous conseille de lire la totalité de celle-ci au lieu de vous contenter du résumé. Vous vous apercevrez alors que les "preuves" recherchées du lien entre réchauffement et sècheresse sont bien minces pour ne pas dire nulles. D'ailleurs, les auteurs l'admettent : "attribution to human-caused climate change of meteorological droughts—directly related to rainfall deficits and hence to atmospheric dynamics—remains challenging". Autrement dit, il s'agit d'une "étude" qui ne prouve rien, mais dont les conclusions du résumé s'accordent avec la doxa actuelle...

Ajouter un commentaire