L'acier européen, menacé de disparition, attend des mesures de soutien de l'UE

  • Connaissance des Énergies avec AFP
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Tous les sites européens de fabrication d'acier menacés de fermeture dès 2025 ? Le nouveau patron du sidérurgiste ArcelorMittal France a lancé un sévère avertissement mercredi aux politiques français et européens.

De nombreuses menaces : coût de l'énergie, surproduction chinoise...

"La sidérurgie en Europe est en crise (...) les sites, quels qu'ils soient, sont tous à risque en Europe et donc en France aussi", a déclaré Alain Le Grix de la Salle, lors d'une audition parlementaire à Paris.

En Allemagne, c'est l'annonce choc fin novembre de la suppression de 11 000 emplois d'ici 2030, soit un tiers des effectifs, par le sidérurgiste Thyssenkrupp qui a marqué les esprits, le chancelier Olaf Scholz n'ayant pas exclu une participation de l'État dans le capital du sidérurgiste allemand.

En France, ArcelorMittal prévoit la fermeture de deux petits sites au printemps, et a suspendu le 26 novembre ses projets d'investissement massif pour la décarbonation de sa production à Dunkerque et Fos-sur-mer, soit 1,8 milliard d'euros dont 850 millions d'aide publique. Ce qui alimente les doutes sur de possibles délocalisations d'activités qui entraîneraient in fine des fermetures de sites.

Mercredi, le président d'ArcelorMittal France, qui a pris ses fonctions il y a trois mois, a tracé un tableau très noir de la crise de l'acier en Europe devant les députés français, reprenant le discours et les craintes de son prédécesseur.

Alors que l'Union européenne s'est créé à partir de la mise en commun du charbon et de l'acier en 1952, la sidérurgie est désormais menacée par le coût trop important de l'énergie, par la surproduction chinoise d'acier, le niveau élevé d'importations à bas coût et le manque de demande intérieure, a-t-il dit.

« Conditions de concurrence loyale », notamment sur le coût du CO2

"La sidérurgie en Europe et donc en France est entrée dans une crise importante et grave. Les surcapacités mondiales sont un phénomène structurel qui va durer. Ces surcapacités représentent actuellement 550 à 600 millions de tonnes de production annuelle, soit 4 à 5 fois la production de l'Europe", a-t-il énuméré.

"Pour ne parler que de la Chine, elle a exporté 100 à 120 millions de tonnes l'année dernière. C'est l'équivalent de toute la consommation européenne", a-t-il précisé.

"Les États Unis protègent leur industrie par tous les moyens. Reste l'Europe. L'acier voyage. Nous ne sommes pas contre les importations. Nous demandons qu'elles soient limitées et qu'elles n'aient pas un effet dévastateur sur nos industries comme actuellement. Nous demandons des conditions de concurrence loyale, notamment concernant le coût du CO2", a-t-il ajouté.

"Si l'Europe ne décide pas de protéger son marché de la concurrence déloyale, alors ce sont des pans entiers de notre industrie qui vont disparaître à brève échéance. Ce n'est pas du catastrophisme, c'est malheureusement la réalité pure et simple", a lancé le responsable.

« Une des priorités » de la Comission européenne

Début décembre, le syndicat de l'acier européen Eurofer avait lancé la même mise en garde, en envoyant des appels à l'aide à Bruxelles.

À la même date, Lakshmi Mittal, le patron d'ArcelorMittal, deuxième sidérurgiste mondial, estimait dans une tribune au Financial Times que "l'industrie européenne de l'acier n'a jamais connu de plus grand défi".

Mercredi à Davos (Suisse), où se tient le Forum économique mondial, M. Mittal a rencontré Stéphane Séjourné, vice-président de la Commission européenne, chargé de la stratégie industrielle. Celui-ci lui a assuré que "le soutien à la sidérurgie européenne est une des priorités de la Commission" qui présentera "un plan d'urgence du secteur prochainement", selon l'entourage de M. Séjourné.

M. Le Grix de la Salle a confié aux députés français qu'il attendait un plan acier européen pour le mois de mars.

Les sidérurgistes attendent un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières mis en place et efficace, et des mesures de sauvegarde commerciale renforcées.

Rayon d'espoir, en fonction de mesures de soutien européennes attendues, le groupe ArcelorMittal espère pouvoir prendre sa décision d'investissement de décarbonation "durant le deuxième ou le troisième trimestre".

Commentaires

Denis Margot
La lutte contre les changements climatiques ne sera un succès que si les produits bas carbone bénéficient d’une prime substantielle par rapport aux autres. C’est le grand défi de l’Europe qui est en pointe sur la réglementation, mais qui doit favoriser la consommation des produits décarbonés.
Marc Diedisheim
Ce qui signifie un coût, et donc un prix, bas pour l'énergie. Exactement le contraire de ce qui se produit en Allemagne en ce moment... Bien cordialement.
Denis Margot
Ce problème est peu lié au coût de l’énergie. Avant tout, il s’agit de préférer ( = incitations fiscales) l’acier ayant un indice carbone de 10 plutôt que 20, une automobile ayant 35 plutôt que 189. Mettre un prix sur cette différence, c’est privilégier les industries qui embarquent dans la décarbonation, et c’est réduire le marché de celles qui s’en contrefichent. Et face aux délires trumpiens qui menacent de disloquer l’Europe, face au dumping chinois qui écrase l’industrie européenne avec des produits peu décarbonés, c’est une réponse sensée et pertinente. Reste à démontrer que l’Europe peut produire de tels produits avec une énergie décarbonée (mais pas que, il y a bien d’autres aspects pour mesurer l’indice carbone d’un objet ou service), ce n’est pas gagné, mais au moins, le socle électrique français est idéalement dimensionné pour démarrer dans cette direction.
Marc Diedisheim
Les incitations fiscales representent un coût pour la collectivité, à moins que le non-perçu de revenu fiscal ne soit compensé par une baisse des dépenses publiques. Qui croit à une telle baisse ? Bien cordialement.
Denis Margot
L’Europe n’a pas le choix si elle veut rester dans la course. La redistribution des prélèvements fiscaux doit aller vers les domaines qui enrichissent l’UE, pas ceux qui l’appauvrissent. Ça permet aussi de concocter un protectionnisme environnementaliste qui discrimine les entreprises qui ne jouent pas le jeu.
scharapow vladimir
Alors que les Etats-Unis protègent leur sidérurgie , l’ Europe enfonce sa sidérurgie au nom de principes complètement stupides …. C’ est de la folie !!
Denis Margot
L’Europe enfonce sa sidérurgie à cause (entre autres) d’une énergie trop chère et elle doit agir sur ce point. Ça n’empêche pas de vouloir privilégier une production bas carbone en utilisant l’outil fiscal, ce qui devrait largement bénéficier aux entreprises européennes.

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