Le groupe TotalEnergies visé par une plainte pour « complicité de crimes de guerre » au Mozambique

  • Connaissance des Énergies avec AFP
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TotalEnergies est visé à Paris par une plainte pour "complicité de crimes de guerre, torture et disparitions forcées" au Mozambique, sur le site de son projet gazier en voie d'être relancé et qui était alors à l'arrêt, a appris mardi l'AFP de l'ONG plaignante.

Un financement de la Joint Task Force

L'association allemande European Center for Constitutional and Human Rights (ECCHR) accuse le groupe français d'"avoir directement financé et soutenu matériellement la Joint Task Force (JTF), composée de forces armées mozambicaines, alors que celle-ci aurait détenu, torturé et tué des dizaines de civils" entre juillet et septembre 2021, selon son communiqué de presse.

Ces exactions se seraient produites à l'entrée du site du projet gazier Mozambique LNG, dont TotalEnergies est le premier actionnaire (26,5%) et l'opérateur, et qui était alors en pause après une attaque jihadiste meurtrière en mars-avril 2021 sur la ville voisine de Palma (nord).

La plainte, également formulée "contre X", a été transmise lundi au parquet national antiterroriste (Pnat) à Paris - compétent pour les crimes de guerre, selon la preuve de dépôt consultée par l'AFP.

"Il apparaît impensable que TotalEnergies puisse opposer son ignorance des crimes de l'armée mozambicaine, mais aussi plus particulièrement des accusations de violations des droits humains visant la Joint Task Force, dès lors que la société les rapporte elle-même dans plusieurs documents internes transmis à ses financeurs publics", affirme à l'AFP Clara Gonzales, directrice du programme entreprises et droits humains à l'ECCHR.

Un accord rompu en octobre 2023

Cette plainte, qui demande l'ouverture d'une enquête préliminaire, fait suite à des allégations rapportées par le média Politico en septembre 2024, puis par SourceMaterial et Le Monde, et que TotalEnergies conteste.

Elle intervient alors que le géant des hydrocarbures français s'est dit prêt le 25 octobre à relancer le projet du consortium Mozambique LNG estimé à 20 milliards de dollars. Son redémarrage en vue d'un début de production en 2029 reste toutefois conditionné à l'approbation par le gouvernement de Maputo d'une compensation pour le surcoût lié au retard, chiffré à 4,5 milliards de dollars.

À la suite de l'attaque de jihadistes liés au groupe État islamique, actifs dans la province du Cabo Delgado depuis 2017, le groupe français avait déclaré la "force majeure" et suspendu son projet en 2021.

Le site est alors laissé sous la garde des forces de l'armée mozambicaine, regroupées dans la Joint Task Force (JTF), créée en 2020 en vertu d'un accord signé entre la filiale locale de TotalEnergies, Tepma 1, et le gouvernement de Maputo. Cet accord a été rompu en octobre 2023.

Des habitants accusés de soutenir les jihadistes torturés

Politico rapportait que lors de leur contre-offensive pour reprendre le contrôle de Palma, des soldats travaillant pour le site avaient intercepté des habitants et avaient enfermé entre 180 et 250 hommes dans des conteneurs, les accusant de soutenir les djihadistes. Détenus pendant trois mois, les hommes ont été battus, affamés et torturés. Seuls 26 d'entre eux ont survécu, selon l'enquête du journaliste Alex Perry, sur la foi de témoignages.

Mozambique LNG avait assuré au média n'avoir "jamais reçu d'information indiquant que de tels événements aient effectivement eu lieu".

Le Monde et Source Material avaient ensuite affirmé en novembre 2024 que TotalEnergies était, dès avril 2021, au courant d'accusations d'actions violentes de la JTF sur des civils, selon des rapports sociaux rédigés par les équipes de Mozambique LNG et transmis à l'agence italienne de crédit à l'exportation (SACE), l'un des financeurs publics du projet.

"TotalEnergies a continué de soutenir directement la JTF en fournissant aux soldats des logements, de la nourriture, du matériel et des primes (...) conditionnées au respect des droits humains", dénonce l'ONG.

De « nouveaux documents »

ECCHR s'appuie aujourd'hui sur de "nouveaux documents" obtenus auprès des autorités néerlandaises, qui font état d'échanges entre l'agence hollandaise de crédit à l'export publique Atradius DSB, TotalEnergies et son prestataire de sécurité, évoquant dès mai 2020 des risques d'atteintes aux droits humains des forces armées locales.

À la suite des révélations de Politico, plusieurs enquêtes ont été déclenchées au Mozambique, par le bureau du procureur général et par la Commission nationale des droits humains, ainsi que par des agences de crédit à l'export, précise l'ONG.

Le groupe est aussi visé depuis mars par une enquête de juges d'instruction de Nanterre sur des accusations d'"homicide involontaire" et "non assistance à personne en danger", portées par des survivants ou proches de victimes de l'attaque jihadiste.

Commentaires

Hélène de la R…
TotalEnergies, l'entreprise délinquante multirécidiviste (tiens, comme Sarko) qui préfère se défausser de ses responsabilités sur les consommatrices et consommateurs plutôt que de s’engager dans une réelle transition énergétique. Non, TotalEnergies et ses concurrentes ne font pas que répondre à la demande en pétrole et en gaz.
La réalité, c’est qu’elles font tout pour continuer à la booster et pour freiner cette transition. Elles ne sont pas guidées par une volonté altruiste de répondre aux besoins de la population, comme elles tentent de nous le faire croire. Elles font délibérément le choix de prioriser leurs profits en produisant toujours plus d’énergies fossiles, aux dépens de l’environnement, du climat et de notre santé, alors même que la communauté scientifique est claire sur le fait que les gisements actuels sont suffisants.
Depuis un demi-siècle, Total sait que ses activités contribuent au réchauffement climatique. Réaction de la majeure pétrolière ? Détourner les yeux, instiller le doute sur la véracité des données scientifiques afin d’extraire toujours plus de combustibles fossiles, puis retarder toute politique de lutte ambitieuse.
La multinationale a déployé d’immenses efforts pour produire de l’ignorance autour du changement climatique et lutter contre la régulation de ses activités. Des politiques aux conséquences désastreuses : l’extraction annuelle des combustibles fossiles a septuplé au cours des soixante-dix dernières années, et vingt entreprises du secteur des énergies fossiles sont responsables de plus d’un tiers des émissions totales de gaz à effet de serre dans le monde depuis 1965.
D’autant que d’autres solutions existent et peuvent être mises en place dès à présent. Avec ses financements et sa capacité d’innovation, TotalEnergies a toutes les cartes en mains pour prioriser le développement des énergies renouvelables plutôt que de continuer à miser sur la rentabilité du pétrole et du gaz. Le gouvernement doit également jouer son rôle dans la transition énergétique, en proposant une réelle trajectoire de sortie des énergies fossiles qui permettrait de respecter les engagements climatiques pris par la France. Pour ce faire, il est nécessaire que celle-ci repose sur la sobriété. Pour répondre à la demande, nous avons aussi, et surtout, besoin de la réduire, en agissant sur le gaspillage et les absurdités énergétiques comme les panneaux lumineux, les jets privés ou les SUV.
Je rappelle que TotalEnergies vient d’être condamné par la justice. Le 23 octobre, le tribunal judiciaire de Paris a condamné le géant pétrogazier pour avoir “trompé les consommateurs quant à ses engagements climatiques”. Greenwashing, quand tu nous tiens…

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