- Connaissance des Énergies avec AFP
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Ouverture de représentations diplomatiques finlandaises au Sénégal, formation des forces de sécurité mauritaniennes par des instructeurs tchèques... Des pays européens sans attaches historiques avec l'Afrique se joignent à une course mondiale à l'influence sur le continent.
Champ de bataille diplomatique majeur
L'Estonie, la Roumanie et Malte figurent parmi les pays de l'Union européenne qui cherchent à renforcer leur présence sur le continent ces cinq dernières années, en repensant leurs relations diplomatiques et commerciales.
"Il y a une vague de réformes en cours des politiques africaines de deuxième génération qui ont été achevées" ou sont "en cours", explique Alex Vines, du Conseil européen pour les relations étrangères, un centre de réflexion. "Cela témoigne de l'importance croissante de l'Afrique au sein de l'Union européenne (UE), y compris pour ses plus petits États membres".
L'Afrique est redevenue un champ de bataille diplomatique majeur ces dernières années. La Chine, les États-Unis et la Russie se disputent ses ressources minières, son potentiel énergétique et son soutien politique.
L'UE se présente comme le "partenaire de premier plan" du continent pour de nombreux sujets, du commerce à la sécurité, un rôle qu'elle tentera de consolider lors d'un sommet avec l'Union africaine (UA) en Angola lundi et mardi. Mais cette relation a connu des revers, alimentés par le ressentiment envers le passé sanglant des anciennes puissances coloniales européennes.
La Chine a ainsi sécurisé des ressources stratégiques dans certains pays africains et la Russie s'est imposée comme partenaire sécuritaire privilégié dans d'autres. Après une série de coups d'État militaires, le Burkina Faso, le Niger et le Mali ont notamment rompu leurs relations diplomatiques avec la France, ancienne puissance coloniale et partenaire historique, et se sont tournés vers le Kremlin.
Anciennes républiques soviétiques
Cela a entraîné une réévaluation stratégique dans de nombreuses capitales de l'UE. Car "il nous fallait absolument revenir dans la course", explique un diplomate européen.
Certains pays de l'UE n'ayant jamais eu d'empire colonial ont cherché à faire de leur histoire - et parfois de leur ancienne domination par la Russie - un atout pour établir avec les pays africains des relations perçues comme égalitaires, non verticales. "Nous ne sommes pas perçus comme le grand oppresseur du passé leur dictant leur conduite", estime un second diplomate sous couvert d'anonymat.
La laborieuse transition de l'Estonie, d'ancienne république soviétique en membre de l'UE, s'est avérée précieuse pour trouver un terrain d'entente avec des nations africaines, confie Daniel Schaer, ambassadeur estonien au Kenya et en Afrique du Sud. "Dans les années 1990, nous avions tous ces conseillers qui venaient nous dire comment faire les choses. Donc je pense que nos conseils sont, d'une certaine manière, novateurs", a-t-il jugé.
De même, Kaarina Airas, chargée de la politique africaine au ministère finlandais des Affaires étrangères, affirme que la lutte de son pays pour l'indépendance face à la Russie (proclamée en 1917) a contribué à susciter la bienveillance. "Nos partenaires africains souhaitent développer le commerce et nouer des relations politiques avec nous, et pas seulement une aide au développement", selon elle.
Après une révision de sa politique en 2021, la Finlande a ouvert une nouvelle ambassade au Sénégal, suivie par la Suède et le Danemark, et ambitionne de doubler ses échanges commerciaux avec l'Afrique d'ici 2030.
L'Estonie a déployé son expertise technologique pour numériser les services publics et privés, de la Namibie à l'Ouganda, tandis que la Hongrie s'est implantée au Tchad, en ouvrant un centre d'aide humanitaire et une mission diplomatique dans la capitale N'Djamena, et prévoit de lancer une mission militaire pour former les forces locales. Ces initiatives ont permis à l'UE de diversifier son offre à un moment où les pays africains ne manquent pas de prétendants.
« Sur la bonne voie »
Certains projets ont rencontré quelques ratés au démarrage, car plusieurs pays ont démarré leurs nouvelles relations à partir de rien ou avec des ressources limitées.
L'Estonie ne disposant toujours que d'une seule ambassade en Afrique - Égypte –, M. Schaer dit passer la moitié de son temps en déplacement. Mais les chiffres du commerce montrent des progrès encourageants réalisés par les petits pays de l'UE.
Bien que ne représentant encore qu'une faible part du total européen, le commerce de marchandises de l'Estonie avec l'Afrique a presque doublé depuis 2019, tandis que celui de la Hongrie a progressé de 35% sur la même période, d'après des chiffres de l'UE.
La République tchèque, la Finlande et le Danemark ont également enregistré des hausses significatives, quoique plus lentes que les 25% enregistrés par l'UE dans son ensemble. "Nous sommes sur la bonne voie", assure Mme Airas.