À Madagascar, l'électricité reste un produit de luxe...

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Une chandelle oubliée et en quelques minutes Raymond Rakotondrasoa a tout perdu, sa maison ravagée par un incendie. Laissés pour compte de l'électricité, la quasi-totalité des Malgaches s'éclairent encore avec des lampes à pétrole ou des bougies, au risque de leur vie.

C'était en août. "J'ai laissé une bougie allumée sur ma table de nuit, elle est tombée et a brûlé tous mes vêtements, puis le feu s'est propagé sur tout le premier étage" de la maison de terre au toit de chaume, se souvient cet ouvrier du bâtiment à la retraite. "Si cela s'était passé pendant que je dormais, j'aurais pu y laisser ma vie", soupire Raymond Rakotondrasoa, 70 ans.

Comme les habitants de son village d'Ambohimasindray, à 20 km au nord de la capitale Antananarivo, cela faisait 19 ans qu'il attendait l'électrification de sa maison. "On a fait une demande de branchement pour le village tout entier en 2000, mais on n'a toujours pas de réponse".

À Madagascar, île très pauvre de l'océan Indien, "la situation actuelle de l'accès à l'électricité est catastrophique", reconnaît sans détour le directeur général du ministère de l'Énergie, Andry Ramaroson. "On a un taux d'accès à l'électricité de seulement 15% et ça fait huit ans qu'il n'a pas bougé".

En attendant une réponse positive de la principale entreprise - publique - de distribution d'électricité du pays, la Jirama, les habitants s'éclairent avec les moyens du bord. "Moi, je ne supporte pas l'odeur et la fumée dégagées par les lampes à pétrole, alors j'utilise des bougies et une lampe à huile", explique Raymond Rakotondrasoa.

Kit solaire

Sa voisine Louise Rasoahelinivo, une couturière de 70 ans, préfère les lampes à pétrole, plus économiques. "Je consomme deux bougies par jour, alors qu'avec le pétrole, un litre me suffit largement pour un mois". Une bougie coûte de 6 à 12 centimes d'euro l'unité, contre 50 centimes le litre de pétrole dans un pays où les deux tiers de la population vivent avec moins de 1,8 euro par jour.

Pourtant, une ligne à haute tension de la Jirama passe juste à côté du village d'Ambohimasindray. "La Jirama est un opérateur, elle raisonne donc en termes de coûts et de pertes, et selon elle, investir pour ce tout petit village sera une perte", explique Andry Ramaroson. La société, elle, se refuse à tout commentaire sur le dossier, le jugeant "trop vieux".

Envolé donc le rêve de Louise Rasoahelinivo de regarder un jour la télévision sur le poste offert par ses enfants en... 1989. "L'électricité reste toujours un produit de luxe que seuls les citadins peuvent s'offrir", s'indigne-t-elle.

Certains de ses voisins, comme Isabelle Ramiadanary, 54 ans, tentent de contourner le problème avec un panneau solaire. Mais l'équipement n'a pas fait de vieux os. Il a rapidement perdu de sa puissance et ne sert plus aujourd'hui qu'à recharger les téléphones portables. Après avoir profité de huit mois de courant, elle est revenue au pétrole et à la bougie. "Un panneau solaire a une durée de vie minimale de 20 ans", selon Andry Ramaroson. "Malheureusement, certains produits qui entrent à Madagascar ne respectent pas les normes".

Barrage

Madagascar dispose actuellement de 417 mégawatts de capacités électriques sur tout le territoire (dont 73% à base de fioul). "C'est une production qui coûte chère", souligne Andry Ramaroson. Une solution serait de construire une centrale hydroélectrique, sachant que celles en service datent de la colonisation française. Mais c'est un projet long et coûteux : "trois à quatre ans" pour les études, entre "trois et sept" pour la construction. Avec un mandat présidentiel de cinq ans, "aucun dirigeant n'a voulu s'investir dans une construction qu'il risque de ne pas pouvoir inaugurer", estime Andry Ramaroson.

Madagascar se heurte aussi à un problème de distribution. Le pays dispose actuellement de 400 kilomètres de lignes à haute tension et 1 000 kilomètres pour les moyennes tensions. Un réseau qui n'a pas évolué depuis au moins quarante ans. Pour résoudre le problème, le ministère de l'Énergie promet de "construire dans les cinq prochaines années au moins 1 100 kilomètres de lignes pour passer de 15% à 50% de taux d'électrification du pays".

Mais le financement, nerf de la guerre, reste encore à trouver. La Jirama a accumulé des dettes vis-à-vis de ses prestataires qui s'élèvent, selon la Banque mondiale, à 400 millions d'euros et affiche une perte de près de 75 millions d'euros.

Dans ce contexte, le salut pourrait venir du privé, au moins partiellement. Ce mois-ci, un consortium international a annoncé la construction et l'exploitation d'ici 2023 d'un barrage et d'une usine hydroélectriques de 120 MW sur le fleuve Ivondro à 40 km à l'ouest de Toamasina (ouest). Le plus gros investissement privé jamais réalisé dans le secteur de l'électricité à Madagascar.

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