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Un sommet en duo, un dîner sur la Méditerranée et une journée à Marseille : Emmanuel Macron soigne pendant trois jours sa relation avec l'Indien Narendra Modi, considérée comme un atout dans ses efforts, aux résultats mitigés, d'éviter la "fracture" Nord-Sud.
Illustration du « Pacte de Paris pour les peuples et la planète »
Le Premier ministre indien, attendu à Paris lundi après-midi, va coprésider jusqu'à mardi avec le chef de l'État français le sommet sur l'intelligence artificielle.
En associant ce grand pays émergent, l'Elysée dit vouloir éviter, dans la course à l'IA, une compétition "uniquement entre les États-Unis et la Chine". Si le but premier est de faire peser la France et l'Europe comme de vraies puissances dans ce domaine stratégique, l'entourage d'Emmanuel Macron assure vouloir aussi donner au reste du monde "la capacité de pouvoir développer leur propre IA en toute indépendance".
Le président français avait théorisé en septembre 2022, à la tribune des Nations unies, la nécessité de "bâtir un nouveau contrat entre le Nord et le Sud" pour éviter "la fracture du monde".
Depuis, il a décliné cette vision, avec notamment son "Pacte de Paris pour les peuples et la planète", visant à conjuguer lutte contre la pauvreté et contre le réchauffement climatique, et en s'affichant régulièrement avec des dirigeants de puissances émergentes, comme le Brésilien Lula ou, donc, Narendra Modi.
"Le président a beaucoup investi dans la relation avec New Delhi", reconnaît un de ses conseillers, pour "tenir compte de la montée en puissance de l'Inde", devenue le pays le plus peuplé au monde, en termes notamment "technologiques et scientifiques".
Coopération dans le nucléaire sur les SMR
Après avoir accueilli le Premier ministre indien au défilé du 14-Juillet à Paris en 2023, puis avoir été son invité d'honneur au Rajasthan et à New Delhi pour la fête de la Constitution indienne l'an dernier, Emmanuel Macron va cette fois emmener son hôte dîner mardi à Cassis, station balnéaire provençale très prisée. Mercredi, ils seront ensemble à Marseille, la "ville de cœur" du chef de l'État.
Au-delà des symboles, il s'agit aussi d'"accroître les échanges entre la France et l'Inde avec Marseille à la fois comme porte d'entrée et comme point de sortie", a expliqué l'Elysée à la presse.
Liées par un partenariat stratégique depuis 1998, la France et l'Inde doivent lancer un nouvel axe de coopération dans le nucléaire civil sur les petits réacteurs modulaires (SMR), et des projets dans les secteurs portuaire et énergétique, impliquant notamment l'armateur français CMA-CGM.
Paris espère aussi avancer dans les négociations à plusieurs milliards d'euros sur l'achat par New Delhi d'avions de chasse français Rafale version marine et de sous-marins Scorpène. "Il y a une constance rhétorique de la France à vouloir se poser en pont entre le Nord et le Sud", estime Bertrand Badie, professeur à Sciences-Po. "Il y a eu une politique sudiste sous le général de Gaulle", et "c'est vrai que Macron a renoué avec cette thématique", dit-il à l'AFP.
Image de leader en perte de vitesse
Mais selon cet expert des relations internationales, le président français "a reçu en boomerang la crise des relations avec l'Afrique et l'échec de la réinvention d'une politique arabe de la France".
En 2023, il a échoué à devenir le premier dirigeant occidental invité au sommet des Brics, ce groupe qui rassemble le Brésil, la Chine, l'Afrique du Sud, l'Inde mais aussi la Russie. Et malgré ses efforts, Emmanuel Macron n'a pas vraiment réussi à éloigner l'Inde de la Russie depuis le début de la guerre en Ukraine.
Au-delà, selon Bertrand Badie, "Modi est le relais idéal pour promouvoir l'idée selon laquelle la France est la seule puissance indopacifique en Europe", grâce notamment à ses territoires d'outre-mer. Un "pari périlleux", juge-t-il, car "personne ne prend vraiment au sérieux ce positionnement", et "cela oblige Macron à passer sous silence la politique intérieure" du Premier ministre ultranationaliste hindou, décrié par ses opposants et des défenseurs des droits humains pour sa dérive autocratique.
Et un pari qui a ses limites. Emmanuel Macron est de plus en plus considéré par les dirigeants indiens comme un leader en perte de vitesse, assez isolé y compris en Europe, glisse un fin connaisseur de la diplomatie indienne. La venue de Narendra Modi est donc surtout vue comme une manière de le remercier pour les relations bilatérales chaleureuses depuis qu'il est au pouvoir.
De Marseille, le chef du gouvernement indien s'envolera d'ailleurs directement pour les États-Unis, à la rencontre du nouveau président Donald Trump - un rendez-vous jugé autrement plus stratégique à New Delhi.