Nucléaire : la réforme décriée de la sûreté définitivement adoptée au Parlement

  • AFP
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Poussée par l'exécutif, la réforme controversée de la sûreté nucléaire a été définitivement adoptée dans la nuit de mardi à mercredi par un ultime vote favorable du Sénat, après avoir franchi l'obstacle de l'Assemblée au terme d'un parcours chahuté au Parlement.

La fusion du gendarme du nucléaire, l'ASN, avec l'expert technique du secteur, l'IRSN, a été validée sans surprise par les sénateurs, à 233 voix contre 109, achevant l'examen de ce projet de loi gouvernemental.

Le suspense avait été levé un peu plus tôt dans la journée par l'adoption large des députés (340 voix contre 173) avec le soutien du camp présidentiel, de la droite et celui, cette fois, du Rassemblement national, qui s'y était opposé le mois dernier en première lecture.

Les parlementaires se prononçaient sur un texte de compromis scellé entre des représentants de l'Assemblée et du Sénat pour cette réforme qui, selon ses détracteurs, risque de provoquer une "désorganisation" du système et jeter le doute sur l'indépendance des décisions de la future entité unique.

Le soutien final du RN à ce texte a éteint les espoirs du camp des opposants, composé des groupes de gauche, qu'ils soient pro ou antinucléaires, et des indépendants de Liot.

Sans les voix du RN, le texte n'était passé qu'à un cheveu en première lecture, à 260 voix contre 259.

"Même si le texte reste imparfait", la réforme "permettra d'accélérer la construction de nouveaux réacteurs", s'est justifié à l'AFP le député RN Nicolas Dragon pour expliquer ce changement de pied.

"C'est catastrophique ou très éclairant sur votre incompétence", a lancé au RN le député Liot Benjamin Saint-Huile, qualifiant ses membres de "girouettes".

Transparence

Ce projet de loi prévoit la création en 2025 d'une Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR), issue du rapprochement de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), qui emploient respectivement environ 530 et 1.740 agents.

Le gouvernement estime que la fin d'un système dual permettra de "fluidifier" le secteur en réduisant les délais d'expertise et d'autorisation d'installations.

"Avec ce texte, nous permettons à nos talents de se concentrer sur les enjeux prioritaires de sûreté tout en conservant nos exigences en la matière", s'est réjoui le ministre de l'Industrie Roland Lescure après les votes.

Les opposants alertent en revanche sur une possible perte d'indépendance des experts et de transparence. Le projet, auquel s'opposent nombre d'élus, d'ingénieurs et d'associations, a aussi provoqué l'ire des syndicats des deux entités.

Dans la rue pour une huitième fois mardi, les salariés de l'IRSN ont appelé les députés à s'y opposer. "IRSN démantelé, sûreté en danger", "mariage forcé, accident assuré", lisait-on sur les panneaux dans le cortège.

Motif d'espoir pour les syndicats, l'article-clé de la réforme avait été rejeté en commission début mars à l'Assemblée avant d'être rétabli en séance. Un an plus tôt, c'est dans l'hémicycle qu'une coalition des oppositions avait fait barrage à la fusion en rejetant un amendement de l'exécutif à un précédent projet de loi, consacré à la relance du nucléaire.

"Lait sur le feu"

Le débat parlementaire "nous a prouvé une fois de plus combien ce projet ne répond à aucune justification technique ou scientifique", a estimé le député communiste Sébastien Jumel.

Le rapporteur à l'Assemblée, Jean-Luc Fugit (Renaissance), a lui tenté de convaincre les oppositions des garanties apportées par le texte final. L'autorité unique "sera surveillée comme le lait sur le feu", fait-il valoir, soulignant qu'elle devrait présenter son projet de règlement intérieur aux parlementaires.

Un amendement adopté en fin de navette parlementaire prévoit par ailleurs "pour chaque dossier" une distinction entre le personnel chargé de l'expertise et celui chargé d'une décision, l'un des points les plus discutés.

Mais, déplore la députée socialiste Anna Pic, "un même agent pourrait intervenir en tant qu'expert sur un dossier une semaine, puis prendre la casquette de décisionnaire la semaine suivante sur un autre".

"Je n'ai jamais vu un expert capable de décider et je doute fort de la capacité d'un décideur à développer des expertises pointues", s'est inquiété le sénateur Raphaël Daubet (Parti radical de gauche). "Changer ainsi de casquette me paraît dangereux".

Commentaires

Paul Ducretet

Là nous avons de quoi nous inquiéter, car depuis longtemps ce sont l'ASN et l'IRSN qui nous protègent contre des comportements dangereux de dirigeants d'EdF dans la construction et l'exploitation de centrales nucléaires.
Cette fusion, c'est le but poursuivi officieusement, devrait rendre ces entités plus soumises au pouvoir politique et plus discrètes vis à vis du public...
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"Députés et sénateurs se sont également accordés sur un nouveau processus de nomination du président du groupe Orano, spécialiste français de l'uranium, via la procédure définie à l'article 13 de la Constitution, c'est-à-dire par le président de la République après avis des commissions permanentes du Sénat et de l'Assemblée.".
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Le groupe Orano, ex-Areva, avait changé de nom à la suite de l'accident nucléaire de Fukushima entrainant sa quasi-faillite, et son sauvetage par l'Etat..
Il faut savoir qu'à Fukushima, le premier réacteur nucléaire à sauter suite à la fusion du coeur combustible, c'est le réacteur numéro trois, chargé en combustible MOX de l'entreprise Areva. Ce combustible a fondu comme beurre au soleil dès le début de l'accident, et s'est montré beaucoup beaucoup plus dangereux et radioactif que le combustible traditionnel.
Nos autorités et nos journalistes ne nous ont pas vraiment informés de cela, mais dans le Monde entier les opérateurs du nucléaire ont retiré leur confiance à ce type de combustible, sur lequel Areva faisait ses profits depuis plus de trente ans.
Reste nous autres, pauvres couillons de Français, pour consommer ce dangereux mix d'uranium, de plutonium, et de déchets radioactifs.
Si c'est le Président Emmanuel Macron qui désigne le Président du groupe Orano, nous avons de quoi nous inquiéter, ça va être la fuite en avant, avec des considérations politiques qui vont l'emporter sur tout le reste.

Alessandrini

Le groupe AREVA a été scindé en deux suite au cout exorbitant du premier EPR à Okiluoto qui l'a mis en difficulté et non pas près l'accident des réacteurs japonais suite au tsunami.

Serge Rochain

Au point où en est le nucléaire en France il ne leur restait plus qu'à fusioner ou plutôt faire disparaitre un prganisme qui controlait celui chargé de controler les réacteurs. Celui qui reste poura faire ce qu'il veut sans avoir à en répondre, y compris continuer un réacteur en mauvaise état à produire s'il juge que la production est plus importante que la sécurité et on n'est pas à un mensonge près
On change d'époque !
Serge Rochain

Zamur

Enfin, une bonne nouvelle. Un contrôleur c'est mieux que les deux qui maintiennent une rivalité et imposent des travaux supplémentaires. Les EPR français construits en Chine fonctionnent depuis trois ans.

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