Près de Nantes, un paysan-boulanger se joue de l'inflation

  • AFP
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Cultiver du blé et moudre sa farine pour en faire du pain cuit au bois: en maîtrisant de A à Z ces étapes de fabrication, Dominique Grandjouan échappe à la flambée des prix des matières premières qui touche la profession.

"Je suis totalement autonome et je ne dépends d'aucun aléa financier", savoure ce paysan-boulanger dans sa ferme de Mondalin, à Saint-Viaud (Loire-Atlantique).

Cet ancien logisticien dans une société automobile a changé de vie en 2017 après avoir acheté et rénové de fond en comble une ancienne ferme de vaches laitières.

Il cultive actuellement en méthode biologique 6,5 hectares de blé issu de semences anciennes. "J'ai planté huit variétés différentes qui fonctionnent très bien ensemble et possèdent de bonnes qualités gustatives", explique-t-il au milieu de ses épis, qui lui arrivent déjà aux hanches.

En juillet, au moment de la récolte - sous traitée à une société spécialisée - les tiges atteindront près de deux mètres de haut, quand le blé moderne plafonne à 50 centimètres. "En récoltant 13 à 15 tonnes de blé, j'ai de quoi produire ma farine pour toute l'année", poursuit l'agriculteur.

La prochaine étape s'opère dans le moulin de sa ferme, qui ne ressemble en rien à un édifice aux ailes tournantes. Ce moulin à meule de pierre dit Astrié, du nom de son inventeur français, transforme le blé en farine en le roulant, sans le broyer.

"Cela permet de conserver le germe du blé et de faciliter sa digestion", dit-il. Cette farine fraîche lui permet de créer son propre levain en y ajoutant simplement de l'eau. "C'est plus sain et plus digeste que la levure, faite avec des produits chimiques", glisse ce passionné qui accueille régulièrement des écoles pour faire découvrir son métier.

Dans son laboratoire, la préparation du pain met environ six heures, en comptant les nombreux temps de repos de la pâte : mélange du levain, de l'eau, de la farine et du sel dans un pétrin, rabattage de la pâte à l'aide d'une "corne" pour lui donner de la force, façonnage à la main des futurs pains.

- Pas d'horaires impossibles -

Environ 80 boules de 500 grammes ou d'un kilo sont ensuite déposées dans un four à bois traditionnel, en briques, attenant au laboratoire. Il est alimenté par du bois coupé sur sa propre exploitation.

La cuisson dure environ une heure, surveillée de près par le boulanger. A leur sortie, les pains vont refroidir sur un chariot en émettant le son d'un feu qui crépite (on appelle cela "ressuyer").

Ils seront ensuite mis en vente 4,90 euros le kilo à la ferme et dans plusieurs circuits (marché, restaurant, Amap...). "Je gagne largement ce qu'il faut sans avoir des horaires impossibles puisque je n'allume le four que trois jours par semaine", commente celui dont la production hebdomadaire est d'environ 400 pains.

Depuis peu, il partage son laboratoire et son fournil avec deux autres paysans-boulangers fraîchement formés.

"J'avais envie d'un métier utile et qui ait du sens", explique Gaël Letilly, 41 ans, auparavant acheteur dans l'aéronautique. "C'est assez magique, car on a beau répéter les mêmes gestes, aucune fournée ne ressemble à une autre."

Même satisfaction chez son collègue Jean-Marc Etienne, 45 ans, ancien manipulateur radio. "J'ai commencé à vendre mon pain depuis trois mois et la clientèle est au rendez-vous", salue-t-il.

"Il y a un vrai potentiel de développement", commente Philippe Grandjouan. "Mais au-delà de l'engouement des consommateurs pour des produits sains, il faudrait une vraie volonté politique d'aide à l'installation..."

Commentaires

Justin

13 tonnes de blé sur 6.5 hectares soit ~2t/ha quand en temps normal on peut produire 7t/ha...

Si tout le monde fait ça il faudrait donc plus de 3x plus de surface à cultiver.... tant pis pour la biodiversité et les forêts...

Justin

Même un champs "Bio" est un désert de biodiversité.
Le mieux est de faire le minimum de surface agricole pour laisser un peu de place à la biodiversité.

tata

Les maxi rendements ne peuvent pas durer dans le temps, c'est une illusion de penser le contraire. Ces terres sont archi dopées et sur exploitées pour au final, ne plus pouvoir rien cultiver dessus dans quelques années ou décennies car trop polluées... Allez en toucher un mot à nos amis antillais et parlez leur du chlordécone.
L'effondrement de la biodiversité n'est pas concomitante avec l'apparition de la bio mais bien de la culture intensive ;)

tata

Avant de faire des jugements à l'emporte pièce, avez vous une idée du terroir dans lequel sont semés ces variétés bios de blés anciens ??? Soyons sérieux et comparons ce qui est comparable !
Quelle manie et obstination de devoir toujours produire plus ! Cela mène l'agriculture à sa perte en épuisant les sols avec la nécessaire obligation d'utiliser produits phytosanitaires, engrais, biocides et compagnie... Mangeons moins, mangeons mieux !

Justin

Moins de rendement = plus de surface au dépend de la nature (si on mange moins, l'effet sera encore plus flagrant!)

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