Prix de l'électricité : hausse des tensions entre industriels et EDF après l'annonce de l'électricien

  • Connaissance des Énergies avec AFP
  • parue le

La tension est montée d'un cran vendredi entre les gros industriels et EDF dans le feuilleton sur le prix de l'électricité jugé trop élevé par les premiers qui disent jouer leur "survie", alors que l'électricien assure ne "pas croire" à des "délocalisations" liées aux factures de courant.

Une annonce « incompréhensible » pour les grands consommateurs d'électricité

Des fonderies d'aluminium à la chimie, les industriels français les plus gourmands en électricité, dont certains se disent menacés dans leur "survie" par les prix trop élevés de l'énergie, s'inquiètent d'une nouvelle initiative de l'électricien national.

EDF a annoncé jeudi qu'elle allait proposer des contrats à long terme adossés à sa production nucléaire à travers un système d'enchères européennes pour livrer de l'électricité en France à des entreprises de taille significative de tous secteurs (centres de données, transports...) et à des fournisseurs d'électricité.

Cette annonce a eu l'effet d'une douche froide pour l'association Uniden qui représente les industriels les plus consommateurs d'énergie: elle a dénoncé une "attitude incompréhensible" d'EDF avec qui les négociations tarifaires s'enlisent depuis plus d'un an.

En cause : un prix au mégawattheure (MWh) jugé trop élevé pour garantir leur compétitivité face à une féroce concurrence américaine et chinoise. EDF "préfère clairement vendre aux plus offrants plutôt qu'à ceux qui en ont besoin", tempête l'Uniden.

Des mois de négociations, un seul contrat ferme signé

Depuis novembre 2023, les industriels sont engagés - après accord avec l'État - dans un bras de fer commercial avec EDF pour des contrats de long terme dits d'allocation de production nucléaire (CAPN) qui remplaceraient les tarifs d'électricité à prix cassé dont ils bénéficient jusqu'à fin 2025, date d'extinction du système dit Arenh.

Pour "l'après-Arenh", EDF avait proposé des contrats de moyen et long terme à destination des entreprises, avec l'objectif d'atteindre un prix moyen de 70 euros sur 15 ans pour un mégawattheure de son électricité nucléaire.

Une offre mal reçue par la cinquantaine de gros industriels de l'aluminium, de la chimie, l'acier ou du verre, habitués à payer 42 euros du MWh, une partie de leurs électrons.

Après des mois de négociations bilatérales secrètes entre l'électricien et ces grands clients, le ministère de l'Énergie a regretté jeudi soir qu'un seul contrat ferme ait été signé à date.

Un « dossier complet » à venir

Depuis des mois, l'État et unique actionnaire d'EDF, fait pression pour que l'entreprise conclue plus de contrats alors que les industriels agitent la menace de délocalisations, notamment dans la chimie.

Argument contré par EDF, qui admet les problèmes du secteur de la chimie, mais les attribue surtout au renchérissement du gaz. "Il ne faut pas essayer de faire porter à l'électricité un chapeau trop grand pour elle", a réagi vendredi auprès de l'AFP le directeur exécutif chargé du pôle clients, Marc Benayoun.

EDF a par ailleurs essayé d'éteindre l'incendie, soulignant que son nouveau système d'enchères s'ajoutait aux discussions en cours mais ne les remplaçait pas. Les négociations "se poursuivent" avec les industriels, a assuré M. Benayoun. Il se dit optimiste sur les chances de signer bientôt "plusieurs contrats" à long terme avec des industriels, issues de "dix" lettres d'intention, contre neuf jusqu'à présent.

Selon lui, l'électricien devrait transmettre "la semaine prochaine" un "dossier complet" au gouvernement pour tirer un premier bilan. Il a reconnu au passage qu'EDF aura signé "moins de CAPN que prévu".

« Tous vont trouver une solution avant début 2026 », juge EDF

Mais il a annoncé à l'AFP qu'un "deuxième gros contrat" long terme serait signé la semaine prochaine, après le premier dévoilé par le PDG d'EDF Luc Rémont fin février. M. Benayoun a indiqué que ce premier contrat avait été signé avec un industriel de la chimie, sans révéler l'identité du deuxième.

Le dirigeant assure que "tous vont trouver une solution avant début 2026", et que les contrats long terme ne sont qu'une des solutions.

Les industriels peuvent aussi se tourner vers les marchés qui "sont très attractifs aujourd'hui : (...) A 4 ans, sur 2026-29, le prix tourne autour de 60 euros le MWh" alors qu'il était à 85 euros fin 2023" au début des discussions, quand Bruno Le Maire était le locataire de Bercy.

L'ex-ministre de l'Économie est sorti de son silence sur le réseau social "X" pour prendre fait et cause pour les industriels en estimant que le projet d'enchères d'EDF "affaiblirait l'industrie française".

Commentaires

RAVON
"Mutualiser les pertes et individualiser les gains". C'est bien français. Voir des gouvernements successifs plaider et soutenir l'ouverture du marché de l'électricité, la libre concurrence et le démantélement d'EDF tout en argumentant sur le fait qu'EDF doit se comporter en entreprise publique et en service publique a quelque chose de surréaliste. Cette permanente incohérence et cette mauvaise foi sont de plus en plus difficilement supportables. Verrons nous prochainement refleurir la notion de "patriotisme économique" ? Avec l'accord de Bruxelles ? Ce serait drôle. Avec le soutien des allemands ? Eux qui ont tout fait pour limer l'avantage énergétique qu'avaient les entreprises françaises.
Régis
D'autant qu'à l'époque des 1ères dérèglementations du "marché (européen) de l'électricité" (qui dit marché, dit concurrence (libre et non-faussée) dans les rapports commerciaux des prix Offre / Demande..à l'échelon européen.), les industriels (notamment les électrointensifs) étaient demandeurs, vu que cela allait - forcément - faire baisser les prix.. On était quelques uns à dire que ça ne fonctionnerait pas comme-ça.. Malheureusement, tout s'est passé comme prévu.. Il faut également relire les débats à l'Assemblée Nationale et au Sénat lors des privatisations - pardon "ouvertures de capital" - EDF-GDF.. Tous les partis politiques -dits de gouvernement- ont accompagné la casse des "opérateurs historiques". On en voit aujourd'hui les résultats.. Ces mêmes politiques - car certains sont encore en "sévice" - et leurs héritiers qui roulent de gros yeux pour dénoncer, non-pas leur gabegie, mais en l'occurence le thermomètre qu'ils ont créé.. En attendant, ce sont les salariés (et leurs familles) de ces entreprises qui vont trinquer - et forcément les usagers..heu les clients..
DANIEL HOSTALIER
EDF doit dégager suffisamment de marge pour pouvoir investir dans de nouvelles installations et distribuer des dividendes à son actionnaire l'état, mais doit également privilégier les industriels implantés en France. L'état doit donc imposer ces règles à EDF qui est avant tout une entreprise qui appartient aux Français.
Albatros
En l'occurrence il s'agirait plutôt d'une baisse de la tension tellement la politique d'EDF décourage la nécessaire électrification (totale ou partielle) pour substituer l'utilisation des énergies fossiles dans l'industrie. EDF semble faire le calcul cynique de la disparition de l'industrie et tabler sur l'exportation de "sa" (plutôt notre) production d'électricité. C'est dégueulasse et hypocrite. Ou alors que le gouvernement cesse de pérorer sur la "ré-industrialisation" de notre pays.

Ajouter un commentaire