Projet de loi de relance du nucléaire : coup d'envoi à l'Assemblée, polémique sur la réforme de la sûreté

  • AFP
  • parue le

L'Assemblée nationale a entamé lundi des débats enflammés sur le projet de loi de relance du nucléaire. Des centaines de personnes ont manifesté aux abords du Palais Bourbon pour protester contre la réforme de la sûreté de ce secteur sensible.

Avec ce texte qui vise à faciliter la construction de six nouveaux réacteurs EPR à l'horizon 2035, c'est "le fil de la plus grande aventure industrielle française depuis les années 1970 avec lequel nous renouons", a affirmé la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher. Contre les énergies fossiles, "accélérer les énergies renouvelables, c'est être écologiste. Relancer notre filière nucléaire, c'est être écologiste", a-t-elle lancé au coup d'envoi.

480 amendements sont encore au programme jusqu'à jeudi. Dans une actualité toujours agitée par la réforme des retraites, le gouvernement mise sur le traditionnel soutien de la droite à l'atome pour une adoption sans trop de difficultés en première lecture, après le très large vote du Sénat fin janvier.

Le chef des députés LR Olivier Marleix soutient cette relance du nucléaire, mais se "méfie des nouveaux convertis" et critique "le tête-à-queue spectaculaire" d'Emmanuel Macron.

Farouches opposants à l'énergie atomique, EELV et LFI s'appuient sur deux événements récents pour ferrailler contre cette loi: la fissure "importante" révélée dans la tuyauterie d'un réacteur de la centrale de Penly (Seine-Maritime), et la disparition annoncée de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), expert technique, que l'exécutif veut fondre dans l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), le gendarme des centrales.

« Incompréhensible »

Ajoutée par un simple amendement du gouvernement, adopté en commission, cette réforme de la sûreté suscite l'ire des syndicats de l'IRSN comme de l'ASN, de la gauche, et des protestations jusque dans la majorité.

L'intersyndicale de l'Institut a organisé une nouvelle journée de grève lundi et une manifestation près de l'Assemblée. Des centaines de salariés ont défilé jusqu'aux Invalides, avec des slogans comme "IRSN démantelé, sûreté nucléaire bradée".

Ce projet de "fusion" est "incompréhensible", dénoncent aussi les députés de la coalition de gauche Nupes, qui jugent "essentiel de maintenir une indépendance entre la fonction de régulateur (ASN) et celle d'expertise (IRSN)".

"Ce projet de loi ne touche pas une seule virgule de nos procédures de sûreté nucléaire", répond Agnès Pannier-Runacher. Quant à Penly, "découvrir des fissures de fatigue thermique sur une tuyauterie, c'est un peu aussi banal que de découvrir que des équipements vieillissent", juge-t-elle. "Je rappelle que ces pièces sont remplacées".

Chez les macronistes, la rapporteure Maud Bregeon, ancienne d'EDF, distingue les "questions légitimes" sur l'IRSN des arguments utilisés pour "flinguer la filière" par "idéologie".

Au nom de la "souveraineté" et de la "neutralité carbone", "les vrais écologistes aujourd'hui sont pro-nucléaires", a-t-elle attaqué, alors que l'adhésion à l'atome a nettement gagné du terrain dans les sondages, en pleine crise énergétique.

« Ni plafond, ni plancher »

Limité à de nouvelles installations situées sur des sites nucléaires existants, ou à proximité, le projet de loi vise à simplifier les procédures administratives pour réduire les délais de construction. Les deux prochains EPR devraient être implantés à Penly, suivis de deux autres à Gravelines (Nord), avec l'objectif 2027 pour "la première coulée de béton", et "2035-2037" pour la mise en service, selon le gouvernement.

L'Assemblée a repoussé une motion de rejet global du texte portée par le PS. Puis a validé un ajout controversé du Sénat: la suppression du plafond de 50% de la part de l'énergie nucléaire dans le mix électrique français d'ici 2035.

Plusieurs députés, dont l'ancienne ministre Barbara Pompili, ont critiqué cette suppression qui prend de vitesse la future loi de programmation pluriannuelle de l'énergie, attendue au mieux cet été. Mais le gouvernement ne veut "ni plafond ni plancher" sur le sujet, alors que l'énergie nucléaire représente environ 70% de la production d'électricité habituellement, mais seulement 63% en 2022 en raison des arrêts pour corrosion.

Après un texte technique sur les renouvelables adopté avec le soutien des députés socialistes, le gouvernement se tourne vers la droite pour celui sur le nucléaire, que les élus LR et RN regardent d'un bon œil. "Enfin, la filière nucléaire va retrouver un peu de considération", a souligné Marine Le Pen, tout en jugeant le texte "très insuffisant".

À gauche, seuls les communistes sont ouvertement favorables au nucléaire, mais ils se sont abstenus au Sénat sur ce projet de loi.

Commentaires

Daphné

Il est juste de faire progresser le nucléaire et de revenir sur des décisions émotives et le vent de mode antinucléaire irrationnel qui a soufflé avec violence durant ces deux dernières décennies mais, le choix du type des appareils de production ne devrait pas dépendre des députés ou d'élus qui ne sont pas compétents ni être déterminé par une majorité qui fluctue par définition en démocratie. Lorsque le choix du nucléaire a été décidé en France, dans les annnées 60, le type de centrale à construire était le fait des physiciens et ingénieurs , d' équipes très jeunes , mettant toutes leurs nouvelles compétences au service d' une aventure enthousiasmante reposant aussi sur le socle séculaire d'une tradition ouvrière de haute qualité. Le développement du nucléaire est conditionné par la prise en compte de ses effets secondaires et des sentiments de crainte qu'ils peuvent légitimement inspirer.: le traitements des déchets , les risques d'accidents par erreur humaine et la pollution thermique de l'eau. Ces effets sont atténués voire annulés par de nouveaux types d'appareils. Mais qui détermine et le nombre et le type de réacteurs? Pourquoi financer 6 epr et pas de réacteurs de 4ème ggénération au thorium par exemple. alors qu'en France nous avons plus d'une décennie de recherches sur le sujet? L'Inde et la Chine qui ont chacune plus d'un milliard d'habitants à pourvoir en commodités vont-elles toujours être en pointe ?

ppcqa

Il est juste aussi d'admettre que le fiasco industriel et économique de l'EPR actuel n'a pas grand chose à voir avec "des décisions émotives et le vent de mode antinucléaire irrationnel qui a soufflé avec violence durant ces deux dernières décennies"...

Daphné

Il est juste de faire progresser le nucléaire et de revenir sur des décisions émotives et le vent de mode antinucléaire irrationnel qui a soufflé avec violence durant ces deux dernières décennies mais, le choix du type des appareils de production ne devrait pas dépendre des députés ou d'élus qui ne sont pas compétents ni être déterminé par une majorité qui fluctue par définition en démocratie. Lorsque le choix du nucléaire a été décidé en France, dans les annnées 60, le type de centrale à construire était le fait des physiciens et ingénieurs , d' équipes très jeunes , mettant toutes leurs nouvelles compétences au service d' une aventure enthousiasmante reposant aussi sur le socle séculaire d'une tradition ouvrière de haute qualité. Le développement du nucléaire est conditionné par la prise en compte de ses effets secondaires et des sentiments de crainte qu'ils peuvent légitimement inspirer.: le traitements des déchets , les risques d'accidents par erreur humaine et la pollution thermique de l'eau. Ces effets sont atténués voire annulés par de nouveaux types d'appareils. Mais qui détermine et le nombre et le type de réacteurs? Pourquoi financer 6 epr et pas de réacteurs de 4ème ggénération au thorium par exemple. alors qu'en France nous avons plus d'une décennie de recherches sur le sujet? L'Inde et la Chine qui ont chacune plus d'un milliard d'habitants à pourvoir en commodités vont-elles toujours être en pointe ?

Vlady

Que l ' on ait détecté ces fissures est heureux , mais il faut surtout se poser la question : POURQUOI ? Parce que là on est passé à 4 cm. de la catastrophe , comme au Blayais en 1999 où on était à quelques cm. de l ' inondation de la centrale nucléaire !! Dans le cas qui nous occupe , il s ' agit : soit d ' une malfaçon , soit d ' un usage inapproprié de l ' installation ! Le nucléaire n ' a pas vocation à être piloté comme une unité thermique ordinaire , contrairement à une légende urbaine complaisamment diffusée ...

Daphné

Le fait d'avoir diagnostiqué une fissure profonde dans un endroit imprévu témoigne de la compétence , du sérieux et de l'importance de l'IRSN..

Jean FLUCHERE

Daphné, c'est EDF qui a détecté dans son labo, le LIDEC, les fissures dont vous parlez. L'IRSN n'a pas ce rôle.

Ajouter un commentaire