Rachat d'Uramin par Areva : la Cour de cassation rejette les pourvois pour annuler une partie des poursuites

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Nouveau rebondissement dans l'un des volets de l'affaire du rachat de la société minière Uramin : la Cour de cassation a rejeté les pourvois d'Anne Lauvergeon et d'anciens dirigeants d'Areva qui contestaient des mises en examen réclamées par le parquet financier mais refusées par les juges d'instruction.

Il revient donc désormais à la juge d'instruction, chargée de l'information judiciaire ouverte depuis 2015 sur le volet comptable, de leur notifier ces mises en examen.

Les poursuites visent notamment Anne Lauvergeon, son bras droit à l'époque Gérald Arbola, l'ancien directeur financier du groupe Alain-Pierre Raynaud et l'ex-dirigeant de la filiale des mines Sébastien de Montessus. Ces poursuites sont au cœur d'un bras de fer depuis plusieurs années entre le Parquet national financier (PNF), soutenu par la cour d'appel de Paris, et les juges d'instruction.

En 2007, Areva, géant du nucléaire devenu Orano, rachète pour 1,8 milliard d'euros la société minière canadienne Uramin, qui détient trois gisements d'uranium en Afrique, puis investit près d'un milliard d'euros. Mais entre des difficultés d'exploitation des gisements et une teneur en uranium moins importante qu'escompté, l'acquisition tourne au fiasco.

Fin 2011, quelques mois après le départ d'Anne Lauvergeon, le groupe divise par cinq la valeur d'Uramin et est contraint de passer de lourdes provisions de 1,5 milliard d'euros.

Après un signalement de la Cour des comptes en 2014, deux informations judiciaires sont ouvertes l'année suivante sur le rachat d'Uramin : l'une porte sur des soupçons d'escroquerie et de corruption lors de l'acquisition ; l'autre sur les provisions inscrites par Areva. Dans ce volet comptable, des dirigeants du groupe sont soupçonnés d'avoir présenté des comptes inexacts pour masquer l'effondrement de la valeur d'Uramin.

Mme Lauvergeon, présidente du directoire de 2001 à 2011, et M. Arbola ont été mis en examen pour présentation et publication de comptes inexacts et diffusion d'informations trompeuses. M. Raynaud est mis en examen pour complicité de ces infractions. M. de Montessus a en revanche bénéficié du statut intermédiaire de témoin assisté.

Les juges d'instruction, qui avaient annoncé clore le volet comptable en mars 2017, ont refusé de procéder à des mises en examen supplémentaires réclamées par le PNF.

Pour le parquet, les dirigeants d'Areva ont caché des informations cruciales aux commissaires aux comptes chargés de certifier les comptes du groupe. Anne Lauvergeon "a eu connaissance de ces entraves (...) et les a même encouragées", selon le PNF. Mais pour les magistrats instructeurs, les experts de l'audit "ont eu accès à tous les documents légaux".

Dissimulations

L'ancienne patronne d'Areva réfute avoir elle-même déterminé le montant de la dépréciation, affirmant qu'il avait été défini par les commissaires aux comptes sans qu'elle ait donné la moindre instruction. Saisie par le parquet, la chambre de l'instruction de la cour d'appel avait fait "injonction" aux magistrats de prononcer ces nouvelles poursuites en octobre 2018.

Mme Lauvergeon, M. Arbola, M. Raynaud et Thierry Noircler, ancien responsable de l'audit du groupe nucléaire, avaient donc été mis en examen en 2019 pour délit d'entrave. M. de Montessus et son directeur financier Nicolas Nouveau avaient été mis en examen pour complicité de présentation de comptes inexacts et de diffusion d'informations trompeuses, et délit d'entrave.

La Cour de cassation a toutefois annulé en janvier 2022 ces mises en examen supplétives, retenant "l'excès de pouvoir" de la cour d'appel, et elle avait renvoyé le dossier à une nouvelle audience devant la chambre de l'instruction.

Mais cette dernière a de nouveau ordonné en juin ces poursuites, estimant que des "dissimulations (avaient été) sciemment opérées sur les dépréciations des actifs Uramin" par les dirigeants d'Areva et qu'elles ont abouti "à des manipulations des comptes et à la diffusion d'informations trompeuses" pour "tromper les commissaires aux comptes", selon l'arrêt consulté par l'AFP.

Les avocats des anciens dirigeants ont alors saisi la Cour de cassation pour faire annuler une nouvelle fois cette décision, arguant de motifs procéduraux en lien avec le secret de l'instruction et la présomption d'innocence. Mais la plus haute juridiction de l'ordre judiciaire a rejeté mardi leurs pourvois.

Les avocats en défense, contactés par l'AFP, n'ont pas souhaité réagir ou n'ont pas pu être joints.

Commentaires

Marc Diedisheim

Et si tout simplement les dirigeants de Areva avaient été floués au moment du rachat ? Bien cordialement.

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