Réforme d'EDF : le gouvernement englué face au double front syndicats-Commission européenne

  • AFP
  • parue le

Le gouvernement mène des discussions toujours difficiles avec les syndicats comme avec la Commission européenne sur l'avenir d'EDF, dont le projet de réorganisation traîne en longueur faute d'accord.

Ce projet au long cours aboutirait dans ses grandes lignes à la création de trois entités, avec une société mère publique qui conserverait notamment le nucléaire, et deux filiales pour les barrages d'un côté, les renouvelables et le réseau de distribution de l'autre. Si les discussions se poursuivent activement, elles n'ont pas encore débouché sur un accord avec Bruxelles malgré des progrès sur certains points.

"Le dossier n'avance pas à la vitesse souhaitée par EDF", estime une source proche de la Commission européenne, où les services de la commissaire Margrethe Vestager veillent au strict respect des règles de la concurrence. "On n'est pas proche d'un accord", juge cette source. Le PDG d'EDF, Jean-Bernard Lévy, a même qualifié jeudi les discussions d'"extrêmement difficiles".

« Ligne rouge »

Un point d'achoppement majeur reste le degré de relation entre les futures entités d'EDF. La Commission exige des "murailles de Chine" entre elles. Elle veut notamment éviter des "subventions croisées", par exemple qu'un coup de pouce au nucléaire bénéficie à d'autres activités d'EDF au détriment de ses concurrents.

Mais Paris insiste sur le fait que le groupe doit rester intégré, avec une stratégie unique et des flux financiers entre les différentes activités. Le ministre de l'Économie Bruno Le Maire, comme le PDG d'EDF, ont ainsi fait de l'unité d'EDF une "ligne rouge".

Une manière d'essayer de rassurer des syndicats farouchement opposés au projet de réorganisation, longtemps baptisé "Hercule" et assimilé à un démantèlement de l'entreprise.

Bruno Le Maire a mené une série de rencontres avec les syndicats mais sans jusqu'à présent parvenir à les convaincre. L'interfédérale syndicale énergie et mines CGT, CFE-CGC, CFDT et FO s'est ainsi dite mardi "davantage soudée pour s'opposer au projet Hercule". "La direction et le gouvernement essayent de trouver l'organisation qui pourra dévier demain et les suivre. Je connais ce jeu de déstabilisation. On ne tombe pas dans le piège", affirme Sébastien Menesplier, de la CGT.

« Détente du calendrier »

L'horloge tourne, car il faudrait près d'un an pour boucler une réforme qui doit passer devant le Parlement et risque d'entrer en collision avec le calendrier de la campagne présidentielle l'an prochain. "On est dans le money time", espère l'un des protagonistes, faisant référence aux dernières minutes décisives d'un match.

Après avoir espéré finaliser son projet fin 2020 puis au printemps, le gouvernement s'est posé une nouvelle échéance avant l'été. Un conseil des ministres devait même aborder le sujet le 19 mai, une date finalement abandonnée faute d'avancée, selon plusieurs sources. Et le projet pourrait encore prendre du retard: à l'issue d'une rencontre avec Bruno Le Maire, la CGT a rapporté "une détente du calendrier pour aller probablement, c'est une supposition, jusqu'à l'automne".

Du côté d'EDF comme du gouvernement français, on juge pourtant la réforme nécessaire pour mieux rémunérer la production nucléaire française, accélérer le développement dans les renouvelables, tout en réglant un vieux contentieux avec Bruxelles sur les barrages hydroélectriques.

Le groupe, détenu à près de 84% par l'État, est notamment contraint aujourd'hui de vendre une partie de son électricité nucléaire à un prix fixe et bon marché à ses concurrents. La réforme de ce mécanisme, qu'il considère comme injuste, s'inscrit dans le projet de réforme.

Jean-Bernard Lévy alerte régulièrement sur le risque pour EDF, par ailleurs lourdement endetté, d'être "relégué en deuxième division" face à ses concurrents européens. Mais sans certitude pour l'instant de trouver une solution rapide. "Rien ne permet de penser que les discussions pourront aboutir rapidement, rien ne permet non plus de penser qu'elles pourraient ne pas aboutir", a-t-il encore dit jeudi.

Commentaires

Schricke

Tant que Bruxelles sera sous la coupe des "verts" Allemands, dont le seul véritable objectif, idéologique' est de "tuer" le nucléaire, comme la plupart des "écolos" (entre guillemets !), on n'en sortira pas ! Les Allemands "foncent dans le mur" et voudraient bien que la France les accompagne dans cette "voie sans issue", à moins que l'on applique à la production électrique le principe du "quoi qu'il en coûte" ?...

Régis de Nimes

Ah bon, l'ARENH (dispositif permettant aux fournisseurs d'électricité concurrents d'EDF en France de racheter à l'électricien une partie de sa production nucléaire à tarif bas, c'est les "verts" allemands ou la droite française ? L’ARENH remonte à la loi NOME du 7 décembre 2010... On est Maastrichiens ou on ne l'est pas, mais on assume par la suite la cohérence de son vote aux élections.

jean-jacques Attia

Votre propos est peut-être juste, mais je ne le comprends pas. Que voulez-vous dire par "on est Maastichiens ou on ne l'est pas" ? De quelles élections parlez-vous ?

Régis de Nimes

Bonjour M. Attia.
Pardonnez mes raccourcis précédent pour éviter d'être trop long dans mes commentaires.
La construction de l'UE est une histoire de poker menteur et de grande hypocrisie. Depuis l'Acte Unique Européen en 1986 soutenu par la droite et la social démocratie (seul le PCF a voté contre à l'assemblée nationale), nous avons eu le traité de Maastricht en 1992, le TCE en 2005 puis le traité de Lisbonne en 2007.
Ces traités s'inscrivent dans "la concurrence libre et non faussée" , "la libre circulation des capitaux, des biens , des services et des marchandises" et une BCE monétariste qui se fout du chômage. Chômage qui est plus que souhaitable pour affaiblir la classe ouvrière dans son ensemble. On a ainsi – exprimé en termes marxistes – provoqué une crise du capitalisme qui a reconstitué l’armée de réserve industrielle, et qui a permis à partir de là aux capitalistes de réaliser des profits importants.
S'indigner de la casse de notre outil industriel comme le fait la droite et la social démocratie alors que dans la continuité de l'économiste D. Ricardo sur "les avantages comparatifs" , les traités européens justifient la destruction de nos monopôles publics (la poste-télécom-sncf-edf...), les traités européens justifient les délocalisations, la désindustrialisation sur fond de dumping social, fiscal et environnemental, il faut le faire !
Les traités européens réclament en effet l'unanimité des Etats sur "l'harmonisation sociale, fiscale..."
L'histoire de la France, c'est le Programme du Conseil National de la Résistance (CNR) rédigé dans la clandestinité en 1943 et toujours aussi moderne et ambitieux. Il est facile à trouver sur internet.
Le programme du CNR que les traités européens successifs détruisent méthodiquement, me confirme dans mes choix. Seul le rapport de forces politique, électoral, compte...
Cordialement.

Schricke

Je ne comprends pas votre commentaire ! Je n'ai jamais prétendu, en effet, que l'Europe était seule responsable du rejet systématique (et manifestement idéologique !) du nucléaire ! Mais je persiste à penser qu'elle en est le principal fossoyeur ! Vous évoquez le problème de l'ARENH, qui reste, bien entendu, un véritable scandale, et dont notre "bienveillante" droite porte en grande partie, en, effet, la responsabilité. (Il ne fallait pas "faire de peine" à ceux de leurs amis qui se goinfrent avec la "revente" des Kwh nucléaires achetés à vil prix à EDF, après avoir empoché les mirifiques "aides" publiques pour la production d'ENRi !). Mais, je persiste à penser qu'à Bruxelles, ce sont les "verts" (die Grûnen !) qui, avec l'aide de lobbys très puissants, et de certaines "ONG", très engagées dans "l'antinucléarisme primaire" (je pense, en particulier à "Greenpeace" !) reste la principale ennemie viscérale du nucléaire...
Me suis-je mieux fait comprendre ?
Cordialement.

Régis de Nimes.

Bonjour M. Schricke.

Je comprends votre commentaire. Je voudrais juste apporter une précision. Je n'aime le terme "l'Europe" qui d'après moi ne veut rien dire.
Je préfère utiliser les mots ( l'UE , la Commission européenne, le Parlement européen) qui représentent mieux des choix politiques, plutôt que la désignation d'un territoire ("l'Europe" - la Russie-les USA-la France- IDF- Occitanie etc...) D'ailleurs rien qu'un exemple, les "observateurs" parlent de la Russie de Poutine...

jean-jacques Attia

Monsieur Schricke, Monsieur Régis, il me semble qu'il y a un accord entre vous. Sur le fait de ne pas laisser qui que ce soit détruire ce qui reste d'EDF, de la production nucléaire et hydroélectrique. Et c'est cela qui compte. Que EELV, que LR et LREM, que le PS, que le RN ne rêvent que d'en finir avec les acquis sociaux de l'après guerre, dont l'existence d'EDF fait partie, comme la SNCF, la Poste, l'hôpital public, la Sécu, la retraite par répartition, ..., c'est manifeste depuis longtemps, il n'y a pas besoin de prendre des gants pour le dire. C'est sur la meilleure façon d'y parvenir qu'ils se distinguent. Quoi qu'ils affichent publiquement sur le nucléaire civil, ils sont unis dans l'entreprise de destruction d'EDF. Parce que tout ce qui se rapproche d'un monopole public limite les profits privés. Pour le PC, c'est plus compliqué : quel bilan tire-t-il de son passage au gouvernement du temps de Jospin, avec le camarade Gayssot ?

Régis de Nimes.

Monsieur Attia.
Nous sortons du sujet de l'article, mais je ne vais pas me dérober et je vais répondre à la question que vous posez.
En 1936, le Front Populaire avec un bon rapport de forces électoral et syndical a obtenu de belles victoires.
En 1945, le PCF premier parti de France et la CGT avec 5 millions d'adhérents, c'est le programme du CNR...
En 1972 c'est le programme commun; le PCF reste le premier parti à gauche. Voir le discours au congrés d'Epinay de F. Mitterrand en 1971.
En 1981 c'est le PS qui arrive en tête (majorité absolue). C'est la fin des équilibres PS/PCF... Le tournant de la rigueur (1983-1984) et le départ du PCF du gouvernement enterre l'union de la gauche.
En 1988/1993, le PS choisit l'ouverture au centre: Soisson-Rausch-Stirn- Stoléru etc... Pas d'union de la gauche.
En 1997, la "gauche plurielle" gagne les élections législatives. Le PS hégémonique, réalise des scores entre 25 et 30%; le PCF est en dessous de 10%.
Les électeurs en votant choisissent quel parti arrive en tête pour appliquer son programme; C'est cela la démocratie. Après à la marge, les "petits" peuvent espérer "tirer plus à gauche" dans le cadre d'un rapport de forces très défavorable: mouvement social, bataille parlementaire ?
En 2012 point d'union de la gauche; F. Hollande est élu...
Depuis 1936 comme vous pouvez le constater, toutes les configurations "stratégiques" ont été essayées. A vous de voir quand elles ont été les plus profitables au monde du travail.
L'histoire du PCF, c'est de toujours chercher le rassemblement à vocation majoritaire dans l'intérêt supérieur du pays :(compromis avec de Gaulle en 1945).
Ayant "la chance d'avoir des parents communistes", au soir du 10 mai 81, en voyant les résultats du 1er tour (PS hégémonique), mes parents nous ont annoncé : "le renoncement, c'est pour bientôt"...
Cordialement.

jean-jacques Attia

Bonsoir Monsieur Régis et merci de ne pas vous dérober, comme vous le dites. Il n'y a pas de sauveur suprême, nous serons sans doute d'accord là-dessus. La Vème république, c'est le sauveur suprême au dessus de tous les partis, le bonapartisme achevé, au service de la Bourse. Le coup d'Etat permanent contre le peuple et tous ses droits. Toutes les "configurations stratégiques", comme vous l'écrivez, ont été, et seront, d'avance prisonnières de cela. Tout au contraire, 1936, 1945, 1968 sont des mouvements de masse dans lesquels la question de la représentation politique et du pouvoir de ceux qui n'ont que leur travail pour vivre a été posée ; grande est la responsabilité de ceux qui les ont, à chaque fois, emprisonnés dans la seule perspective de s'accommoder du pouvoir de la classe capitaliste, des lois et des institutions qui assurent ce pouvoir. Ce n'est pas propre à notre époque. Que de temps et d'énergie perdus. Sauf que le prix à payer pour ces renoncements devient de plus en plus lourd. Nous ne sortons pas vraiment du sujet de l'éclatement d'EDF...
cordialement

Schricke

Bonjour, MM. Régis et Attia,
J'ai lu avec intérêt vos commentaires, qui font l'apologie du PCF, dont quelque chose me dit que vous ne devez pas en être très éloignés !... ( Je me trompe ?).
Mais reconnaissez que ces considérations très "politiques" nous écartent beaucoup, me semble-t-il, du sujet. Même si, bien entendu les grandes orientations en matière de gestion énergétique restent un sujet éminemment "politique" ! Et je reconnais volontiers qu'en la matière le PCF et la CGT sont toujours restés du "bon côté" en ce qui concerne, notamment le nucléaire ! Malheureusement, que vous le regrettiez ou non, aussi bien le PCF que la CGT ne représentent plus qu'une faible proportion de l'électorat Français, ce qui reste, malheureusement (ou non, c'est selon !...) incontestable !

François de Laubert

Déjà oublié le traumatisme de Fukushima ?

Schricke

Bonjour Mr François.
Merci de nous rappeler le nombre de victimes "spécifiques" de l'accident de Fukushima (c'est à dire, imputables aux seules irradiations nucléaires) ! Bien entendu, en excluant les nombreuses victimes du TSUNAMI, qui reste la véritable catastrophe, en fait !
En effet, pourriez vous me dire combien de victimes auraient été "économisées" si la centrale de Fukushima avait été (à puissance égale) une centrale thermique "classique" fonctionnant au charbon ou au fuel ? Des experts tout à fait "fréquentables" ont répondu "AUCUNE", à cette question !... ce qui n'élimine pas les fâcheuses conséquences de ce gravissime accident... En tous cas, c'est beaucoup moins que le nombre de morts provoqués par l'explosion d'une usine chimique à Toulouse, voici quelques années, dont plus personne (et surtout les "écolos") ne parle désormais !.
Qu'en pensez-vous ?

Ajouter un commentaire