Rénovation énergétique et construction bas carbone : des défis et des compromis

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À Paris, la rénovation d'un HLM ancien adapté aux nouvelles normes énergétiques et climatiques peut prendre cinq ans. Pour les particuliers, construire sa maison confine au casse-tête pour adapter matériaux et équipements au climat qui change. Dans les deux cas, une même question : comment faire et par où commencer ?

"Le bâtiment, la construction, l'urbanisme sont essentiels" pour freiner le réchauffement climatique, a rappelé mercredi le climatologue Jean Jouzel lors de l'inauguration du premier Salon de l'immobilier bas carbone (sibca) à Paris.

Après l'annonce cette semaine du gouvernement d'un budget de 2,2 milliards d'euros pour la rénovation des logements et des bâtiments publics dans le cadre de la planification écologique, l'ancien responsable du groupe d'experts climat de l'Onu (Giec) a espéré "ne pas être déçu une seconde fois". Car, a-t-il averti "la réalité c'est qu'on prend du retard".

Stanislas Pottier, qui préside l'association BBCA pour le développement du bâtiment bas carbone, le secteur de la construction explique la difficulté: "Nous sommes confrontés à une véritable révolution industrielle" pour "changer la façon dont on produit les produits qu'on utilise, les chaînes de valeur, jusqu'au mode de consommation".

Certains finissent par trouver des solutions en s'appuyant sur des valeurs sûres et sans vouloir tout révolutionner d'un coup. Comme l'architecte Philippe Roux, qui vient de livrer au début du mois un ensemble immobilier de 20 logements sociaux rue Meslay dans le IIIe arrondissement de Paris.

Toits en blanc

Mais la rénovation lourde de l'ensemble a pris deux ans et cinq ans au total depuis le dépôt du permis de construire. D'anciens ateliers et logements dans un bâtiment "faubourien" vieux de deux siècles au moins ont été mis aux normes d'isolation avec les meilleurs labels de performance énergétique et acoustique, obtenant le très prisé label HQE (7 étoiles), rarement accordé à un logement social.

"Nous avons opté pour une isolation intérieure de 10 centimètres de laine de roche pour préserver la qualité patrimoniale de la façade, et ses qualités hygrométriques ; il faut qu'elle respire", expliquait M. Roux à l'AFP lors d'une visite.

Recyclage et réemploi de matériaux étant encouragés pour faire baisser les émissions de CO2, beaucoup de vieux parquets ont été récupérés et réutilisés, ceux qui étaient le plus détériorés ayant servi sur les façades. Un micro-jardin a été aménagé dans la cour avec des espèces nécessitant peu d'eau.

Deux bémols cependant : le chauffage est au gaz, énergie fossile qui émet du CO2 et le toit respecte les codes parisiens, en zinc, qui accumule la chaleur en été. "L'isolation est tellement bien faite que la consommation sera très basse en hiver et le confort d'été suffisant", répond l'architecte. "En banlieue, on peint les toits en blanc pour faire baisser les températures, mais ce n'est pas possible ici" où les toits en zinc font partie du patrimoine, explique-t-il.

« Articuler les métiers »

"À Paris, les entreprises générales du bâtiment se mettent à la page des nouvelles techniques et des nouveaux matériaux" biosourcés ou économiques, "mais en région, il y a un vrai sujet sur la formation des artisans aux méthodes nouvelles" ajoute l'architecte.

"Il y a un retard énorme pour mettre à niveau les performances énergétiques des maisons individuelles", confirme Vincent Legrand, qui dirige l'entreprise Doremi, cabinet conseil sur les performances énergétiques durables des maisons individuelles, au sein de l'institut Negawatt.

"Toute la difficulté, c'est que vous appelez un plaquiste pour l'isolation, un menuisier pour changer les fenêtres, ou un plombier pour le toit et qu'il faut articuler les métiers entre eux sinon la rénovation n'est pas efficace et le bâtiment ne change pas de catégorie énergétique".

Les particuliers, assaillis de démarchages téléphoniques, peinent à s'y retrouver. Les cabinets du type Doremi parviennent à des rénovations énergétiques performantes surtout sur des maisons d'avant 1975, à des prix compétitifs. "C'est plus difficile à réaliser sur des maisons construites après 1990 qui étaient déjà isolées", admet M. Legrand.

Mais quoi qu'il en soit, "c'est un chantier gigantesque qui s'ouvre, il y a entre 8 et 10 millions de maisons construites entre 1975 et 1990 en France", relève-t-il.

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