- Connaissance des Énergies avec AFP
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« Si vous forez un puits et que vous exploitez l’IA et la numérisation, vous pouvez augmenter la productivité deux fois plus ». Devant les investisseurs réunis à la Future Investment Initiative (FII) ce 28 octobre, le patron de Saudi Aramco Amin Nasser a souligné l'impact de cette promesse technologique que constitue l’intelligence artificielle (IA) dans le secteur pétrolier.
« Doubler » un puits : ce que recouvre la promesse
De telles performances ne surgissent pas du hasard : elles supposent des données de qualité, des modèles entraînés sur des milliers de situations géologiques et une coordination fine sur le terrain.
Derrière la formule, il s’agit d’optimiser chaque geste : choisir l’orientation qui maximise le débit, ajuster en temps réel la pression et les débits d’injection, repérer plus tôt les « zones riches » pour éviter les segments stériles. Sur un gisement mature, l’IA peut aussi accélérer la récupération de barils restés coincés, là où la statistique seule atteignait ses limites.
Où l’IA change déjà la donne
Aramco met en avant les gains sur l’exploration, avec une imagerie plus fine et des interprétations sismiques accélérées. Sur l’exploitation, la priorité soulève aussi un enjeu climatique : traquer les fuites, notamment de méthane, et anticiper la corrosion pour éviter les arrêts non planifiés. Les approches les plus efficaces combinent aujourd’hui capteurs au sol, drones, avion et satellites, l’IA orchestrant l’ensemble pour isoler les anomalies significatives.
Cette surveillance multi-échelles permet d’intervenir vite sur les gros émetteurs, ceux qui pèsent inutilement sur le bilan carbone et la rentabilité. L’Agence internationale de l’énergie (AIE) rappelle que les outils progressent, mais que la complémentarité des méthodes reste essentielle pour couvrir les environnements difficiles, en mer comme en zones nuageuses. L’algorithme seul ne suffit naturellement pas : il faut des équipes, des protocoles et des pièces de rechange disponibles.
Pourquoi l’IA s’impose au cœur de la FII
Si le message résonne fort à Riyad, c’est que l’édition 2025 de la FII consacre de larges sessions à l’IA et à la robotique : productivité, chaînes de valeur et impacts environnementaux sont explicitement au programme de l'événement. La rencontre, placée sous le thème « The Key to Prosperity », sert de vitrine aux stratégies saoudiennes de diversification et aux projets numériques à grande échelle.
L’Arabie saoudite affiche ainsi des ambitions d’infrastructures numériques et de centres de données, avec l’idée qu’un socle computing puissant tirera l’innovation industrielle et les services d’IA générative. Pour un géant pétrolier, l’enjeu est double : automatiser mieux et améliorer l’efficacité carbone de chaque baril produit.
Des milliards d'euros dans le numérique
Amin Nasser indique qu’Aramco a investi « des dizaines de milliards de dollars » dans l’informatique et recruté des milliers de scientifiques pour ses centres de données.
Ces moyens nourrissent des programmes maison : d’usines « 4.0 » à la maintenance prédictive à grande échelle. Plusieurs sites industriels d’Aramco ont d’ailleurs été distingués par le World Economic Forum pour leur adoption des technologies de la « quatrième révolution industrielle », signe qu’une partie de ces investissements est déjà déployée sur le terrain. Le numérique n’est plus un pilote : il infuse la production.
Un pari fossile dans un mouvement d'électrification bas carbone
Le PDG d’Aramco assume sa vision du système énergétique : « le pétrole et le gaz continueront à constituer une partie significative du mix énergétique pendant des décennies, cela ne va pas changer ». Ce message arrive alors qu’un jalon vient d’être franchi : pour la première fois, l’éolien et le solaire ont produit plus d’électricité que le charbon au premier semestre 2025, selon le think tank Ember. Cette bascule, tirée par l’Asie, montre que la dynamique est bien engagée côté électricité, même si elle reste contrastée selon les régions.
Dit autrement : l’IA peut rendre plus sobres des opérations pétrolières qui, selon Aramco, resteront nécessaires, tandis que le mix électrique mondial accélère vers les renouvelables. C’est dans ce frottement que se joue la décennie : des barils produits avec moins d’émissions, et des kilowattheures de plus en plus décarbonés.