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Bruxelles a mis en garde mercredi Washington contre d'éventuelles représailles après l'adoption par le Congrès américain de nouvelles sanctions contre la Russie, craignant qu'elles ne pénalisent les entreprises énergétiques européennes et divisent davantage l'Occident.
De son côté, le Kremlin a choisi de temporiser, soulignant qu'il s'agissait pour l'instant d'un projet de loi.
Au cas où la loi serait adoptée par le Sénat américain, "le chef d'Etat, Vladimir Poutine, prendra la décision" d'une éventuelle riposte russe, a précisé le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov. Le vote du Sénat doit probablement avoir lieu à la mi-août.
Pour les 28 pays de l'Union européenne, la proposition de loi américaine risque d'avoir des conséquences désastreuses.
Par conséquent, la Commission européenne "a conclu aujourd'hui que si ses inquiétudes nétaient pas suffisamment prises en compte, elle était prête à agir de façon appropriée en l'espace de quelques jours", a averti son président Jean-Claude Juncker dans un communiqué.
Les sanctions américaines pourraient en effet menacer l'une des priorités de la présidence de M. Juncker, à savoir une politique visant à garantir l'approvisionnement énergétique de l'Union européenne (UE).
La nouvelle loi donnerait au président Donald Trump la possibilité de sanctionner les entreprises qui travaillent sur des pipelines venant de Russie, en limitant par exemple leur accès aux banques américaines ou en les excluant des marchés publics aux Etats-Unis.
« Illicite »
Cette disposition pourrait en théorie pénaliser à terme les groupes européens partenaires du projet de gazoduc Nord Stream 2 entre la Russie et l'Allemagne via la Baltique: le français Engie, les allemands Uniper (ex-EON) et Wintershall (BASF), l'autrichien OMV et l'anglo-néerlandais Shell.
Jusqu'à présent, selon la ligne rouge fixée par Washington et Bruxelles, les sanctions ne devaient pas affecter pas l'approvisionnement en gaz de l'Europe.
Les sanctions américaines auront une conséquence "illicite" car elles risquent de toucher des entreprises européennes, a regretté la diplomatie française.
Mario Mehren, PDG de Wintershall, filiale énergétique de l'allemand BASF, s'est emporté: "Les sanctions ne doivent pas être utilisées comme un élément visant à promouvoir ses propres intérêts économiques, par exemple pour vendre du gaz liquéfié américain".
"Il semble que la géo-économie introduit désormais ses règles de jeu, et nous autres sociétés dont les intérêts et les projets sont concernés ne servons que de balle de ping-pong dans ce jeu", a protesté M. Mehren.
A Berlin, le porte-parole du ministère allemand des Affaires étrangères Martin Schäfer a toutefois tenté de calmer le jeu.
Il a estimé que malgré tout "la version adoptée du texte s'était nettement améliorée", soulignant que sur plusieurs points, il était maintenant mentionné que le président Trump devait consulter ses partenaires européens, notamment sur la question cruciale de l'approvisionnement énergétique de l'Europe par la Russie.
« Unilatéral »
Outre les éventuelles conséquences désastreuses sur l'énergie européenne, l'UE dénonce un acte "unilatéral" qui rompt avec la tradition de concertation entre Washington et Bruxelles sur les sanctions à l'encontre la Russie, dont les secteurs financier et de la défense ont été ciblés depuis trois ans.
Le vote du Congrès fissure ainsi l'unité affichée entre les Etats-Unis et l'Union européenne face à Moscou depuis l'annexion de la Crimée en 2014, suivie d'une guerre qui a fait plus de 10 000 morts dans l'est de l'Ukraine.
La Commission européenne s'est alarmée des "conséquences politiques négatives possibles", rappelant l'importance de coordonner la politique de sanctions entre tous les pays du G7.
Voté mardi à la quasi-unanimité par la chambre basse du Congrès américain, le projet de loi inclut des sanctions non seulement contre la Russie mais aussi contre l'Iran, notamment contre les Gardiens de la révolution accusés de soutenir le terrorisme, et contre la Corée du Nord, pour ses tirs de missiles.
L'Iran a dénoncé cette "mesure hostile", qui pourrait influencer négativement l'application de l'accord sur le nucléaire iranien conclu en juillet 2015, selon le ministre adjoint aux Affaires étrangères iranien Abbas Araghchi cité par l'agence de presse iranienne ISNA.
Les parlementaires américains, forçant la main du président Trump au moment où il veut la tendre à son homologue russe Vladimir Poutine, ont voulu en premier lieu infliger des représailles à la Russie après une campagne de désinformation et de piratage attribuée à Moscou durant l'élection présidentielle américaine de l'an dernier.