"Souveraineté énergétique": le plan de la France pour sortir des énergies fossiles

  • AFP
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Consécration du nucléaire, nouvelle régulation des prix de l'électricité, protection renforcée des consommateurs: comment la France envisage-t-elle sa feuille de route énergétique jusqu'en 2050? Le point sur un projet de loi décrié.

Ce texte "relatif à la souveraineté énergétique" vise à "mettre en oeuvre la stratégie française pour l'énergie et le climat, pour répondre à l'urgence écologique et climatique, tout en renforçant la souveraineté énergétique de notre pays", selon l'exposé des motifs du projet.

- Objectifs pas engageants -

C'est sans doute le point le plus critiqué.

Le projet de loi consacre la volonté de la France de devenir "le premier grand Etat à sortir des énergies fossiles" au moyen d'objectifs "réhaussés".

Il s'agit de baisser les émissions de gaz à effet de serre brutes de 50% d'ici à 2030 par rapport à 1990, en excluant les puits de carbone (comme les sols ou les forêts). L'objectif est aussi de diminuer la consommation primaire d'énergies fossiles de 45% en 2030 et de 60% en 2035 par rapport à 2012 (contre 40% en 2030 selon les précédents objectifs français).

Autre but: baisser la consommation finale d'énergie de 30% en 2030 (contre 20% dans les textes actuels).

Problème: la formulation engage à faire des efforts, pas à atteindre ces objectifs. Exit celui de "réduire" émissions et consommation, il s'agit désormais de "tendre vers une réduction".

"C'est un recul extrêmement important, et totalement incohérent avec les objectifs européens", estime la responsable transition énergétique du Réseau action climat, Anne Bringault: "Même si les objectifs sont rehaussés, on n'a plus un engagement aussi fort de les tenir".

Selon Arnaud Gossement, avocat spécialisé en environnement, cette formulation est de nature à éventuellement décourager toute action juridique sur la responsabilité climatique de l'Etat.

- Rôle assumé du nucléaire -

Pour résoudre son équation énergétique, le gouvernement se fixe des objectifs de production, et d'économies issues de la sobriété et de l'efficacité énergétiques.

En matière d'électricité, le texte consacre "le choix durable du recours à l'énergie nucléaire en tant que scénario d'approvisionnement compétitif et décarboné". L'objectif est de maintenir une puissance installée d'au moins 63 GW et d'atteindre une disponibilité de 75% du parc à partir de 2030.

Il vise en outre de nouveaux réacteurs, avec "l'objectif qu'au moins 9,9 GW de nouvelles capacités soient engagées d'ici 2026" et des constructions supplémentaires pour 13 GW au-delà de cette échéance.

En revanche, il supprime les objectifs chiffrés de développement des énergies renouvelables, jusqu'ici inscrits dans le Code de l'énergie. Ils sont attendus dans un décret d'ici juin.

En outre, ont disparu des objectifs d'économies d'énergie précédemment actés comme la rénovation énergétique des bâtiments à horizon 2050.

- Mieux protéger le consommateur -

Il s'agit de "tirer les leçons de la crise" énergétique "qui a exposé ménages comme entreprises à des régularisations (de factures) et des prix très élevés".

L'objectif du texte, selon l'exposé des motifs, est d'"apporter de plus grandes garanties aux consommateurs" face aux fournisseurs d'énergie dont les pratiques ont été épinglées au plus fort de la crise en 2022. Le texte prévoit que les fournisseurs devront respecter des délais minimums pour prévenir les consommateurs en cas de modification des conditions contractuelles ou des modalités de détermination du prix.

L'avant-projet de loi "fixe des exigences rehaussées, pour lutter contre un certain nombre de pratiques commerciales agressives et donner davantage de moyens aux autorités chargées de la surveillance des marchés de l'énergie".

- Repenser la régulation du prix de l'électricité -

Le texte pose les bases de la nouvelle régulation du marché de l'électricité à compter du 1er janvier 2026, à l'expiration du mécanisme actuel. Objectif: contribuer à "la stabilité des prix".

Il entérine les termes de l'accord conclu entre le gouvernement et EDF qui a fixé un prix de référence de l'électricité nucléaire vendue par l'opérateur historique à 70 euros le mégawattheure à partir de 2026. Au-delà, les revenus excédentaires engrangés par l'électricien en cas de hausse des cours sur les marchés seront reversés en partie aux consommateurs.

- Libérer l'énergie des barrages -

Il s'agit de "préparer le redéploiement des capacités hydroélectriques en mettant en conformité au droit européen le régime (juridique) des installations hydroélectriques afin de libérer les investissements dans ces ouvrages", explique-t-on au ministère.

Aujourd'hui, ces investissements sont bloqués en raison d'un contentieux ancien avec Bruxelles.

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