Sûreté du nucléaire : le gouvernement mis en échec à l'Assemblée nationale, sursis pour l'IRSN

  • AFP
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Revers pour le gouvernement: l'Assemblée nationale a rejeté mercredi en première lecture la réforme controversée de la sûreté nucléaire, quelques voix de la majorité rejoignant la gauche pour s'opposer au "démantèlement" de l'Institut dédié à la sûreté (IRSN).

L'exécutif voudrait fondre l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), expert technique, au sein de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), le gendarme des centrales.

Mais les députés ont approuvé à main levée un amendement de Benjamin Saint-Huile, du groupe indépendant Liot, pour préserver une "organisation duale" entre l'Institut et l'Autorité de sûreté, détricotant l'ensemble de cet article sensible du projet de loi de relance du nucléaire.

Le sujet n'est toutefois pas clos. Le gouvernement peut encore recourir à une deuxième délibération.

Et les débats sur le reste du projet de loi ont été prolongés jusqu'à vendredi soir au Palais Bourbon, avant un vote solennel le mardi 21 mars, a décidé dans la soirée la conférence des présidents, qui rassemble les chefs des groupes politiques et les principaux responsables de l'Assemblée.

La navette parlementaire se poursuivra ensuite.

"Nous avons proposé au Sénat, compte tenu de l'importance du sujet, d'avoir une deuxième lecture", a ainsi prévenu la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher.

Les salariés de l'IRSN sont prudents. "Je suis très content, mais je me méfie de ma joie car ce n'est pas encore gagné. Le gouvernement doit entendre ce rejet", souligne François Jeffroy, représentant de l'intersyndicale.

Lundi, lors d'une troisième journée de grève, des centaines de salariés de l'IRSN avaient défilé près de l'Assemblée, avec des slogans comme "IRSN démantelé, sûreté nucléaire bradée".

« Précipitation »

Dans l'hémicycle, la gauche a protesté contre la "précipitation" d'une réforme "à la hussarde", une "proposition dangereuse" selon l'écologiste et ancienne ministre Delphine Batho.

C'est un "démantèlement en règle. Nous avons besoin de cette indépendance de la recherche, au sein de l'IRSN", a insisté l'Insoumise Aurélie Trouvé.

Quelques voix de la majorité, dont l'ancienne ministre Barbara Pompili (Renaissance), sont aussi montées au créneau.

"Sans aucune étude d'impact", "c'est une folie de nous balancer ça comme ça", a-t-elle lancé. "Je suis choquée".

Agnès Pannier-Runacher lui a directement répondu en la tutoyant: "tu sais parfaitement que cette réforme et cette interrogation étaient engagées déjà il y a quelques mois".

Et "il n'y a aucun changement, à aucun moment, d'aucune ligne de nos procédures de sûreté nucléaire", a-t-elle martelé.

La rapporteure macroniste Maud Bregeon a aussi souligné qu'après l'éventuelle fusion, "la décision et l'expertise au sein de l'ASN continueront à être disjointes exactement comme elles le sont aujourd'hui".

Le MoDem, divisé sur le sujet, voulait proposer un amendement de compromis avec un comité de suivi parlementaire de la réforme.

Les LR, "un peu surpris sur la forme", regardent plutôt la fusion d'un bon oeil, "gage d'efficacité" pour "fluidifier les procédures", selon le député Jérôme Nury. "Le ciel ne va pas s'abattre sur la sûreté nucléaire", rassure-t-il.

"Pas opposé par principe", le RN avait mentionné une abstention en estimant le sujet "pas abouti".

La disparition de l'IRSN a été décidée pendant un "conseil de politique nucléaire" autour d'Emmanuel Macron le 3 février. Elle a été annoncée le 8 février puis introduite par un simple amendement adopté en commission à l'Assemblée.

Objectif: "fluidifier les processus d'examen et prises de décision de l'ASN pour répondre au volume croissant d'activités lié à la relance de la filière", avec les six nouveaux réacteurs EPR que le gouvernement veut bâtir à l'horizon 2035.

Cette fusion ne figurait pas dans le texte, lors de la large adoption au Sénat du projet de loi de relance du nucléaire fin janvier.

Ce système dual ASN/IRSN a été créé au début des années 2000. A l'IRSN et ses 1.800 ingénieurs, médecins, géologues..., l'expertise et la recherche sur la sûreté. A l'ASN et ses 500 agents, la décision, nourrie des expertises de l'IRSN, par exemple quand un défaut est constaté sur une centrale ou qu'un site doit être autorisé.

Commentaires

Red1

Et hop, un 49.3 et tout sera réglé.

Daphné

Pourquoi le gouvernement s'acharne-t-il à faire des réformes qui poussent à la contestation? Quand ce n'est pas du saucissonnage d'entreprises publiques c'est la fusion de deux institutions publiques? Pour démanteler plus facilement par la suite?
Et puis" fluidifier le processus d'examen et de décision" de l'ASN n'est justement pas une bonne chose . L'ASN évoluera seule et sera plus sensible aux pressions économiques et politiques . C'est ce que veut dire "fluidifier". La sureté nucléaire indépendante fut la raison de l'institution bicéphale ASN et IRSN.Les deux se complètent et ont chacune leur rôle. Quant au prcessus de décision il doit suivre son cours en fonction des données techniques. Et si l'IRSN continue d'EXISTER intégrée dans l'ASN pourquoi les fusionner? Il suffit de baliser clairement les freins bureaucratiques inévitables dans nos institutions sans tout chambouler! Ce n'est pas le moment surtout quand le gouvernement retourne sa veste en faveur du nucléaire. On voit à quel point les décisions du gouvernement sont conjoncturelles émotives et peuvent être irrationnelles malgré une pléthore de conseillers. Et si la fusion était sur le bureau il y a longtemps ce n'est pas une bonne chose que de l'y maintenir et ne pas l'avoir mise dans un tiroir comme bien d'autres choses plus utiles.

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