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Le projet de réforme de la sûreté nucléaire fait son retour par la grande porte, mercredi en Conseil des ministres, une réforme contestée qui vise à "fluidifier" les décisions alors que la France est engagée dans un vaste programme de relance du nucléaire civil.
Au même moment, les salariés de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) sont appelés à se mettre en grève, et certains ont manifesté non loin de l'Elysée.
Le gouvernement, après avoir tenté de faire passer sa réforme dans un amendement législatif, retoqué en mai, la remet sur le métier, cette fois sous la forme d'un projet de loi qui arrivera au Sénat le 7 février avant un premier vote six jours plus tard.
Mesure principale, la fusion de l'IRSN, la "police scientifique" du secteur, avec l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), le gendarme des centrales, deux entités nées dans les années 2000 des leçons de la catastrophe de Tchernobyl.
"Cette évolution permettra de répondre aux attentes en termes de délais et d'efficacité des processus d'expertise, d'instruction, d'autorisation et de contrôle", explique l'exposé des motifs de l'avant-projet.
Cette grande "Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection" (ASNR) devra être créée au 1er janvier 2025, ajoute le gouvernement, qui porte un programme de six nouveaux réacteurs EPR - Emmanuel Macron ayant promis d'en annoncer huit autres "dans les prochains mois".
Si les conditions salariales des agents de l'IRSN seront améliorées et la recherche maintenue au sein de la future organisation, l'intersyndicale de l'IRSN (CFDT, CGT, CFE-CGC) reste vent debout, tout comme les associations écologistes, des organisations de consommateurs ou encore de riverains des centrales.
Le projet a aussi été fraîchement accueilli par la plupart des organes consultatifs auxquels il a été soumis.
« Plus de temps »
Au cœur de la controverse: le sort de l'indépendance des experts et de la transparence à l'égard du public, avec la crainte notamment que les expertises de l'IRSN ne soient plus publiées en amont des décisions.
Mercredi matin environ 250 salariés de l'IRSN, selon un journaliste de l'AFP, ont défilé à Paris, de la place Blanche vers la place Saint-Augustin, non loin de l'Elysée où le texte devait être présenté.
"La transparence, c'est la confiance, l'opacité c'est la défiance", ont-ils scandé.
"On demande un peu plus de temps pour que les choses soient mieux organisées et moins faites dans l'urgence", a expliqué Nadia Rahni, experte sûreté depuis vingt ans à l'IRSN, pour qui, devant "toutes les questions qu'on lui a posées, la ministre (de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher, ndlr) a botté en touche": "On n'a pas de réponses", notamment en terme de justifications, a-t-elle déploré.
Sous couvert de fluidifier, "on coupe l'IRSN" en morceaux, a ajouté Jean-Jacques Ingremeau, expert sûreté depuis huit ans, qui s'alarme du départ des départements sécurité et propulsion nucléaire.
"Ca va coûter des millions, pour démanteler une entité qui fonctionne, et créer trois entités qui fonctionneront peut-être dans six ans", estime Nevena Lattil-Querrec, de la CGT. "On en appelle à la Première ministre, pour écouter toutes les alertes, de l'intersyndicale, des académiciens, des comités consultatifs... On demande du temps pour les groupes de travail mis en place à l'ASN et l'IRSN."
Les détracteurs du projet sont d'autant plus inquiets que celui-ci a émergé dans des conditions particulières, sans diagnostic préalable sur le fonctionnement du système. Et s'il parle désormais de fusion, il s'agissait alors de démanteler l'IRSN.
Avant d'être examiné mercredi à l'Elysée, le sort de l'Institut y avait été scellé le 3 février lors d'un conseil de politique nucléaire à huis clos. Son personnel en avait été informé trois jours après, puis le public via un communiqué de presse du ministère de la Transition énergétique.