Ukraine: inondations et évacuations après une attaque sur un barrage

  • AFP
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Une attaque sur un barrage dans le Sud de l'Ukraine, dont Moscou et Kiev se rejettent la responsabilité, a provoqué mardi des inondations et des évacuations d'habitants dans les zones alentour, occupées par la Russie, suscitant un tollé international.

Elle a également causé de nouvelles inquiétudes pour la centrale nucléaire de Zaporijjia, située à 150 km en amont du barrage hydroélectrique de Kakhovka, construit le long du Dniepr dans la région de Kherson et qui assure son refroidissement.

Il n'y a "pas de danger nucléaire immédiat", a assuré l'Agence internationale pour l'énergie atomique (AIEA), soulignant que ses experts à la centrale de Zaporijjia surveillaient la situation.

La centrale comme le barrage se trouvent dans des zones occupées par les forces russes après l'invasion lancée fin février 2022.

"L'inondation est juste devant nos yeux. Personne ne sait ce qui peut se passer désormais. Un bon Russe est un Russe mort, je ne peux rien dire de plus", lâche à l'AFP Viktor, un habitant de Kherson.

"Ces porcs (surnoms injurieux donné aux Russes, ndlr.) doivent fuir plus vite, ils doivent être chassés! Ce n'est pas une vie ça! Ici ils tirent, et là ils inondent!", Lioudmila, une autre habitante.

L'Ukraine a accusé la Russie d'avoir "fait sauter" le barrage pour "freiner" son offensive.

Cette attaque contre l'une des plus grandes infrastructures de ce type en Ukraine intervient au lendemain de l'affirmation par l'Ukraine qu'elle avait gagné du terrain près de Bakhmout (Est), tout en relativisant l'ampleur des "actions offensives" menées ailleurs sur le front.

La Russie affirme repousser ces attaques d'envergure. Les autorités ukrainiennes disent préparer depuis des mois une vaste contre-offensive destinée à obliger les troupes russes à se retirer des zones qu'elles occupent.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a réuni son conseil de sécurité et le chef de l'administration présidentielle ukrainienne, Andriï Iermak, a accusé Moscou de "crime de guerre".

- Inondations -

Le Kremlin, lui, a dénoncé un acte de "sabotage délibéré" de Kiev et rejeté "fermement" les accusations ukrainiennes.

Les autorités locales installées en Ukraine par Moscou avaient auparavant incriminé "de multiples frappes" ukrainiennes sur le barrage selon elles partiellement détruit.

La ville de Nova Kakhovka, où se trouve le barrage, "est inondée", selon son maire Vladimir Leontiev. Il avait auparavant assuré: "le barrage n'est pas détruit et c'est un bonheur immense".

Selon le Premier ministre ukrainien Denys Chmygal, jusqu'à 80 localités sont menacées par l'inondation et "des mesures d'évacuation sont en cours" par train vers Mykolaiv. Elles s'effectuent sous les bombardements continus de l'artillerie russe qui ont blessé deux policiers, selon le ministre de l'Intérieur Igor Klymenko.

Selon les autorités locales installées par Moscou, l'eau est montée à un niveau d'entre 2 et 4 mètres. Cela "ne ne menace pas les grandes localités" en contrebas, a déclaré sur Telegram Andreï Alekseïenko, chef du gouvernement de la région de Kherson.

Au total, les "territoires côtiers" de 14 localités où résident "plus de 22.000 personnes" sont menacés d'une inondation, a-t-il précisé, assurant: "la situation est entièrement sous contrôle".

Kiev estime que le danger de catastrophe nucléaire "augmente rapidement" à la centrale. Moscou assure que la centrale, située sur les rives du Dniepr mais plus haut que le barrage attaqué, n'est pas menacée.

L'exploitant ukrainien du barrage, Ukrgidroenergo, a estimé que le réservoir "devrait être opérationnel durant les quatre prochains jours" mais son niveau décroît rapidement, menaçant le système de sécurité de la centrale.

Le directeur de la centrale, Iouri Tchernitchouk, installé par l'occupation russe, a assuré qu'"à l'heure actuelle il n'y a pas de menace" pour la sécurité de l'installation.

- "Crime de guerre" -

La Russie devra rendre des comptes pour ce "crime de guerre" que constitue la destruction d'une infrastructure civile, a affirmé le chef du Conseil européen Charles Michel.

Le secrétaire général de l'Otan Jens Stoltenberg s'est dit scandalisé par l'attaque qui "démontre une fois de plus la brutalité de la guerre menée par la Russie". Il a évoqué un "acte scandaleux" qui "met en danger des milliers de civils et cause de graves dommages à l'environnement".

Pour le chancelier allemand Olaf Scholz, qui a parlé d'un dynamitage, l'attaque donne une "nouvelle dimension" à la guerre menée par la Russie.

Le Royaume-Uni a souligné par la voix du chef de sa diplomatie James Cleverly que "l'attaque intentionnelle d'infrastructures exclusivement civiles est un crime de guerre".

L'Ukraine a qualifié la Russie d'"Etat terroriste" devant la Cour internationale de justice, où les deux pays présentent cette semaineleurs arguments dans une affaire dans laquelle Kiev accuse Moscou d'avoir soutenu pendant des années les rebelles séparatistes dans l'Est ukrainien depuis 2014.

L'attaque sur le barrage a "provoqué d'importantes évacuations civiles et de graves dommages écologiques", a déclaré le représentant ukrainien Anton Korynevych devant la plus haute juridiction de l'ONU. "Les actions de la Russie sont les actions d'un Etat terroriste, un agresseur".

A Kiev, le chef de l'administration présidentielle ukrainienne, Andriï Iermak, a dénoncé un "crime de guerre" et demandé au monde de réagir face au "terrorisme" et à "l'écocide" russes en Ukraine.

Outre le risque nucléaire, les responsables ukrainiens ont mis en garde contre un risque environnemental après le déversement dans le Dniepr de 150 tonnes d'huile moteur, selon eux, avec un risque de nouvelles fuite.

Le barrage de Kakhovka, pris dès le début de l'offensive russe en Ukraine, permet notamment d'alimenter en eau la péninsule de Crimée, annexée en 2014 par Moscou.

Aménagé sur le fleuve Dniepr dans les années 1950, pendant la période soviétique, l'ouvrage est construit en partie en béton et en terre.

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