À un mois de la COP28, d'âpres négociations aux Émirats arabes unis pour sauver un accord

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La concrétisation d'un fonds pour compenser les dégâts climatiques, revendication incontournable des pays en développement, s'impose à Abou Dhabi comme la question la plus urgente à résoudre d'ici la COP28, avant l'âpre débat attendu sur la fin des énergies fossiles.

Dans les couloirs feutrés de l'Emirates Palace, fastueux complexe hôtelier en bord de mer, quelque 70 ministres sont réunis jusqu'à mardi soir pour un savant ballet diplomatique à huis clos.

Objectif? Dénouer les négociations, à quatre semaines de la COP28 de Dubaï, la plus importante depuis l'accord de Paris, prévue du 30 novembre au 12 décembre.

La conférence doit établir le premier bilan officiel des efforts de l'humanité pour respecter l'accord de 2015 et son ambition de limiter le réchauffement climatique "si possible à 1,5°C" depuis l'ère pré-industrielle.

Pour la première fois, 2023 flirte avec cette limite et le climat mondial, sur plusieurs années, est considéré comme déjà réchauffé d'environ 1,2°C, avec son cortège de catastrophes.

Ces derniers mois, le débat sur la fin des énergies fossiles, moteur essentiel du réchauffement, s'est imposé comme jamais dans les négociations onusiennes. Depuis 30 ans, elles n'ont abouti qu'à un objectif de réduction du charbon à la COP26, sans jamais se prononcer sur le pétrole et le gaz.

Mais le vif débat attendu entre pays producteurs, pays émergents dépendant des hydrocarbures, économies riches toujours grandes consommatrices et états insulaires menacés par la montée des eaux, est temporairement au second plan.

« Nœud principal »

"Le noeud principal pour le moment, est clairement du côté du fonds +pertes et dommages+", résume la ministre française de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher.

Ce fonds, dont l'adoption sur le principe a été considéré comme le résultat majeur de la COP27, reste à créer: quel fonctionnement, qui le finance, qui en bénéficie? Rien n'est tranché, alors que les pays en développement exigent sa mise en oeuvre dès la COP28.

Le dernier cycle de négociations s'est conclu mi-octobre en Egypte sur un échec. Un ultime rendez-vous a été organisé à Abou Dhabi du 3 au 5 novembre.

"On était à un 1 ou 2 jours d'un accord", relativise un négociateur européen, confiant. Parmi les blocages, "les Etats-Unis ne veulent pas mettre un centime si la Chine est un potentiel bénéficiaire", autrement dit si le fonds n'est pas réservé aux pays vulnérables, explique-t-il.

Des pays dénoncent la volonté des Occidentaux d'établir le fonds, même temporairement, au sein de la Banque mondiale, qui "n'est pas adaptée aux questions de développement", a rappelé Michai Robertson, un négociateur de l'Alliance des petits Etats insulaires (AOSIS).

"Les Saoudiens ne veulent aucune formulation qui élargirait la liste des donateurs au-delà des pays développés", ajoute son homologue européen.

Même si ces divergences sont surmontées d'ici la COP28, nul ne sait quel montant pourra être levé auprès des pays riches, qui peinent déjà à honorer leur promesse de fournir 100 milliards de dollars de finance climat par an.

« Opinions bien arrêtées »

La transition et l'adaptation en nécessitent pourtant des milliers de milliards, mais "la finance publique est le levier qui va débloquer la finance privée", rappelle constamment Harjeet Sing de l'ONG Climate Action Network.

Le fonds sur les pertes et dommages "est basé sur le volontariat (...) ce n'est pas un dû", défend la ministre française, chargée avec son homologue du Bangladesh Shahab Uddin de présider la séance organisée mardi pour dégripper le dossier.

Pour Mme Pannier-Runacher, un accord doit être vite trouvé pour éviter que ce dossier symbolique ne devienne "peut-être un prétexte pour ne pas aborder les discussions qui fâchent", en premier la réduction des gaz à effet de serre.

"Je sais qu'il y a des opinions bien arrêtées sur l'idée d'inclure une formulation sur les combustibles fossiles et les énergies renouvelables" dans l'accord final de la COP28, s'est contenté de déclarer lundi son futur président, Sultan Al Jaber, appelant les pays à trouver "un terrain d'entente".

Sultan Al Jaber, également patron de la compagnie pétrolière émiratie Adnoc, a mis de côté sa formule habituelle sur la réduction "inévitable" des fossiles.

"C'est trop tôt, cela bloquerait les négociations", souffle un membre de son entourage, alors que dans les couloirs de l'Emirates Palace les discussions vont bon train sur les réticences des pays du Golfe, Arabie saoudite en tête.

Sans être encore acquis, l'objectif de tripler les capacités des énergies renouvelables d'ici 2030 (pour atteindre 11 terawatts) semble en meilleur voie.

"Si vous acceptez les 11 TW, vous avez acceptez de réduire les émissions des énergies fossiles", a déclaré lundi Francesco La Camera, directeur général de l'Agence internationale pour les renouvelables (Irena), confiant malgré les inquiétudes sur l'explosion de la demande énergétique.

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