« Alerte rouge » sur les livraisons de gaz russe à l’UE

parue le
Place Rouge à Moscou

Architecture russe. (©Pixabay)

Les incertitudes sur les futures livraisons de gaz russe à l’Union européenne constituent « une alerte rouge » pour les États membres, met en garde Fatih Birol, directeur exécutif de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) dans une analyse publiée ce 18 juillet(1).

Arrêt de Nord Stream pour maintenance

Dans son « commentaire », Fatih Birol rappelle les différentes alertes émises dans le passé par l’AIE sur les risques concernant les livraisons de gaz russe : en septembre 2021 déjà, soit 5 mois avant le début de l’invasion russe de l’Ukraine, l’AIE déplorait que la Russie « empêchait une quantité importante de gaz d'atteindre l'Europe ». Fin février 2022, après l’invasion, l’AIE avait publié un Plan de 10 points visant à réduire la dépendance européenne au gaz russe (avec l’ambition de réduire de 30% en un an les importations européennes de gaz russe).

Le directeur exécutif de l’AIE constate depuis des « progrès, notamment en matière de diversification des approvisionnements en gaz mais pas suffisamment, notamment du côté de la demande, pour éviter que l'Europe ne se retrouve aujourd'hui dans une situation incroyablement précaire ».

Pour rappel, « les flux ont été interrompus via Nord Stream, le plus grand gazoduc entre la Russie et l'Europe, pour ce que la Russie dit être une maintenance planifiée qui doit se terminer le 21 juillet ». Une incertitude majeure porte sur la reprise des livraisons après cette date et sur les quantités de gaz livré.

Évolution des livraisons de gaz russe à l'Union européenne

Agir immédiatement sur la demande

Même si les livraisons de gaz russe à l’UE via Nord Stream reprennent le 21 juillet « aux niveaux bas qu'ils avaient avant l'arrêt actuel », Fatih Birol appelle à la prudence : en cas d’arrêt des approvisionnements à partir d’octobre 2022, « l'UE devrait avoir rempli ses installations de stockage de gaz à plus de 90% de leur capacité d'ici là pour passer l'hiver à venir ».

Pour assurer un remplissage de 90% des capacités européennes de stockage de gaz, « chaque jour compte » : il est impossible de compter uniquement sur des livraisons d’autres producteurs (Norvège, Azerbaïdjan, etc.) pour compenser la chute des livraisons russes. Des efforts immédiats doivent être réalisés sur la consommation de gaz : selon l'AIE, l’Union européenne doit « économiser de l’ordre de 12 milliards de m3 dans les prochains mois, soit l’équivalent des livraisons de près de 130 navires méthaniers en GNL ».

5 actions concrètes et un « test historique de solidarité européenne »

Fatih Birol appelle les leaders européens à poursuivre les campagnes de sensibilisation de leurs populations et à mettre en œuvre 5 grandes mesures :

  • réduire la consommation de gaz dans le secteur électrique, en accélérant le déploiement de sources bas carbone (« y compris nucléaire lorsque c’est politiquement acceptable et techniquement faisable ») mais aussi en augmentant « temporairement » la production électrique à partir du charbon et du fioul ;

  • mettre en place « des plateformes d’enchères pour inciter les consommateurs industriels de gaz de l'UE à réduire leur demande » en vendant une partie de leurs approvisionnements prévus contractuellement ;

  • améliorer la coordination des opérateurs gaziers et électriques à travers l’Europe, y compris sur les mécanismes permettant de lisser les pics de consommation (« pointes ») ;

  • réduire la consommation des ménages en établissant des normes et des contrôles sur le refroidissement ;

  • harmoniser « la planification d’urgence » au niveau européen, notamment sur les mécanismes de solidarité.

Et à ceux qui soulignent l’impact économique pour la Russie d'un possible arrêt des livraisons de gaz à l’UE, Fatih Birol souligne que les revenus russes liées aux exportations de pétrole et de gaz vers l'Europe ont déjà atteint près de 95 milliards de dollars depuis le début de l’invasion. Autrement dit, ces recettes ont, au cours des 5 derniers mois, « été quasiment trois fois supérieures au niveau habituel de tout un hiver ».

Sur le même sujet