Biocarburants : bilan critique de la Cour des comptes

parue le
Biocarburants en France
Le biodiesel est notamment fabriqué en France à partir de colza qui pousse sur place. (©photo)

La Cour des comptes a dévoilé ce matin son évaluation de la politique publique d’aide aux biocarburants. Celle-ci pointe certaines incohérences des objectifs du plan national de soutien aux biocarburants sur la période 2005-2010. Explications.

Rappels sur le plan d’aide aux biocarburants

Les biocarburants de 1e génération ne sont pas utilisés directement mais en mélange avec des hydrocarbures : le biodiesel en addition au gazole et le bioéthanol en addition à l’essence. Le « pouvoir calorifique inférieur » (PCI) de ces biocarburants, c’est à dire leur énergie par unité de volume, est plus faible que celui des carburants fossiles traditionnels.

L’Union européenne recommande l’atteinte d’un niveau minimal d’incorporation des biocarburants de 5,75% (en PCI) en 2010 mais également des niveaux maxima pour conserver une bonne qualité des carburants finaux (respectivement 7% et 10% de biodiesel et d’éthanol en volume ).  

Mis en place en 2005 par le gouvernement français, le plan biocarburants rassemble les règles européennes. Il prévoit même de dépasser les taux d’incorporation maxima des biocarburants à partir de 2010 (respectivement de 7,57% et 10,28% de biodiesel et d’éthanol en volume).

Deux instruments financiers sont censés, dès 2005, favoriser le développement des filières de biocarburants :

  • une réduction de la taxe intérieure sur la consommation (TIC) (1) accordée à des unités de production de biocarburants. Pour bénéficier de cette réduction, ces dernières doivent recevoir une licence ou des « agréments » (permissions donnés par l’Etat) pour une période de 6 ans, à la suite d’appels d’offres. Sur la période 2005-2010, le cumul de réduction atteint 2,65 milliards d’euros (1,8 Md€ pour la filière biodiesel, 0,85 Md€ pour la filière éthanol) ;
  • une taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) pour les distributeurs de carburants et pétroliers n’ayant pas atteint le taux d’incorporation en biocarburants. La TGAP, très pénalisante, vise à compenser le fait que l’objectif d’incorporation des biocarburants ne soit pas une obligation légale.

Bilan de la Cour des comptes

La Cour des comptes rappelle que les biocarburants sont intégrés à des politiques publiques diverses en France : politique agricole, indépendance énergétique et politique environnementale. Il en résulte une multiplicité d’objectifs, dont certains se révèlent incohérents. Par exemple, les cibles d’incorporation de biocarburants sont actuellement incompatibles avec les objectifs techniques de qualité des carburants finaux ou avec les infrastructures de distribution disponibles.

Malgré un développement de l’agro-industrie (agriculteurs et producteurs de biocarburants) réussi, la Cour des comptes dénonce le fait que les consommateurs aient en définitive supporté le coût de ce développement à hauteur de 3 milliards d’euros sur la période 2005-2010. En effet, la moindre densité énergétique des biocarburants entraîne un surcroît de consommation. Elle s'accompagne d'un prix plus élevé à la pompe. Enfin, la TGAP se répercute sur le consommateur selon la Cour des comptes. Cette dernière réclame davantage de transparence sur les transferts de coût.

La haute juridiction française appelle toutefois à poursuivre le soutien à la production et à la vente de biocarburants de 1e génération tout en :

  • réduisant la défiscalisation de la TIC dont bénéficie les unités de production, jusqu’à supprimer cette avantage fiscal sans nouvel agrément pour 2015 ;
  • maintenant la TGAP à un niveau assez élevé afin de maintenir des objectifs d’incorporation importants (au regard des réseaux de distribution disponibles et en maintenant une bonne qualité des carburants) tant qu’ils ne sont pas formellement obligatoires.

La Cour des comptes ne tranche pas dans son rapport l’épineuse question des conséquences environnementales des biocarburants de 1e génération. Si elle constate une diversification réelle des débouchés pour la betterave, la haute juridiction opère un bilan « mitigé quoique légèrement positif » pour l’agriculture. Une formule qui témoigne des difficultés à juger les nombreux objectifs poursuivis par le plan biocarburants.

 

Pour lire l'intégralité du rapport de la Cour des comptes, cliquez ici.

Sources / Notes

(1) En France, les carburants sont soumis à la TVA et à une taxe inférieure sur la consommation (TIC)

Sur le même sujet