Stockage de l’électricité : où en est-on ?

STEP de Revin

Vue aérienne de la STEP de Revin (bassin supérieur des Marquisades) en Champagne Ardennes. (©EDF-Jean-Louis Burnod)

Le stockage de l'électricité constitue une brique essentielle de la transition énergétique, compte tenu des besoins croissants de flexibilité sur les réseaux, mais demeure limité et coûteux, ce qui pénalise la gestion de l’équilibre entre demande et offre d'électricité sur les réseaux, alors même qu'ils intègrent une part croissante d'unités de production intermittentes. Elle contraint ainsi les réseaux à se dimensionner pour faire face aux pointes de demande et à parfois sous-employer leur appareil productif.

Stockage direct

Le stockage direct de l'électricité consiste à conserver l'énergie sous sa forme électrique d'origine, généralement par des dispositifs comme les batteries, les condensateurs ou les matériaux supraconducteurs. Ces méthodes permettent un accès rapide à l'énergie stockée, mais sont souvent limitées par la capacité de stockage et le coût des technologies.

Matériaux supraconducteurs

Les matériaux supraconducteurs offrent un moyen innovant de stocker l'électricité sans pertes énergétiques, car ils n'ont aucune résistance électrique.

Cette propriété exceptionnelle pourrait révolutionner le stockage d'énergie. Cependant, ces matériaux doivent être maintenus à des températures extrêmement basses, proches du zéro absolu (-273,15°C). Le maintien de telles températures nécessite des systèmes de refroidissement coûteux et complexes, rendant leur utilisation difficile à grande échelle.

Grands condensateurs

Les condensateurs sont capables de stocker de l'énergie sous forme de charge électrique, ce qui leur permet de répondre rapidement à des besoins en énergie instantanée.

Toutefois, leur capacité de stockage reste limitée par rapport à d'autres technologies, ce qui restreint leur application à des situations où de petits volumes d'énergie sont nécessaires sur de courtes durées. De plus, les coûts de fabrication de ces dispositifs à grande échelle sont encore élevés, ce qui limite leur adoption pour des solutions de stockage massif d'énergie, malgré leur efficacité pour les applications à court terme.

Stockage indirect

Le stockage indirect de l'électricité implique la conversion de l'énergie électrique en une autre forme d'énergie, comme l'énergie mécanique, chimique ou potentielle, qui peut ensuite être reconvertie en électricité. Ces méthodes permettent généralement de stocker de plus grandes quantités d'énergie sur des périodes plus longues, mais avec des pertes de rendement lors des conversions.

Stockage par voie chimique avec des batteries

Le stockage de l'électricité par voie chimique, en particulier avec des batteries rechargeables comme les batteries lithium-ion, est une des solutions les plus couramment utilisées aujourd'hui. Ces batteries peuvent être chargées et déchargées au gré des besoins, ce qui les rend très adaptées pour des applications variées allant des appareils électroniques aux véhicules électriques.

Toutefois, leur capacité à stocker de grandes quantités d'énergie est limitée par la densité énergétique des matériaux, et leur durée de vie peut être affectée par des cycles de charge-décharge répétés.

Malgré ces contraintes, les recherches actuelles visent à améliorer leur performance, notamment en termes de durée de vie, de densité énergétique et de réduction des coûts. Parmi les technologies de stockage existantes, les batteries apparaissent comme une solution prometteuse avec la forte baisse de ses coûts.(1)

Power-to-Gas par électrolyse de l'eau

La technologie Power-to-Gas permet de stocker l'électricité sous forme d'hydrogène en utilisant l'électrolyse de l'eau. Ce processus consiste à décomposer les molécules d'eau pour récupérer l'hydrogène (électrolyse de l'eau), qui peut ensuite être réinjecté dans des piles à combustible afin de produire de l'électricité à la demande. Cette méthode offre l'avantage de pouvoir stocker de grandes quantités d'énergie sur de longues périodes.

Néanmoins, l'efficacité globale de ce processus reste limitée en raison des pertes énergétiques associées à la conversion et à la reconversion de l'énergie. Malgré tout, cette technologie suscite un intérêt croissant, notamment dans les efforts pour décarboner les systèmes énergétiques et favoriser les énergies renouvelables.

Stations de Transfert d'Énergie par Pompage (STEP)

Les STEP exploitent le potentiel gravitationnel pour stocker d'importants volumes d'électricité. Ce procédé consiste à utiliser de l'électricité excédentaire pour pomper de l'eau vers un réservoir situé en altitude. Lorsque la demande d'électricité augmente, l'eau est relâchée, passant à travers des turbines qui génèrent de l'énergie.

Cette méthode est l'une des plus efficaces pour stocker de grandes quantités d'énergie, mais elle nécessite des infrastructures adaptées, comme des réservoirs naturels ou artificiels, et ne peut être mise en œuvre que dans des environnements géographiques spécifiques.

Stockage mécanique cinétique

Le stockage mécanique cinétique repose sur l'utilisation de tambours ou de volants d'inertie sous vide, mis en rotation par un moteur électrique. L'énergie est ainsi stockée sous forme de mouvement rotatif, et peut être restituée en cas de besoin. Cette technologie est particulièrement efficace pour fournir de l'énergie rapidement sur des périodes courtes, et son rendement est élevé.

Toutefois, les systèmes de stockage cinétique sont généralement limités en termes de capacité de stockage à grande échelle, bien qu'ils soient de plus en plus utilisés pour des applications de stabilisation des réseaux électriques.

Stockage par compression de gaz

Le stockage d'énergie par compression de gaz (CAES) consiste à utiliser l'électricité pour comprimer un gaz, généralement de l'air, dans des réservoirs sous haute pression. Cette énergie peut ensuite être récupérée en relâchant le gaz comprimé, qui fait tourner des turbines pour générer de l'électricité. Ce moyen offre une solution flexible et réversible pour stocker de l'énergie, mais elle présente des limites en termes de rendement, car des pertes surviennent lors des processus de compression et de décompression.

Néanmoins, les technologies de compression de gaz sont attractives pour les grandes installations industrielles où l'espace et les infrastructures sont disponibles.

État des lieux en France

À l’heure actuelle, seuls deux projets de stockage par batteries de 7 MW sont toutefois raccordés au réseau électrique en France métropolitaine (« environ 100 MW en file d’attente »). Dans les zones non interconnectées (Corse(2) et outre-mer) où les besoins de flexibilité des réseaux locaux sont plus importants, le stockage par batteries est bien plus développé « avec 50 MW de capacité attribuée ».

Dans un rapport ci-après publié le 11 septembre 2019(3), la CRE exposait une feuille de route « pour mettre en place un cadre juridique, technique et économique permettant un développement du stockage pérenne et cohérent avec le système énergétique français et les ambitions de la PPE ».

Elle y formulait différentes recommandations visant entre autres à « faire évoluer les signaux économiques afin qu’ils reflètent la valeur des services rendus » par le stockage. Les principales réflexions en cours relatives à l’intégration de dispositifs de stockage au sein des réseaux en France y sont également évoquées : possibilité de créer un statut juridique spécifique pour les opérateurs de stockage, simplification et clarification des procédures de raccordement, possible exonération de la tarification de l’utilisation des réseaux publics d’électricité (TURPE), etc.

La CRE formulait de nombreuses demandes à l’attention des gestionnaires de réseaux et soulignait les besoins identifiés en matière de flexibilité et à faire « évoluer leurs méthodes de dimensionnement des réseaux et des choix d’investissements en prenant en compte les solutions de flexibilité, dont le stockage »(4).

Précisons que la CRE ne voit « pas d’obstacle majeur au développement du stockage en France », les besoins de flexibilité des réseaux y étant plus faibles que dans de nombreux autres pays (notamment grâce à « une hydroélectricité fortement développée, un pilotage de l’eau chaude sanitaire et une part encore limitée des EnR variables »).

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