Ensemble Eolien Catalan, parc de 96 MW situé en Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées. (©EDF Renouvelables-Hervé Hôte)
Après une année 2022 marquée par de nombreuses crises, le système électrique français a pu retrouver un équilibre en 2023. Les prix de l'électricité, du gaz naturel et du pétrole sont en reflux, mais restent à un niveau élevé.
Remontée de la production électrique
En 2023, la production totale d’électricité en France métropolitaine a atteint 494,3 TWh, soit 11% de plus qu'en 2022, année durant laquelle la production française était à son plus bas niveau depuis 1992, avec une forte chute des productions nucléaire et hydraulique.
Le nucléaire (dont la production - bien que toujours « à un niveau bas » - est remontée l'an dernier de 41,5 TWh par rapport à 2022) a compté pour 64,8% de la production d'électricité en France métropolitaine en 2023, restant ainsi de loin la principale source d'électricité devant :
- l'hydraulique (11,9%) ;
- l'éolien terrestre et en mer (10,2%) ;
- le gaz naturel (6,1%) ;
- le solaire (4,3%) ;
- les sources thermiques renouvelables et les déchets (2,1%) ;
- le fioul (0,3%) ;
- le charbon (<0,2%).
Source : Bilan électrique RTE 2023 - Graphique : Selectra
La disponibilité moyenne du parc nucléaire français en 2023, tous facteurs confondus, s’est élevée à 38,6 GW (63 % du parc), contre 33,2 GW en 2022 (54 %).
Les productions éolienne et solaire photovoltaïque ont en particulier atteint des nouveaux niveaux record l'an dernier (respectivement 50,7 TWh et 21,5 TWh). La filière éolienne en particulier est redevenue la troisième filière de production devant le gaz.
L'hydraulique s'est nettement redressé après une année 2022 particulièrement sèche: la production s'est établie à 58,8 TWh contre 49,6 TWh en 2022, son plus bas niveau depuis la sécheresse de 1976.
La production française d'électricité à partir de combustible fossile a quant à elle chuté de 34% en 2023, atteignant avec 32,6 TWh son plus bas niveau annuel depuis 2014. RTE souligne que la sortie du charbon en France est « de fait déjà quasi effective pour ce qui concerne les volumes produits ». Grâce à la remontée du nucléaire, la consommation de gaz pour produire de l'électricité est revenue au niveau de 2021 à 36 TWh, en baisse de 40% par rapport à 2022. Le fioul présente un panorama similaire, avec 1,7 TWh produit, soit 0,3% du total.
En outre, l'injection de gaz "vert" dans les réseaux a été portée de 12 TWh en 2023.
La consommation d'électricité continue à baisser
En 2023, la consommation d’électricité française corrigée des aléas climatiques et des effets calendaires (« à température normale ») en France métropolitaine s'est élevée à 445,4 TWh selon RTE : elle a conservé sa « dynamique nettement baissière amorcée dès l’automne 2022 » (- 3,2% par rapport à 2022 et - 6,9% par rapport aux valeurs moyennes entre 2014-2019).
La chute de consommation électrique touche tous les secteurs et s'explique en partie par les efforts pour réaliser des économies d'énergie (un second plan gouvernemental a été lancé en octobre 2023) et également par une conjoncture macroéconomique dégradée.
RTE précise que les températures élevées en 2023, deuxième année la plus chaude jamais enregistrée en France, « ont tiré la consommation « brute » (sans correction des effets du climat) davantage à la baisse » (438,7 TWh, soit le plus faible niveau depuis 2002).
Les prix de l'électricité, du gaz et à la pompe en baisse
Après la flambée des prix de l'électricité sur les marchés de gros en 2022, les cours en France ont connu « une baisse significative passant de 276 €/MWh en 2022 à 97 €/MWh en 2023 en moyenne annuelle en ce qui concerne les prix spot » hebdomadaires. Soit une baisse de près de 65%.
Cette baisse a entre autres été permise par « l’amélioration du productible nucléaire et hydraulique, la baisse des prix du gaz et un niveau de consommation faible », constate RTE.
Les prix de l'électricité en France comme ceux du gaz naturel restent toutefois élevés en comparaison avec les niveaux d'avant-crise. La fin progressice du bouclier tarifaire s'est particulièrement fait ressentir sur les prix de l'électricité.
Graphique: Selectra - Source: Selectra
Évolution du Prix du kWh et de l'abonnement du Prix Repère Gaz depuis sa création - À jour en décembre 2024
Notons par ailleurs un nombre inédit d’épisodes de prix négatifs sur les marchés, s’élevant à 147 heures en 2023, liés au développement des capacités renouvelables à production variable.
En 2023, le cours du baril de Brent a été relativement stable, autour de 82$, soit une baisse de 18 % par rapport à l'année 2022. Cela s'est ressenti sur les prix à la pompe, toutefois aux aussi globalement restés à un niveau élevé.
La France est à nouveau le premier pays européen exportateur net d'électricité
En 2022, la France avait importé davantage d'électricité qu'elle n'en avait exporté pour la première fois depuis 1988. Le solde net des échanges d'électricité de la France avec ses pays voisins a été de 50,1 TWh. L'Hexagone est redevenue exportatrice d'électricité en 2023.
La France est suivie de la Suède, de la Norvège et de l'Espagne, qui ont réalisé respectivement 28,6 TWh, 17,3 TWh et 13,9 TWh d'exportations nettes.
Les exportations d'électricité ont contribué à réduire la facture énergétique de la France de 4 milliards d'euros en 2023 (contre 2 milliards d'euros par an en moyenne entre 2014 et 2019). La facture énergétique de la France s'était considérablement alourdie en 2022, à près de 115 milliards d'euros (soit environ 70 milliards d'euros de plus qu'en 2021) mais les importations d'électricité n'ont pesé « que » pour près de 8 milliards d'euros sur cette facture en 2022.
Les voisins européens comme l'Allemagne ont pu profiter plus facilement et à moindre coût de l'offre excédentaire de la France, via les interconnexions électriques aux frontières.
La France a ainsi été importatrice 29% de l’année contre 67% du temps en 2022.
La consommation de gaz en France au plus bas depuis une trentaine d'années
La consommation française de gaz baisse de 11,4% en 2023 et s'est établie à 381 TWh (contre 430 TWh en 2022 et 474 TWh en 2021), reflétant de nouveaux comportements en matière de sobriété et d'usages.
Le pic remonte à 2010 avec 547 TWh de gaz consommé. En deux ans, sur 2021-2023, la consommation de gaz aura reculé de 20%. La tendance observée depuis 2021 et le début de la hausse des prix du gaz, entraînés par la reprise économique post-pandémique, s'est confirmée en 2023, et ce, "malgré une stabilisation des prix du gaz en Europe et un retour à leurs niveaux d'avant-guerre en Ukraine", explique GRTgaz.
La consommation des distributions publiques (ménages, tertiaire, petite industrie) a baissé de 6,5% en 2023 par rapport à 2022, à 253 TWh, en données corrigées du climat. La consommation des grands clients industriels énergivores (chimie, verre, etc) recule de 7,4% à 103,8 TWh, après une baisse de 11,5% en 2022.
Le prix moyen du gaz sur les marchés selon l'indice du TTF néerlandais - considéré comme la référence européenne du gaz - s'affiche à date à 43 euros le MWh en moyenne en 2023.
Une forte baisse d'émissions des GES, mais sous les objectifs
Les émissions de gaz à effet de serre émis par l'activité humaine en France ont baissé de 5,8% en 2023n dans quasiment tous les secteurs de l'économie (agriculture, transports, industrie ...). La France a ainsi rejeté dans l'atmosphère l'équivalent de 373 millions de tonnes de dioxyde de carbone.
Mais ce nouveau record ne suffit pas : en retranchant des émissions françaises la quantité de CO2 qui est absorbée naturellement par les forêts et les sols (qualifiés de puits de carbone), "le budget carbone 2019-2023 n'est pas respecté", avertit le Centre interprofessionnel technique d'études de la pollution atmosphérique. Les arbres, par la photosynthèse, captent le carbone de l'air pour le stocker dans leurs racines et leurs branches. La feuille de route climatique de la France, fixée par sa deuxième Stratégie nationale bas carbone (SNBC) 2019-2023, prévoyait d'atteindre entre 40 et 45 Mt de CO2 absorbé par les forêts et le sols à horizon 2030. Mais ce puits de carbone "s'est considérablement réduit" et n'a absorbé qu''"environ 20 Mt CO2 dans les années récentes, notamment en raison de l'effet couplé de sécheresses à répétition depuis 2015, de maladies affectant le taux de mortalité des arbres, et d'une hausse des récoltes de bois", explique le Citepa.
Celles liées à la production d'électricité en France ont atteint 16,1 MtCO2eq en 2023, soit leur plus faible niveau depuis le début des années 1950 (alors que la production est beaucoup plus importante aujourd'hui) et 32% de moins qu'en 2022. L’intensité des émissions de la production française d'électricité s'est élevée à 32 g de CO2eq/kWh en 2023 : elle était l'an dernier presque 10 fois inférieure à celle de l’Allemagne (303 g CO2eq/kWh) et plus de 8 fois inférieure à celle de l’Italie (270 g CO2eq/kWh).
« Seuls quelques pays dotés des mix de production les plus décarbonés, notamment les pays disposant d’une production hydraulique abondante, comme la Suède, la Norvège, la Suisse ou l’Autriche, ont atteint une intensité carbone comparable à celle de la France », souligne RTE.
La consommation en gaz (hors grandes industries énergivores) a représenté près de 13% des émissions de la France. La combustion du gaz naturel (méthane) génère du CO2, le premier des gaz à effet de serre. Les petites fuites de gaz dans l'atmosphère (gazoducs, conduites...) contribuent aussi au réchauffement.
Les polluants atmosphériques sont aussi en baisse. Sur la période 2000-2023, la baisse atteint 64% pour les oxydes d'azote (NOx), respectivement 49% et 56% pour les particules (fines) de diamètre inférieur ou égal à 10 µm (PM10) et celles de diamètre inférieur ou égal à 2,5 µm (PM2,5) et 87% pour le dioxyde de soufre (SO2).
Début de l'essor de l'hydrogène ?
En 2023, la France a augmenté sa capacité de production d'hydrogène bas carbone : 30 mégawatts (MW), contre seulement 13 MW début 2023. Mais elle reste très éloignée de son objectif affiché pour 2030 : 6,5 gigawatts de capacité de production installée, et 10 GW en 203. La France est sur le podium des trois premiers pays en Europe avec 300 MW financés, derrière la Suède (1 400 MW de capacité sécurisée) et Allemagne (550 MW).