Coûts du nucléaire : une question d’actualité à actualiser

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Coûts du nucléaire

Le parc nucléaire français est actuellement composé de 58 réacteurs de 2e génération. Qu'en sera-t-il d'ici deux décennies? (©photo)

La Cour des Comptes a présenté aujourd’hui son rapport sur les coûts de la filière électronucléaire, que lui avait commandé le Premier ministre en mai dernier. La juridiction ne prend pas position sur l’avenir de ladite filière et reconnaît que sa « base de données » appelle de fréquentes révisions en fonction des futures orientations politiques. Présentation de quelques chiffres avancés par la Cour des Comptes.

Coûts de construction et d’exploitation

Pour calculer le coût total de la production nucléaire de l’exploitant, il est nécessaire d’additionner les investissements passés, les charges d’exploitation actuelles ainsi que les coûts futurs de démantèlement ou de charges d’exploitation (gestion des combustibles usés et déchets). La Cour des Comptes qui s’est basée sur les comptes d’EDF, livre une partie de ses coûts :

  • 96 milliards d’euros (en euros constants 2010, comme la suite des chiffres avancés) : coût de construction du parc français actuel de 58 réacteurs(1). Ce parc ayant une puissance installée de 62 510 MW, soit 62,51 GW, le coût de construction atteint près 1,5 million d’euros au MW. Ce coût de construction augmente au fil du temps en raison de l’exigence croissante des référentiels de sécurité ;
  • 8,95 milliards d’euros : charges d’exploitation en 2010 (hors maintenance) du parc nucléaire français, qui a produit 407,9 TWh. Le personnel d’EDF est le principal poste de ces charges : 2,7 milliards en 2010, soit plus de 30% des charges hors maintenance. Ces charges progressent en raison de la hausse des impôts et taxes (13% des charges en 2010) et des opérations de maintenance plus fréquentes (pas comptabilisées plus haut) ;
  • 6 milliards d’euros : coût de construction estimé pour l’EPR de Flamanville, qui possède une puissance de 1 630 MW. Le coût de construction au MW serait donc de 3,7 millions d’euros. Ce chiffre est toutefois à nuancer puisque cette centrale de 3e génération est une « tête de série ». Le coût au MW en série est estimé à 3,1 millions d’euros ;
  • 49,5 euros : coût global moyen de production du mégawatheure nucléaire selon la méthode de calcul du coût courant économique. La Cour des Comptes indique que ce chiffre peut être retenu pour comparer les coûts de production entre différents modes d’énergie.

Charges futures de démantèlement et de gestion des déchets

  • 37,4 milliards d’euros : charges estimées pour EDF pour la gestion du combustible usé (14,4 Md €) et des déchets issus de la production nucléaire (23 Md €). La Cour des Comptes demande toutefois une nouvelle évaluation du coût du projet de stockage géologique profond des déchets après plusieurs évaluations contestées.
  • 18,4 milliards d’euros : dépenses de démantèlement actuellement estimées par EDF pour ses 58 réacteurs en cours d’exploitation. La Cour des Comptes appelle à la prudence sur ce chiffrage, au regard de la tendance des devis à « augmenter quand les opérations se précisent ». De plus, des comparaisons internationales font état d’estimations beaucoup plus élevées que celles avancées par EDF. EDF aurait actuellement provisionné près de 11 milliards d’euros pour le démantèlement.

Impact de Fukushima et avenir de la filière française

Suite à l’accident de Fukushima, l’ASN a réclamé des évaluations complémentaires de sûreté, dont une partie avait déjà été anticipée dans le programme d’investissements de maintenance d’EDF. Ce programme d’investissements sur la période 2011-2025 devrait toutefois être rehaussé de 5 milliards d’euros à hauteur de 55 milliards d’euros, précise la Cour des Compte. Cela représente donc pour EDF des investissements de maintenance de près de 3,7 milliards d’euros par an (contre 1,7 milliard d’euros en 2010).

Le coût de production de la filière électronucléaire devrait sensiblement augmenter de 10 à 15% d’ici à 2025 en raison de cette hausse des investissements annuels de maintenance. Le prix du MWh devrait, en revanche, peu croître si le coût de démantèlement du parc est revu à la hausse.

Le point fondamental à préciser reste la composition future du parc électrique français. D’ici à fin 2020, 22 des 58 réacteurs français auront atteint 40 années de fonctionnement. Pour maintenir une production électrique correspondante, il est possible d’envisager une évolution du mix électrique français (une ambition de long terme), de construire 11 EPR d’ici à 2022 (une option « très peu probable » selon la Cour des Comptes) ou de prolonger la durée de vie des centrales actuelles. Comme le rappelle la Cour, le choix entre ces différentes options ne devra pas tarder, eu égard au délai « particulièrement long » entre la prise de décision dans de domaine et ses effets. En outre, la prise en compte des externalités « non chiffrables » (impact sur l’environnement, la santé, l’emploi ou encore la balance commerciale) rend le futur arbitrage politique plus délicat encore.

Notons que des financements sont également apportés à la recherche pour disposer de nouvelles alternatives à plus long terme. Avec 414 millions d’euros en 2010, l’Etat apporte la plus grande partie de ces financements (près d’un milliard d’euros en 2010). Le programme « nucléaire du futur » fait notamment partie des investissements d’avenir. Doté de 650 millions d’euros entre 2011 et 2017,  il vise à financer l’avant projet d’Astrid, démonstrateur en vue du développement possible de réacteurs de 4e génération.

 

Lire l'intégralité du rapport de la Cour des Comptes

Sources / Notes

(1) Ce coût intègre les intérêts dus au fait que la construction des centrales est étalée sur plusieurs années.

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