deux réveils dans la nuit
La majorité des Français et des Européens serait opposée au changement d'heure.

La France change d'heure deux fois par an depuis 1976 avec une ambition initiale simple : limiter l’utilisation de l’éclairage artificiel en faisant mieux correspondre les heures d’activité aux heures d’ensoleillement.

Elle est harmonisée au niveau de l’Union européenne depuis 1998 : le passage à l’heure d’été se fait le dernier dimanche de mars et à l’heure d’hiver le dernier dimanche d’octobre.

Il ne concerne pas les territoires d'outre-mer, qui ne changent jamais d'heure (à l'exception de Saint-Pierre et Miquelon, qui se cale sur le Canada voisin). En effet, la plupart d'entre eux se trouvent sous des latitudes où les écarts d'ensoleillement sont faibles au long de l'année, contrairement à l'Europe. Généralement, les États situés près de l'équateur y ont peu recours puisqu'ils sont soumis à de faibles variations de la durée du jour.

Le changement d'heure dans l'UE perdure et aucune date de suppression n'est plus à l'ordre du jour.

Origines

Le changement d’heure a été réinstauré en France par décret le 19 septembre 1975. Il visait alors à réduire la dépendance pétrolière de la France après le premier choc pétrolier de 1973.

L’électricité était en effet largement produite à partir de centrales au fioul lourd à l’époque (alors qu'aujourd'hui, le mix électrique français repose aux deux tiers sur l’énergie nucléaire).

Un premier changement d’heure avait été appliqué en France entre 1916 et 1944. Le principe d’économiser de l’énergie en ayant recours au changement d’heure n’est donc pas une idée neuve. Le dispositif avait été expérimenté une première fois dès 1916 en pleine Première Guerre mondiale. A la fin de la Seconde Guerre mondiale, les Français rompent avec « l’heure de Berlin » imposée pendant l’occupation allemande.

Pourquoi ?

L'idée originelle vient du physicien, écrivain et diplomate américain Benjamin Franklin qui avait rédigé un article en 1784 dans le but d'économiser... les bougies et les chandelles.

Économies "de bouts de chandelle", incitation à la sobriété ? Le passage à l'heure d'hiver, toujours à deux heures du matin dans la nuit de samedi à dimanche, permet de gagner une heure de luminosité en fin de journée. Elle répond à la nécessité de réduire la consommation d'électricité, en particulier pour les collectivités locales. Il s'agit de faire concorder les heures d'activité avec les heures d'ensoleillement afin de réduire l'utilisation de l'éclairage artificiel.

La question des économies réelles fait partie des sujets qu'on ramène comme un marronnier d'automne.

Quels effets ?

L’Ademe fait néanmoins état d’ « impacts énergétiques réels » : selon les dernières estimations précises de l'Agence basées sur l’année 2009, le dispositif permettait d’économiser « de l’ordre de 400 GWh » par an, soit l’équivalent de la consommation annuelle en éclairage d’environ 800 000 ménages français selon l'Agence. Toujours selon l’Ademe, ce gain aurait permis à la France d’éviter l’émission de 44 000 tonnes de CO2 par an.

Les économies liées aux usages thermiques (chauffage et climatisation) seraient moins significatives et plus difficiles à évaluer. La consommation de la climatisation tertiaire aurait, par exemple, permis d’économiser 70 GWh d’électricité par an.

L’Ademe reconnaît une baisse de l’intérêt de ce dispositif, en raison notamment du déploiement de lampes basse consommation. Elle estime toutefois qu'il pourrait encore permettre d’éviter une consommation inutile de 340 GWh par an à l’horizon 2030, compte tenu de l’augmentation des surfaces des bâtiments.

EDF précise que cette économie « reste faible » puisqu'elle correspond à près de 0,09% de la consommation annuelle d'électricité en France.

Un dispositif critiqué

Le principe du changement d’heure ne fait pas l’unanimité.

En dépit des « impacts énergétiques réels » longtemps mis en avant, le changement d’heure semble aujourd’hui avoir fait son temps. Mais aucune date de fin n'a encore été fixée.

Arguments contre

Outre la difficulté d’évaluer les économies réelles liées au dispositif, les progrès technologiques (usage de produits et d’appareils plus performants) et son impact sur le rythme biologique réduisent ses bénéfices. Lors du passage à l'heure d'été, le manque de sommeil peut provoquer une chute de l'attention, occasionner de la somnolence, de la nervosité ou dégrader l'humeur. Selon une étude présentée en 2014 à l'American College of Cardiology, le risque de faire une crise cardiaque le lundi suivant le changement d'heure est 25% plus élevé que les autres lundi de l'année.

L’augmentation supposée du nombre d’accidents de la route est également souvent avancée. Les périodes d'obscurité prolongées dues au passage à l'heure d'hiver constituent un risque accru pour les cyclistes, piétons et utilisateurs de trottinettes. Pas ou mal éclairés, ils se retrouvent moins visibles, notamment aux heures de pointe des trajets domicile-travail le matin et le soir.

Pour les agriculteurs, l'heure d'été peut entraîner des heures de récolte tardives, et des horaires décalés pour certains salariés.

Mais pour les entreprises ultramarines, ce changement d'heure "peut impacter le business", notamment en cas de télétravail ou télémaintenance, explique la Fédération des entreprises d'Outre-mer. "Comme le modèle économique est encore très dépendant de l'Hexagone, chaque entreprise veut avoir la plus grande plage horaire de communication avec Paris", ce qui entraine des intérêts divergents entre les territoires.

Aux moments des changements d'heure, la moitié des Français (51%) "ne savent jamais vraiment s'ils doivent avancer ou reculer leur montre", d'après un sondage réalisé auprès d'un échantillon de 1001 personnes âgées de 18 ans et plus, représentatif de la population française, du 23 au 25 septembre 2015.

Arguments pour

Le principal argument pour, outre les économies d'énergie, est la durée d'ensoleillement plus longue, ce qui fait que nous pouvons profiter plus longtemps du soleil. La Nouvelle-Calédonie par exemple a tenté à plusieurs reprises le passage à l'heure d'été permanent, mais est toujours revenue à son fuseau horaire d'origine. En 2009, une pétition du collectif "Une heure de clarté en plus" a recueilli 5.000 signatures, sans succès. "Nous n'aurons jamais de longues journées pour profiter de la mer ou des commerces en sortant du travail", déplore Danielle Chichemanian, instigatrice de la pétition. Pour Martine Cornaille, présidente du parti écologiste Alliance citoyenne pour la transition, "les économies d'énergie sont illusoires, car le pic du matin annihile le gain du soir".

Un abandon du changement d'heure aurait un "impact important" sur l'industrie de l'aviation et sur les passagers, selon l'Association internationale du transport aérien (IATA), qui recommande le "statu quo". Si la Commission européenne décide tout de même de supprimer le changement d'heure, elle recommande d'adopter l'heure d'été, et ce dans "l'intégralité des membres de l'Union européenne", sans quoi le transport aérien serait plongé "dans le chaos". Elle demande également qu'on leur laisse le temps d'effectuer une "immense reprogrammation" des vols, notamment pour les long-courriers et pour respecter les couvre-feux en vigueur dans certains aéroports.

Dans les Caraïbes, le passage à l'heure d'été de la métropole fait le bonheur des amateurs de football. "Cela nous permet de suivre les matchs une heure plus tôt. C'est mieux quand on travaille le lendemain", sourit un supporter du PSG.

Consultations publiques

Durant l'été 2018, une consultation publique sur le changement d’heure a été menée par la Commission européenne : près de 84% des 4,6 millions de répondants se sont déclarés favorables à la suppression du changement d’heure (seules les réponses de Grèce et de Chypre y étaient défavorables)(1). 56% des votants étaient pour conserver l'heure d'été.

En France, une consultation en ligne organisée en février 2019 par la commission des Affaires européennes de l'Assemblée nationale a reçu plus de deux millions de réponses, massivement (83,74%) en faveur de la fin du changement d'heure. 59% étaient favorables à un maintien toute l'année de l'heure d'été (UTC + 2).

Qu'en pensent les différents pays ?

Certains États soutiennent la fin du changement d'horaire comme la Finlande et les pays baltes, des défenseurs de longue date. Mais d'autres pays sont contre, comme le Portugal, adepte du changement d'heure depuis le début du XXe siècle. Il a rappelé lors du débat de décembre ses deux expériences qui ont tourné court, dans les années 1920 (brève adoption de l'heure d'hiver) puis entre 1967 et 1975 (heure d'été).

Dans le monde, des dispositions relatives au changement d’heure sont encore appliquées dans une soixantaine de pays mais plusieurs États y ont mis fin au cours des dernières années, notamment la Russie en 2011 et la Turquie en 2016. Le Sénat américain a voté le 15 mars 2022 un projet de loi pour abandonner définitivement l'heure d'hiver et rendre celle d'été permanente. Mais, pour entrer en vigueur, il devra encore être voté par la Chambre des représentants.

Va-t-on arrêter de changer d'heure ?

Une directive européenne était censée être adoptée par le Conseil fin 2020, avant une transposition par les États membres. Mais la crise sanitaire liée à l'épidémie de Covid-19 a balayé ce calendrier et le texte sur la fin du changement d'heure « n’est plus à l’ordre du jour et ne devrait pas être discuté dans un avenir proche »(2).

Suite à la consultation publique, la Commission européenne avait proposé en septembre 2018 de supprimer le changement d'heure dès 2019. 

En mars 2019, le Parlement européen avait acté sa suppression par 410 voix pour (et 192 contre) et entériné son application pour 2021(3).

Mais les députés européens avaient souhaité "que les pays de l'UE et la Commission se coordonnent pour garantir que l'application de l'heure d'été dans certains pays et de l'heure d'hiver dans d'autres ne perturbe pas le fonctionnement du marché intérieur". "On ne peut pas se permettre d'avoir un patchwork d'heures différentes dans l'Union européenne, en conséquence nous attendons des États membres qu'ils coordonnent leurs décisions", avait insisté l'eurodéputée suédoise Marita Ulvskog (S&D, gauche), rapporteure du texte.

"Les citoyens nous disent qu'ils sont fatigués de changer d'heure deux fois par an, ils ne veulent plus que leurs rythmes biologiques soient perturbés. Nous devons prendre cela très au sérieux, en particulier les avertissements des médecins", avait souligné l'eurodéputé tchèque Pavel Svoboda (PPE).

Opposé à ce que les États choisissent chacun l'heure à laquelle ils veulent rester, l'eurodéputé français Renaud Muselier (LR) avait voté contre le texte, évoquant le risque de créer "une usine à gaz".

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