Agrivoltaïsme en France : de quoi s'agit-il et que change le décret d'avril 2024 ?

Installation agrivoltaïque

Photomontage d'une installation agrivoltaïque, associant culture de luzerne et production photovoltaïque. (©GLHD)

L'agrivoltaïsme désigne une pratique consistant à associer sur un même site une production agricole (maraîchage, élevage, vigne, etc.) et, de manière secondaire, une production d’électricité par des panneaux solaires photovoltaïques.

Les termes « agrivoltaïque », « agrophotovoltaïque » ou encore « solar sharing » en anglais sont également employés pour désigner ce concept.

Une installation agrivoltaïque est une installation de production d’électricité utilisant l’énergie radiative du soleil et dont les modules sont situés sur une parcelle agricole où ils contribuent durablement à l’installation, au maintien ou au développement d’une production agricole.

Définition issue de la loi no 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables.

    Réglementation relative à l'agrivoltaïsme en France

    En France, des précisions ont été apportées sur l'agrivoltaïsme en 2023 (concept bien plus ancien(1)) dans la loi d'accélération de la production d'énergies renouvelables.

    Un « service » à l'activité agricole

    Outre la définition mentionnée précédemment, il est indiqué qu'une installation de production électrique installée sur une parcelle agricole doit, pour être considérée comme « agrivoltaïque », apporter un des services suivants à l'activité agricole : 

    • amélioration du potentiel et de l’impact agronomiques ;
    • adaptation au changement climatique ;
    • protection contre les aléas ;
    • amélioration du bien-être animal.

    Il est spécifié que la production agricole doit rester « l'activité principale de la parcelle agricole ».

    Que dit le décret publié en avril 2024 ?

    Le décret encadrant le développement de l'agrivoltaïsme a été publié le 9 avril 2024 au Journal officiel après de longues négociations entre les différentes parties prenantes, avec l'ambition d'apporter un cadre plus consensuel à cette pratique, faisant l'objet de nombreuses attentions et inquiétudes.

    Consulter le Décret no 2024-318 du 8 avril 2024 relatif au développement de l’agrivoltaïsme et aux conditions d’implantation des installations photovoltaïques sur des terrains agricoles, naturels ou forestiers.

    Le décret prévoit entre autres que la baisse de rendement induite par la production d'électricité à partir de panneaux photovoltaïques implantés sur une installation agricole doit être inférieure à 10% par rapport à « la moyenne du rendement » observé sur une parcelle témoin (appréciation hors élevage).

    Pour garantir que la production agricole est bien l’activité principale dans un projet agrivoltaïque, la superficie du terrain couverte de panneaux solaires ne doit par excéder 40%, « sauf pour les projets qui ont déjà largement fait leurs preuves ».

    Autre point important : le revenu issu de la production agricole est considéré comme « durable lorsque la moyenne des revenus issus de la vente des productions végétales et animales de l’exploitation agricole après l’implantation de l’installation agrivoltaïque n’est pas inférieure à la moyenne des revenus issus de la vente des productions végétales et animales de l’exploitation agricole avant l’implantation de l’installation agrivoltaïque ».

    Les différents types de projets agrivoltaïques

    Il existe des types variés de systèmes agrivoltaïques :

    • des structures composées de rangées de panneaux solaires à proximité du sol, avec des espaces cultivables entre les rangées pour accueillir le matériel agricole ;
       
    • des structures photovoltaïques proches du sol, associées à de l’élevage ou de l’aquaculture (avec des panneaux flottants) ;
       
    • des structures surélevées permettant l’accès aux engins agricoles sous les centrales photovoltaïques (configuration la plus onéreuse, mais aussi la plus adéquate pour limiter l’impact sur la production agricole).

    Notons que les serres agricoles équipées de panneaux photovoltaïques ont, par extension, parfois été qualifiés de systèmes agrovoltaïques.

    Avantages et défis

    Un système agrivoltaïque est censé évite les conflits d’usage des sols, tout en permettant une synergie entre les deux productions » agricole et solaire(2). Des panneaux photovoltaïques installés au-dessus d’une terre cultivée ou de terrains occupés par du bétail (par exemple ovin ou bovin) peuvent entre autres être inclinés de façon à apporter une exposition au soleil optimale et à protéger contre des intempéries(3).

    Une installation agrivoltaïque doit permettre d'apporter une rémunération complémentaire, stable et « dérisqué » aux agriculteurs.

    Le partage de la valeur entre porteur du projet, agriculteur et propriétaire du terrain doit toutefois encore fait l'objet d'une harmonisation. Compte tenu de l'adoption récente d'un cadre pour l'agrivoltaïsme et de la variété des projets, les données disponibles sur la rentabilité des projets sont actuellement limitées.

    Précisons qu'un bilan des effets du décret d'avril 2024 est prévu dans un an.

    Développement de l'agrivoltaïsme en France

    En France, l’INRA, l’IRSTEA et la société Sun’R ont lancé dès 2009 un programme de recherche baptisé « Sun’Agri » consacré à l'agrivoltaïsme. Avant le décret d'avril 2024, des projets agrivoltaïques sont apparus dans les appels d'offres de la CRE consacrés aux « installations de production d’électricité innovantes à partir de l’énergie solaire »(4) avec un nombre croissant d’acteurs(5) travaillant sur ce type de systèmes.

    Le décret d'avril 2024 doit permettre un suivi plus précis des projets agrivoltaïques, qui doivent être distingués des projets sur des terrains délaissés qui peuvent offrir du foncier « non agricole » pour accélérer le développement du photovoltaïque.

    Pour rappel, la France s'est fixé pour objectif de déployer 100 GW photovoltaïques d'ici à 2035, les projets agrivoltaïques devant contribuer à cette ambition (sans qu'un objectif particulier pour ces projets soit défini).

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    Sources / Notes

    1. Une résolution « tendant au développement de l'agrivoltaïsme en France » - employant ces termes - a été votée au Sénat en janvier 2022. Cliquez ici pour y accéder.
    2. Ce concept d’une cohabitation de production agricole et d’énergie a été proposé dès 1981 par Adolf Goetzberger et Armin Zastrow. Il a en particulier connu un succès important au Japon à partir des années 2000.
    3. Selon la fédération française des producteurs agrivoltaïques (FFPA), lancée début décembre 2021, l'agrivoltaïsme doit permettre d'« assurer la pérennité d'une exploitation agricole, grâce aux revenus issus de l'énergie (sous forme de contrat avec le producteur d'électricité) ». Ce type d'installation constitue « une réponse à une contrainte de production (qualité des sols, qualité de l'eau, quantité d'eau, zéro phyto, rendement faible etc...) ».
    4. Appel d’offres portant sur la réalisation et l’exploitation d’installations de production d’électricité innovantes à partir de l’énergie solaire 3e période, CRE, 8 octobre 2020.
    5. Akuo Energy, Sun’R, Tenergie, Voltalia, TSE, etc. Une centrale agrivoltaïque a entre autres été installée en plein champ dès le printemps 2018 par Sun’R dans les Pyrénées-Orientales (4,5 hectares de vignes, puissance électrique installée de 2,2 MWc).

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