Retraites-climat : pourquoi tant de difficultés face au long terme ?

Christian de Perthuis

Professeur d’économie à l’université Paris-Dauphine - PSL

Fondateur de la Chaire Économie du Climat

Le CITEPA a récemment publié, à partir de son baromètre mensuel, la première estimation des émissions de gaz à effet de serre de la France pour 2022. Grâce à la baisse de 8,5% au quatrième trimestre, ces émissions pourraient baisser de 2,5% sur l’année. La chute du quatrième trimestre reflète pour l’essentiel le retournement de la conjoncture dans l’industrie, la baisse de la consommation d’électricité et un vif repli des émissions liées à l’usage des bâtiments facilité par la clémence des températures automnales.

On peut avoir une lecture lénifiante de cette information provisoire : pour la troisième année consécutive, les émissions du pays sont en dessous du budget carbone de la période 2019-2023. Sauf rebond improbable en 2023, ce budget sera respecté. Cela va épargner une nouvelle condamnation de l’État par le juge administratif comme cela s’était produit après le dépassement du premier budget carbone (2015-2018).

Une feuille de route à revoir

Il y a au moins trois bonnes raisons de ne pas se satisfaire de ce résultat. Primo, à la suite du dépassement du premier budget carbone, le gouvernement a relevé le plafond de la période actuelle en reportant les efforts à conduire sur les budgets suivants. Utiliser une ficelle aussi grosse frise l’irresponsabilité. Le résultat est que le pays va respecter un budget carbone non contraignant qui ne nous dirige pas réellement vers la cible fixée.   

Deuxio, la feuille de route gouvernementale, baptisée « Stratégie Nationale Bas Carbone » (SNBC) à laquelle on se réfère n’est plus calée sur la bonne cible. Elle vise un réduction de 40% des émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2030. Depuis le Conseil européen de décembre 2021, l’objectif a été porté à 55%. Il va falloir corriger d’autant la feuille de route. Si l’estimation du CITEPA pour 2022 se confirme, il faudra réduire nos émissions de 20 Mt chaque année pour atteindre le - 55% en 2030, alors que 10 Mt, soit la baisse observée en 2022, auraient suffit pour - 40%. Nous sommes face à une énorme marche d’escalier à franchir en très peu de temps.

Attention : puits de carbone !

Tertio, le baromètre mensuel du CITEPA ne couvre pas les émissions de l’agriculture et celles liées à l’usage des terres, en particulier les forêts. Or, l’aggravation des conditions climatiques réduit dangereusement la capacité de stockage du CO2 par les forêts. Si la superficie du massif forestier continue d’augmenter, sa capacité d’absorption du CO2 a été divisé par deux en moins de dix ans. Les chiffres pour 2022 ne sont pas encore connus, mais les sécheresses à répétition, les incendies, les ravageurs et les maladies ont encore durement frappé les forêts l’an passé. Un regain de leur capacité d’absorption du CO2 atmosphérique est peu vraisemblable.

Loin d’une lecture lénifiante, l’analyse des résultats provisoires du CITEPA conduit à tirer la sonnette d’alarme. Qu’il s’agisse des retraites ou du climat, notre société semble incapable de faire face aux enjeux du long terme.

Sources / Notes

Cet article a été publié dans Les Échos et sur le site de Christian de Perthuis que vous pouvez consulter ici.

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Commentaire

Pierre-Ernest

Un arbre qui vit absorbe du CO2. Mais quand l'arbre meurt et qu'il pourrit, il rejette à l'atmosphère tout le CO2 absorbé dans sa vie. Si on coupe l'arbre pour le brûler, même chose. Donc, finalement, tout le CO2 absorbé retourne un jour où l'autre dans l'atmosphère. Finalement, une forêt ou une aire bétonnée, c'est pareil pour le CO2.

Nicolas

Sauf si l'arbre est utilisé en bois d'oeuvre.
Et vous ne comptez pas le bilan carbone de la fabrication du béton.
C'est donc très différent.ctr

Daphné

La dégradation de nos forêts par les incendies et les maladies est due aussi au stress hydrique.
La gestion de nos forêts semble n'avoir pas progressé depuis le 17ème siècle . je pense à la création de la forêt de Tronçais et son aménagement remarquable des cours d'eau et la création au 19ème de la forêt des Landes. sans compter... le traitement des OM avec les Buttes Chaumont. Il y a des domaines où le progrès stagne malgré l'essor de la science et des technologies...

Christian Méda…

Retraites - Climat.

Ce titre aurait pu générer une observation capitale. Le non respect des engagements climatiques mondiaux conduira les salariés de moins de 50 ans à ne jamais pouvoir profiter de leur retraite à 64 ou 62 ans, peu importe ! Ils seront tous morts de chaud, de soif ou de faim, sans compter les conséquences du chaos que va générer la panique climatique. Le "chacun pour soi" va régner en maître des comportements.

Si 75% des Français sont contre la retraite à 64 ans, cela signifie que nous avons encore 75% de climatosceptiques en France, ou tout au moins 75% de gens qui n'ont pas encore compris les implications du dérèglement climatique en cours.

Voir autant de gens encore accrochés à leur court terme me consterne.

Et ceux qui croient encore aux promesses à 2030 ou 35 vont être bien déçus. Quant à la Chine, nous sommes sauvés, elle promet une neutralité carbone en 2060 ! Trop drôle ! bien sûr qu'ils ont raison, la planète sera devenue invivables depuis suffisamment longtemps.

Je trouve que les jeunes sont bien calmes et bien crédules, le silence des agneaux.

jean-jacques Attia

Bonjour Christian Méda..., le propos de l'auteur de l'article est relativement ambigu dans sa comparaison climat/retraites.
Si le traitement de l'urgence climatique fait craindre le pire, avec en prime le bruit des bottes du côté de l'Ukraine, celui de l'acquis qu'a été la retraite à 60 ans, à taux plein avec 37,5 annuités validées, fait carrément hurler. Des dizaines de millions de salariés.

Ce n'est pas ce que dit l'auteur. Qui laisse supposer, tant son texte est vague, que nos gouvernants tarderaient à s'occuper du climat comme ils auraient tardé à prolonger la durée d'activité des salariés.
Quant au parallèle que vous faites entre les opposants à la retraite à 64 ans et les climatosceptiques, c'est une drôle d'idée à mon avis.
Pas plus qu'ils n'ont demandé à perdre une partie importante de leur droit à la retraite, pas plus ils ne demandent à ce que l'on fasse n'importe quoi pour le climat.

C'est même tout le contraire : il n'y a que les gens qui aiment la vie, jeunes ou moins jeunes, qui peuvent à la fois se battre pour la retraite à 60 ans et pour le climat.

Vincent

Le rapport entre le climat et les retraites ? La convergence des luttes peut être ?

Albatros

M. De Perthuis a le droit de débiter n'importe quoi. Il ne faut pas se sentir tenus de comprendre ses propos très parisiens bobo qui ignorent que :
- La SNBC énonce des objectifs absolument irréalistes et inconséquents.
- Les conséquences sociales de ces imbécillités seront majeures et commencent à se voir (fermetures de fonderies notamment) et paupérisation généralisée.
- L’impact climatique des politiques “anti CO2” de l’Union européenne est proche de zéro et les effets de ce suicide industriel seront dérisoires devant les enjeux mondiaux : Détruire en moins de 10 ans une part non négligeable de notre industrie pour réduire de 4 centièmes de degré Celsius la moyenne des températures mondiales en 2100, est-ce vraiment un bon deal ?
En résumé, ces plans et politiques climat, tant européen que français, annoncés pour une “industrie net zéro” sont en fait des plans pour une “industrie zéro”.
Si les Européens ne veulent pas être entraînés vers un suicide économique et démocratique sans précédent, et ce en pure perte du point de vue du climat, ils doivent de toute urgence se réveiller et forcer leurs politiciens à changer radicalement leur façon d’aborder les risques climatiques, risques qui seront d’autant mieux gérés que nos économies resteront prospères.

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