Combien de CO2 votre voyage en avion a-t-il vraiment émis ?

Finn McFall et Xavier Font

Finn McFall, KTP Associate, University of Surrey 
Xavier Font, Professor of Sustainability Marketing, University of Surrey

Lorsque deux personnes réservent le même vol, elles peuvent penser avoir une empreinte carbone très différente, si elles sont passées par deux calculateurs en ligne différents. En effet, de nombreux calculateurs d’empreinte carbone passent sous silence une large partie de l’impact climatique du transport aérien – ou encore, s’appuient sur des hypothèses trop simplifiées.

Le point sur leurs limites et pourquoi elles sont importantes. Malgré tout, quelques précautions de bon sens peuvent vous aider à évaluer les estimations fournies.

Le CO2 ne suffit pas

Si un outil en ligne ne rend compte d’un résultat qu’en kilogramme de dioxyde de carbone (CO2), il omet deux autres groupes d’émissions importants.

En effet, l’équivalent CO2 est une unité de mesure qui convertit l’impact des autres gaz à effet de serre, tels que le méthane, en équivalent dioxyde de carbone à l’aide de données scientifiques qui montrent leur potentiel de réchauffement climatique. Si un calculateur n’affiche que le CO2, il sous-estime donc l’empreinte carbone.

Un calculateur qui fait référence à des émissions équivalent CO2 inclut ainsi le CO2 ainsi que les autres émissions de gaz à effet de serre, ce qui le rend plus complet. Les bonnes pratiques citent le chiffre utilisé et renvoient au tableau des métriques utilisées pour le calcul. (par exemple, la valeur retenue pour le potentiel de réchauffement global du gaz considéré, ou PRG, ndlr).

Les impacts non liés au CO2 doivent également être pris en compte. Concrètement, il s’agit de l’effet sur le climat des oxydes d’azote, de la vapeur d’eau et des traînées de condensation émis par les avions. Ceux-ci emprisonnent la chaleur et agissent comme une couverture qui réfléchit la chaleur de la Terre vers le sol. Des recherches montrent que ces effets non liés au CO2 peuvent être comparables, voire supérieurs à ceux du CO2 seul, sur des horizons temporels moyens. 

L’ampleur des impacts non liés au CO2 varie en fonction de l’altitude, de la latitude, des conditions météorologiques et de l’heure de la journée, mais elle est trop importante pour être ignorée.

Les calculateurs devraient les quantifier de manière plus transparente, quitte à fournir un résultat avec un niveau d’incertitude chiffré. Les meilleurs calculateurs réalisent à la fois un calcul en équivalent CO2, puis prennent en compte les effets non liés au CO2.

Les avions ne volent pas vraiment en ligne droite

Une autre source de sous-estimation de l’empreinte carbone de l’aérien est le calcul des distances. De nombreux outils supposent un trajet dit « orthodromique » (c’est-à-dire, la distance la plus courte entre les aéroports de départ et d’arrivée compte tenu de la courbure de la Terre), auquel s’ajoute une petite distance fixe. Or, les vols réels sont influencés par les vents, les tempêtes, la congestion aérienne, les zones militaires à éviter et les fermetures d’espace aérien qui obligent à faire de longs détours. Même les itinéraires réguliers entre une ville A et une ville B peuvent changer quotidiennement en raison de ces variables.

Des études montrent que ces détours peuvent, en moyenne, atteindre un allongement de plus de 7,5 % de la distance totale, même en temps « normal » et sans parler de la situation géopolitique actuelle dans le monde. Or, une distance plus longue implique une consommation de carburant et des émissions plus importantes. Ainsi, si une calculatrice ne tient pas compte des déviations d’itinéraire, elle sous-estimera la consommation de carburant.

En utilisant les données historiques récentes observées sur un itinéraire donné, on peut ajuster ces estimations. De quoi mieux refléter la façon dont cet itinéraire est vraiment parcouru dans la pratique, et non pas dans des conditions idéales.

Quel périmètre les compagnies aériennes doivent-elles prendre en compte ?

Même lorsque la distance et les émissions de gaz à effet de serre sont correctement prises en compte, de nombreux outils éludent d’indiquer clairement le périmètre du calcul et ses limites, sans préciser ce qui est inclus ou exclus. Ainsi, de nombreux outils ne tiennent pas compte des émissions liées à l’extraction des matériaux pour construire les avions et aux activités pétrolières permettant de produire du carburant.

Une empreinte carbone complète et conforme aux normes en vigueur comprendrait les émissions « du puits au réservoir » (well-to-tank, ce qui intègre les étapes d’extraction, de raffinage et de transport du carburant), les services en vol et le cycle de vie des avions et même des aéroports.

La norme internationale ISO 14083 de 2023, qui porte sur la quantification et la déclaration des émissions de gaz à effet de serre provenant des chaînes de transport, établit pourtant des règles communes. Les bons calculateurs s’alignent sur cette norme afin de rendre leur champ d’application explicite et comparable.

Mais les meilleurs calculateurs vont au-delà de ces exigences et couvrent l’ensemble des émissions liées au vol. Si un calcul d’empreinte carbone exclut les émissions en amont ou celles liées aux infrastructures aériennes, on peut s’attendre à ce que le résultat soit inférieur à celui qu’une analyse complète du cycle de vie livrerait.

L’allocation des émissions de l’appareil au passager

Le calcul des émissions par passager consiste à répartir l’impact climatique de l’avion entre les sièges occupés par les passagers et le fret (transport en soute). Or, la classe de cabine et la densité des sièges modifient l’espace disponible par passager. Les sièges en classe affaires ou en première classe peuvent donc avoir un impact par passager plusieurs fois supérieur à celui de la classe économique dans le même avion.

Les passagers d’un avion à moitié plein devraient se voir attribuer deux fois plus d’émissions.

Les coefficients de remplissage (c’est-à-dire, le taux d’occupation d’un avion) modifient également ce calcul. Les passagers d’un avion à moitié plein devraient se voir attribuer deux fois plus d’émissions.

Les bonnes méthodes de calcul devraient utiliser des coefficients de remplissage et les plans de sièges spécifiques à chaque trajet, en fonction de la compagnie aérienne et de la saison, plutôt que des hypothèses globales généralisées.

Bagages en soute et transport de fret

Du point de vue du voyageur, il semble injuste qu’un passager voyageant uniquement avec un bagage à main se voit allouer la même empreinte carbone qu’une personne ayant enregistré 30 kg de bagages. De fait, la plupart des calculateurs se basent sur un poids moyen unique pour les bagages. Le calcul est donc surestimé pour les voyageurs légers et sous-estimé pour les voyageurs lourds.

De meilleures approches permettraient aux utilisateurs de déclarer leurs bagages lors du calcul, ou d’appliquer des facteurs spécifiques à leur itinéraire.

De plus, la plupart des vols passagers transportent également du fret en soute. Si un calculateur attribue toutes les émissions de l’avion aux passagers, il surestime les chiffres par passager. Une pratique plus équitable consisterait à répartir les émissions entre les passagers et le fret aérien.

Comment faire mieux ?

Sur la base de récents travaux de recherche évalués par les pairs, voici une liste de contrôle que vous pouvez appliquer à tout calculateur de vol.

La prochaine fois que vous lirez une estimation de l’empreinte carbone de votre vol, demandez-vous si elle est :

  • complète : inclut-elle uniquement le CO2, un équivalent CO2 et les émissions hors CO2 ? Est-elle conforme à la norme ISO 14083 ou supérieure et couvre-t-elle l’ensemble des émissions générées par un passager aérien ?
  • précise : utilise-t-elle des méthodes modernes basées sur des données réelles régulièrement actualisées pour prédire la trajectoire de vol et la consommation de carburant ? Prend-elle en compte toutes les variables, y compris les facteurs de charge de l’appareil et les configurations des sièges à bord ?
  • transparente : les méthodes et les sources de données utilisées sont-elles indiquées avec leurs limites ? Ont-elles fait l’objet d’une évaluation par des pairs ?
  • communiquée efficacement : fournit-elle une ventilation claire des sources d’émissions de votre vol ? Est-elle facile à comprendre et à utiliser pour prendre des décisions ciblées en matière de climat ?

Lorsque les calculateurs cochent toutes ces cases, on peut faire passer le débat de l’examen d’un seul chiffre à l’action sur les principales causes. C’est à cette condition que le calcul de l’empreinte carbone, plutôt que de simples chiffres sur un écran, peut devenir un outil de changement.The Conversation

Sources / Notes

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

The Conversation

Commentaire

Vincent
"Les passagers d’un avion à moitié plein devraient se voir attribuer deux fois plus d’émissions." "il semble injuste qu’un passager voyageant uniquement avec un bagage à main se voit allouer la même empreinte carbone qu’une personne ayant enregistré 30 kg de bagages." C'est vraiment une vision des choses très individualisée. Pourquoi pas augmenter le bilan carbone des personnes en surpoids aussi, pendant qu'on y est ? Le message principal est que l'aviation est une des activités les plus carbonées : il n'y a pas vraiment d'autre activité humaine où il est possible d'émettre autant en dépensant si peu. Sachant qu'en parallèle, ce sera le secteur le plus difficile à décaboner, avec aucune décarbonation possible sans restreindre le trafic aérien. L'enjeu n'est pas sur ce débat de comptabilité, qui ne change pas le bilan carbone de l'aviation en absolu, mais de savoir comment réduire concrètement le bilan carbone de l'aviation. On aurait notamment aimé avoir des éléments plus sociétaux : quel est le profil des personnes qui prennent l'avion ? Age, catégorie socio-pro ? Pour du loisir, pour voir la famille, pour le travail ? Un déplacement pour le travail me semble plus pertinent que pour du loisir, même si dans le premier cas celui qui se déplace a 30kg de plus.
Par ailleurs, concernant les effets non CO2 : c'est toujours un sujet difficile à appréhender, car les dynamiques du CO2 et des autres effets ne sont pas les mêmes. Un contributeur avec une durée de vie courte conduit à une saturation rapide de son effet. Ce qui implique qu'en l'absence d'augmentation de trafic, un contributeur à durée de vie courte arrive à l'équilibre dans l'atmosphère assez rapidement : il a donc, certes, conduit à un réchauffement, mais celui ci stagne rapidement à une valeur donnée. Pour stabiliser son impact, il "suffit" d'atteindre une stabilisation du trafic (ce qui n'est pas le cas aujourd'hui, j'en conviens). Ce n'est pas le cas du CO2 qui a une durée de vie longue : lui continue inexorablement de s'accumuler, empirant systématiquement le réchauffement. Une stabilisation du trafic ne suffit donc pas pour stabiliser son effet. Une réduction des émissions est indispensable : ça passera essentiellement par de la réglementation (pour limiter le trafic et imposer l'usage des alternatives, que ce soit des agrocarburants ou des carburants synthétiques, par ailleurs bien plus chers que les carburants fossiles). Bref, tout ça pour dire qu'il est important de parler des dynamiques quand on parle des effets non CO2.
Olivier 66
Merci d'avoir souligné l'importance de distinguer les horizons temporels des différents types d'impact (CO2, traînées), c'est un élément important de l'analyse. Je vous rejoins également quand vous notez au début que l'appréciation de ce qui est "juste" ou "injuste" est éminemment subjective (et par conséquent peu susceptible de faire consensus, chacun voyant midi à sa porte). C'est pourquoi, contrairement à ce que vous proposez, je crois bien préférable de de centrer le débat sur les considérations techniques et économiques que sur les éléments "sociétaux", qui créent de la division plus que du consensus pour l'action ! Par ailleurs, le début de votre commentaire comporte des exagérations à corriger : - il y a d'autres activités humaines qui émettent beaucoup de CO2 sans coûter cher à leurs clients : par exemple, acheter un sac de ciment vous coûtera moins cher au kilo de CO2 émis que de prendre l'avion ! - de même, il n'est pas vrai qu'il n'y a "aucune décarbonation possible (du transport aérien) sans restreindre le trafic" alors qu'il est dès aujourd'hui techniquement possible de faire voler les avions avec 50% de "carburant durable" dans leurs réservoirs. On peut décarboner sans restreindre le trafic en imposant l'usage de carburants durables, et c'est d'ailleurs la voie empruntée par l'Union européenne avec son règlement "REfuel EU" en vigueur depuis début 2025.
Vincent
En fait pour les éléments sociétaux, le fond de ma pensée est le suivant : décarboner l'aviation va coûter extrêment cher, car il faut payer les développements associés et produire des carburants alternatifs beaucoup plus cher. Or, l'aviation ne bénéficie qu'à une minorité de la population (contrairement à d'autres sujets comme le transport maritime, qui bénéficie globalement à tout le monde). Personnellement, je pense donc que l'effort de décarbonation doit être payé par ceux qui utilisent ce moyen de transport via une augmentation du prix des billets, pas par l'ensemble des contribuables via de la subvention publique. Ce n'est évidemment pas le cas aujourd'hui, puisque l'aviation bénéficie déjà d'une niche fiscale assez scandaleuse. Bref, tout ça pour dire que c'est un sujet où il est nécessaire d'appliquer le principe pollueur-payeur.

Pour la comparaison avec un sac de ciment : 270€ la tonne chez Leroy Merlin actuellement. La fabrication d'une tonne de ciment émet 600kg de CO2. Il faut donc dépenser 450€ pour émettre une tonne de CO2. Un aller retour Paris New York émet 1,7t de CO2. Je viens de regarder sur un comparateur de vol : je peux avoir l'aller retour pour 360€ mi janvier. Donc 210€ pour émettre une tonne de CO2, soit plus de 2 fois moins qu'en achetant du ciment. Aucune exagération de ma part : l'aviation est bien l'activité humaine où on émet le plus en dépensant le moins (je n'ai pas trouvé de contre-exemple pour l'instant).

Concernant la décarbonation de l'aviation : il y a une énorme différence entre ce qui est techniquement possible et ce qui est technico-économiquement possible (comme pour pleins de sujets). Concernant les agrocarburants : aujourd'hui la majeure partie de ces carburants sont conventionnels. Or, on sait aujourd'hui que ces agrocarburants conventionnels ont un bilan carbone similaire ou supérieur aux carburants fossiles : rien de durable à les utiliser, donc. Concernant les agrocarburants avancés (2ème ou 3ème génération), ils ne sont pour l'instant pas déployés à une échelle suffisante et plus chers que les conventionnels -> on en revient à la question de la mise en place d'une technologie plus chère et de qui paie pour le passage à l'échelle.
En ce qui concerne les carburants synthétiques : ils sont encore plus chers que les agrocarburants avancés. Ils nécessitent des quantités colossales d'électricité décarbonées. Par exemple en France, on consomme 6,5Mt de kérosène pour nos besoins intérieurs (chiffre INSEE). Il faudrait 270TWh d'électricité décarbonée tous les ans pour produire la même quantité de kérosène de synthèse. La moitié de ce qu'on produit aujourd'hui, rien que ça. Et même si on ne prend que 30% de la demande (objectif refuel-EU 2050), ça fait quand même 100TWh d'électricité décarbonée supplémentaire à produire et à allouer uniquement à l'aviation. ça n'arrivera pas d'ici 2050. Par ailleurs, la fabrication de ces carbutants nécessitent du CO2 comme matière première : si ce CO2 n'est pas biogénique, alors le bilan carbone du kérosène de synthèse est mauvais et même supérieur à celui du kérosène fossile pour peu que l'électricité du réseau soit un peu carbonée. Bref, aucune décarbonation possible d'ici 2050. Si on veut réduire les émissions du secteur, il faudra réguler le trafic. Une décarbonation peut être envisagée sur la seconde partie du siècle, uniquement si on passe à l'échelle les agrocarburants avancés, si on produit l'équivalent de l'électricité mondiale actuelle de manière décarbonée et uniquement pour l'aviation ET si on développe l'aviation hydrogène pour réduire la contrainte sur l'approvisionnement en CO2. Bref, c'est pas gagné.
Olivier 66
Merci pour cet échange argumenté, cela permet d'approfondir le sujet ! Je vous propose quelques commentaires / éléments de réflexion supplémentaires pour aller plus loin : Sur le traitement fiscal des différents modes de transport : vous indiquez en passant que l'aviation bénéficierait d'une "niche fiscale scandaleuse". Pour ma part, je note que si, au niveau des utilisateurs finaux, les transports terrestres sont plus taxés, ils sont également beaucoup plus subventionnés par les collectivités publiques, et qu'il faut faire le bilan net "prélèvements - subventions" pour comparer leur situation fiscale à celle de l'aviation. Pour le cas français, les collectivités publiques subventionnent la SNCF à hauteur de 20 milliards d'euros par an (soit près de la moitié de son chiffre d'affaire !), et assurent l'entretien du réseau routier (là aussi, ça se compte en dizaines de milliards par an...). Je serai preneur d'une étude sérieuse sur le sujet, si vous en avez connaissance. Sur la comparaison du "coût pour émettre une tonne de carbone" : - Vous savez comme moi qu'au sein d'un même avion, tous les passagers ne paient pas leur billet au même prix, et que le prix d'appel des sites de vente est largement inférieur au prix moyen des billets vendus. Par ailleurs, qu'il y ait un passager de plus ou de moins dans un avion ne change presque rien aux émissions de CO2 de l'avion. La décision qui engendre une variation des émissions de CO2, ce n'est pas celle du passager qui prend un billet, mais celle de la compagnie aérienne qui ouvre ou ferme une ligne aérienne. Et cette décision, elle est prise sur la base du prix moyen des billets qu'elle va vendre, y compris les billets business et 1ere classe, sur l'ensemble de la période d'ouverture de la ligne. C'est donc ce prix qu'il faut considérer pour savoir si elle va augmenter ou diminuer les émissions de CO2. Les sacs de ciment, en revanche, sont vendus à peu près au même prix à tous les clients, que ce soit à Noel ou mi-janvier. Pour comparer honnêtement le prix des émissions d'un sac de ciment et celui d'un voyage en avion, il faut donc faire une moyenne des prix des billets d'avion sur plusieurs mois, y compris les billets business et première. Je n'ai pas trouvé de chiffre précis, mais je n'ai guère de doute que le prix moyen d'un AR Paris-New York dépasse largement les 600 €. - Par ailleurs, vous chiffrez les émissions CO2 par passager d'un AR Paris-New York à 1,7t : c'est très excessif. Le calculateur en ligne du ministère de la transition écologique donne 710 kg pour un AR Paris-Newark, soit 2,5 fois moins. La base Empreinte de l'ADEME donne 0,083 KgCO2/km passager, soit 970 kg pour l'aller-retour. (Votre chiffre prend peut-être en compte d'autres facteurs que le CO2, comme les traînées de condensation, dont les effets sont très variables et encore aujourd'hui très mal quantifiés. Dans ce cas, il faudrait faire de même pour le ciment, en incluant les émissions autres que CO2 liées à l'extraction de la roche et à sa transformation...) - Enfin, vous avez retenu 600 kg de CO2 par tonne de ciment, alors que la base de données ADEME compte 866 kg de CO2 par tonne de ciment Portland. Les trois éléments ci-dessus vont tous dans le même sens, et ramènent à la conclusion qu'on contribue à émettre plus de CO2 en achetant un euro de ciment qu'en achetant un euro de billet d'avion. Sur la décarbonation de l'aviation : je suis tout à fait d'accord avec vous, quand vous dites que les aspects économiques auront un impact majeur sur les évolutions à venir. Avoir une solution technique ne suffit pas, il faut aussi que sa mise en oeuvre soit rentable pour les acteurs concernés pour qu'elle soit effectivement déployée. Et c'est bien le sujet aujourd'hui pour les carburants durables. La question est de savoir si ces carburants vont devenir compétitifs dans les décennies à venir. L'exemple des panneaux solaires, qui étaient encore très chers en 2000 et dont les prix ont baissé beaucoup plus vite que toutes les prévisions, montre que c'est possible, et très difficile à prédire. Pour cela, il faut "amorcer" la production industrielle avec des mesures politiques : c'est ce qui a été fait depuis vingt ans pour les panneaux solaires avec les tarifs d'achats d'électricité solaire garantis, et c'est ce que fait l'Union européenne pour les carburants durables depuis début 2025 avec son règlement Refuel EU, qui impose l'incorporation de carburants durables dans les réservoirs des avions, avec des taux croissants dans les années à venir. Ca fait bouger les compagnies pétrolieres, qui commencent à investir et cherchent des moyens de produire de plus en plus efficacement. Il est certain que les coûts vont baisser à mesure qu'ils investissent et qu'ils produisent, mais personne ne sait dire à quel rythme. Et quand on cherche, on n'est pas à l'abri de bonnes surprises. La découverte en 2022 de premiers gisements d'hydrogène natif en est une, et aura peut-être des conséquences majeures s'il s'avère qu'il y en a beaucoup. Cet hydrogène serait beaucoup moins cher que l'hydrogène produit par électrolyse de l'eau et ferait donc fortement baisser le coût des e-fuels, en réduisant notamment le besoin d'électricité décarbonée pour les produire. Et il y aura d'autres avancées inattendues dans les années à venir si on travaille bien le sujet... Je suis donc beaucoup moins pessimiste que vous sur les perspectives de décarbonation de l'aviation, pour peu qu'on ait la volonté de s'y attaquer sérieusement sur la durée ! J'ajouterai enfin qu'on a vraiment intérêt à y arriver, parce qu'on n'est pas prêt de voir des pays en développement comme l'Inde et la Chine restreindre la croissance de leur trafic aérien, qui pèse déjà bien plus que celui de l'Europe...
Vincent
1,7 tonnes ça vient de l'ADEME. 2 tonnes d'après myclimate.org. Une fois de plus, rien d'excessif là derrière. Par contre c'est un peu excessif d'utiliser "très excessif" alors que ce n'est pas du tout le cas :)
Ces données prennent en compte les effets non CO2 de l'aviation également. Toujours pareil, ça dépend de l'horizon de temps considéré. Si on regarde les effets CO2 seul, on est plutôt entre 1 et 1,1t. Concernant le prix : c'est les prix bas qui permettent de remplir l'avion. Donc prendre le prix moyen est également biaisé. Mais bref, vous conviendrez que quoi qu'il arrive, on est à minima sur le même ordre de grandeur et qu'acheter des sacs de ciment n'est généralement pas un loisir. Donc le bilan associé s'amortit sur plusieurs années voire décennies, ce qui n'est pas le cas de l'aviation puisque ceux qui le prennent le font avec une fréquence assez élevée généralement (au moins une fois par an).

L'exemple des panneaux solaire n'est pas valable : ici il s'agissait essentiellement de baisser les coûts de CAPEX, comme pour les batteries. Et réduire ces coûts se fait "naturellement" avec le passage à l'échelle et l'apprentissage associé. Concernant les carburants synthétiques, c'est complètement différent : le gros du coût est de l'OPEX, lié à la consommation d'électricité pour fabriquer l'hydrogène. Or, même en considérant une électricité aussi peu chère que 60€/MWhe 100% du temps, le coût des carburants synthétiques est de plusieurs fois le coût du kérosène fossile et le restera, à moins de changer les lois de la thermodynamique. Il y aura des gains sur les CAPEX, bien sûr, mais ça ne changera pas ces OPEX qui continueront de peser. Par ailleurs, étant donné l'énorme consommation d'électricité associée, il faut que celle ci soit suffisamment décarbonée pour que la molécule synthétique ait un bilan carbone plus faible que la molécule fossile équivalent : il y a parité avec une électricité d'environ 100kgCO2/MWhe. Il faut donc être plus bas que ça pour avoir un effet décarbonant (et donc bien plus bas pour atteindre les 70% de réduction demandé par refuel-EU pour être considéré comme SAF). Et aujourd'hui, il y a très peu de réseau qui sont capables de fournir une élec aussi peu carbonée.
Concernant l'hydrogène naturel, c'est sûr que ce serait une bonne nouvelle, mais il faut que ce soit confirmé et ce n'est pas encore le cas. Et la priorité serait à mon sens de remplacer l'hydrogène industriel, car les industries associées ne survivront pas au passage à l'hydrogène vert en Europe, car l'hydrogène vert y sera trop cher. On se dirige tout droit vers une délocalisation de ces industries là où l'électricité sera la moins chère (Chine, Asie du sud est, Moyen Orient, etc).
Olivier 66
Le message principal de cet article est qu'il est compliqué de calculer l'impact complet d'une activité individuelle sur le climat parce qu'il faut prendre en compte plusieurs effets de nature différente. Mais pourquoi limiter le sujet aux voyages en avion ? C'est tout aussi vrai des autres moyens de transport (prise en compte des émissions liées à la construction des infrastructures terrestres et à la fabrication des véhicules, ...) ou de l'alimentation (émissions de méthane, puits de carbone, ...).

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