Faut-il exploiter les gaz de schiste ?

Vice-président du pôle Énergie de l’Académie des technologies

Vice-président du pôle Énergie de l’Académie des technologies
Ancien vice-président de la commission internationale des grands barrages

C’est la mauvaise utilisation de technologies pourtant éprouvées comme les forages dirigés et la fracturation hydraulique qui a provoqué des dommages environnementaux inutiles. Ces techniques bien maîtrisées peuvent permettre d’augmenter nos ressources et notre indépendance énergétique. Il serait imprévoyant de ne pas les évaluer.

Le gaz de schiste est du gaz naturel, c’est-à-dire du méthane. Le méthane est l’hydrocarbure le plus simple (CH4), celui qui contient le moins de carbone comparé au butane (C4H10), au propane (C3H8), au pétrole, au fioul lourd. Il émet donc le moins de CO2 par quantité d’énergie produite. La technologie de la fracturation hydraulique, utilisée pour exploiter des roches peu poreuses, consiste à injecter un fluide sous pression dans un forage réalisé à environ 3 000 mètres de profondeur dans la couche de roche-mère. Si la pression du fluide est supérieure à la pression dans la roche, la roche-mère se fissure. Cette technique n’est pas nouvelle, elle est également utilisée dans l’exploitation de l’eau, de la géothermie, du pétrole et dans les mesures de contraintes dans la roche, par exemple pour les tunnels. Pour que le gaz soit libéré de la roche-mère, les fissures sont maintenues ouvertes par injection de sable fin ou de poudres diverses. Le sable est transporté par l’eau grâce à des additifs (0,5 %), gélifiants ou lubrifiants. Pour réduire le nombre de forages et l’emprise au sol, les forages, d’abord verticaux, sont ensuite horizontaux une fois la couche géologique atteinte. Ces techniques sont très utilisées par les pétroliers, en particulier en offshore.

L’exploitation des gaz de schiste a vraiment commencé aux États-Unis en 2005 et s’est développée très rapidement jusqu’à satisfaire la totalité de ses besoins et 20 % de sa consommation énergétique globale, à un prix actuellement autour de 3 $ / MBTU (soit l’équivalent de 20 $/baril de pétrole) alors que ce prix est d’environ 12 $/MBTU en Europe et 17 $ / MBTU au Japon. L’US Energy Information Administration estime qu’il existe un potentiel semblable en France, au Royaume-Uni, en Pologne, en Scandinavie.

En France, le bassin parisien pourrait offrir du pétrole à partir de roches-mères datées du Jurassique et qui encadrent la couche déjà exploitée de manière conventionnelle pour le pétrole. Les Cévennes pourraient offrir du gaz entre 2 000 mètres et 5 000 mètres de profondeur. Les forages profonds « orientés » doivent être réalisés très soigneusement et sous contrôle. L’eau d’injection ne doit utiliser que des produits autorisés et celle qui ressort du forage doit être traitée. Aux États-Unis, ces règles de base n’ont pas toujours été appliquées au début, en particulier par des indépendants travaillant sur leurs propres terrains.

Ce sont ces écarts qui expliquent et justifient les réactions de prudence dans plusieurs pays d’Europe. L’élaboration de règles strictes pour l’exploration, le forage, la mise en service et l’exploitation de ces hydrocarbures, puis le contrôle de leur application devrait permettre à la France et à l’Europe d’exploiter ces ressources énergétiques qui font partie de leur richesse. Notre avenir énergétique est incertain. Il serait inconséquent et imprudent de ne pas évaluer dès maintenant les ressources disponibles sur notre territoire national.

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