Bastion du pétrole aux Etats-Unis, le Texas bourgeonne de projets d'énergies renouvelables

  • AFP
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Des champs noircis par des panneaux solaires à perte de vue et des forêts d'éoliennes qui rompent la monotonie des plaines : le Texas, foyer historique de la production du pétrole aux États-Unis, se veut aujourd'hui à la pointe des renouvelables.

Au sud de Dallas, les comtés de Navarro et Limestone sont symboliques de cette transition : berceaux de l'industrie pétrolière texane à la fin du XIXe siècle, qui a fait la richesse de la région, ils sont aujourd'hui aux avant-postes des énergies vertes.

Un nouveau parc d'éoliennes y a été inauguré la semaine passée par l'énergéticien français Engie, avec 88 mâts et une capacité cumulée de 300 mégawatts (MW). Plus à l'ouest, à Abbott, autre bourgade rurale, une ferme solaire de 250 MW a commencé à produire de l'électricité, accompagnée d'une zone de stockage d'énergie par des batteries.

Selon l'organisation American Clean Power, le Texas est l'État américain qui hébergeait en 2022 la plus grande part de projets d'énergie renouvelable à destination d'entreprises commerciales et industrielles. Avec 35% des capacités en énergie, il caracole loin devant le second, l'Illinois, dans le nord du pays, à 7%.

Le vaste État du Sud concentre également 20% des projets en cours. Les mâts d'éoliennes sont cependant encore loin de remplacer totalement les derricks de pétrole dans le paysage texan. "Certes, lorsque nous pensons au Texas, nous voyons un grand État gazier et pétrolier. Je dirais plutôt que le Texas est riche en ressources naturelles (...) et ils sont très bons pour gérer ces différentes ressources", souligne Frank Demaille, directeur général adjoint d'Engie.

Ressources énergétiques multiples

Terre des raffineries et de l'industrie pétrochimique, le Texas dispose de son propre réseau pour alimenter ses 30 millions d'habitants, une exception aux États-Unis.

En 2021, une vague de froid intense provoquant des délestages sur le réseau avait entraîné des coupures pour plusieurs millions de foyers et fait plus de 200 morts, poussant cet État conservateur à renforcer et diversifier son approvisionnement.

Le Texas reste aujourd'hui largement tributaire des énergies fossiles, le gaz restant en tête de son mix électrique début 2023 (42%, selon le gestionnaire du réseau Ercot) aux côtés du charbon (11%). Il accorde de plus en plus de place au renouvelable cependant, en particulier l'éolien (29%) et le solaire (11%). Le reliquat est fourni par le nucléaire et l'hydraulique.

"Nous utilisons les énergies classiques, à base de carbone, mais le Texas est aujourd'hui leader en énergie propre. Je pense que nous assisterons à l'avenir à une combinaison des deux", estime Jeff Montgomery, président de Blattner Energy, qui a réalisé 400 projets d'énergie renouvelable dans tout le pays.

"Le gaz est extrait pour être vendu à l'Europe, et la guerre en Ukraine a renforcé cette dépendance au gaz américain et surtout texan. En parallèle, ils ont développé une vraie expertise dans les énergies solaire et éolienne", détaille Frank Demaille.

L'IRA, le grand plan vert du président Joe Biden voté l'année dernière, pourrait accélérer la tendance, en prévoyant de larges subventions pour la transition énergétique.

« Montrez l'utilité »

Les impôts générés par les énergies renouvelables ont permis d'améliorer les écoles, selon certains responsables locaux.

Mais certains sont plus circonspects, à l'image de John Null, ingénieur de 42 ans résidant du comté de Navarro, pour qui les habitants proches ne profitent pas réellement des investissements réalisés dans l'éolien, alors que les gigantesques mâts apparaissent devant leurs fenêtres. Lors de la dernière vague de froid début février, "il aurait été pratique qu'un interrupteur puisse transférer l'énergie produite ici vers la communauté" avoisinante, estime-t-il.

Des projets visant à alimenter des zones défavorisées sont en cours, comme sur une ancienne décharge où doit être construite une ferme éolienne, dans un quartier défavorisé de Houston, la quatrième plus grande ville des États-Unis. "Il y a des besoins en énergie", assure Paul Curran, directeur exécutif de BQ Energy, qui devrait entamer les travaux cette année pour une installation solaire de 50MW.

Et pour cet ancien cadre de l'industrie pétrolière, les deux énergies ne sont pas en concurrence. "Il n'y a aucun problème si vous réalisez les projets solaires ou éoliens aux bons endroits, à destination des bons marchés. C'est même bien reçu par l'industrie pétrolière et les experts", assure-t-il.

Commentaires

Serge Rochain

La conquête de l'Ouest pas les renouvelables

L.E.

Pour passer aux renouvelables, il faut au moins deux choses : la volonté de faire et l'argent pour réaliser. Le Texas possède, j'imagine, la seconde avec les revenus des produits pétroliers. Ne lui restait plus que la première à avoir. Comme quoi, et au grand dam de certains écolos extrémistes, cela peut paraître paradoxal mais c'est bien grâce au pétrole lui-même qu'on va pouvoir peu à peu se passer de lui.
Ce n'est en effet pas en vendant des fromages de brebis bio qu'on va pouvoir construire des champs d'éoliennes !
Après, je reste convaincu que la meilleure énergie est tout de même celle qu'on ne consomme pas... Et là, je ne suis pas sûr que cette notion soit bien assimilée au Texas.

Vlady

Ils sont pragmatiques , ils ne mettent pas en concurrence les énergies carbonées avec les "freee carbon" , ça évite des blocages ! Il a fallu une catastrophe climatique , mais ont réagi très rapidement , pas comme en Europe ! Accessoirement , il serait primordial qu ' un réseau électrique unique traverse les 49 États continentaux + la Canada + le Mexique , comme en Europe ...

idehemmer

Il est important de noter que les champs pétroliers texans sont en déclin depuis un bon moment ... donc que les intérêts financiers de certains aillent sur les renouvelables n'est donc que très peu surprenant au vu des impasses financières & techniques observées du pétrole de roche mère ("gaz de schiste") ...
... mais les business plan pour la nécessaire réduction de consommation ne sont malheureusement pas encore à l'ordre du jour on dirait !

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