Énergies fossiles et climat : une vraie guerre de communication entre banques et ONG

  • AFP
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Les investissements des grandes banques françaises vont contribuer à un réchauffement climatique de plus de 4 degrés d'ici à 2100, accuse Oxfam dans un rapport au vitriol rejeté avec véhémence par les établissements financiers et qui relance une véritable guerre de communication.

À deux jours du Climate Finance Day, un colloque de réflexion sur la finance et le climat organisé à Paris, Oxfam a publié mardi un nouveau brûlot : selon l'ONG, les investissements des six grandes banques françaises nous amènent à un réchauffement majeur d'ici à la fin du siècle, à moins d'un changement important de leur part.

Une interprétation jugée sévèrement par les établissements bancaires français : "chiffres datés" pour BNP Paribas, données qui "ne reflètent pas les efforts significatifs engagés (...) ces dernières années" pour la Société Générale, ou bien encore chiffrage "fondamentalement faux" pour le Crédit Agricole.

Après avoir eu connaissance du rapport - fourni par Oxfam - la Fédération bancaire française (FBF) a d'ailleurs décidé d'organiser au pied levé une conférence téléphonique auprès des journalistes.

Depuis l'année dernière, "la Place (de Paris) se crispe un peu" à ce sujet, explique Lucie Pinson, fondatrice de Reclaim Finance qui a publié récemment une étude pointant la dépendance des fonds d'investissements aux entreprises "polluantes ou peu regardantes sur les droits humains". "Les banques craignent tous les ans la sortie du rapport Oxfam, ça les gêne beaucoup", a abondé auprès de l'AFP un analyste du secteur souhaitant garder l'anonymat.

Lors de la conférence téléphonique, Laurent Mignon, patron de BPCE et président de la commission climat de la FBF, a déploré que certains "cherchent à faire évoluer (les pratiques) par la stigmatisation", rappelant que les banques françaises ont investi 41 milliards d'euros dans les énergies renouvelables en 2019, soit une hausse de 57% en trois ans, bien supérieure à la croissance du secteur sur la même période.

Dépendance au pétrole

Parmi les arguments soulevés par la FBF, les politiques de désengagement du charbon annoncées en 2019 et saluées à l'époque par les organisations écologiques. "Nous sommes très contents, mais il faut aller plus loin, il faut le même engagement, le même processus, sur le pétrole et le gaz", a réagi auprès de l'AFP Alexandre Poidatz, auteur du rapport d'Oxfam France.

Si BNP Paribas, premier groupe bancaire en Europe, s'est désengagé du gaz de schiste et des sables bitumineux, les hydrocarbures conventionnels conservent une part importante dans les portefeuilles des quatre plus grandes banques françaises (BNP Paribas, Crédit Agricole, Société Générale et BPCE).

Selon Oxfam, "les crédits aux entreprises actives dans le secteur du pétrole et gaz uniquement représentent plus de 40% des émissions (de CO2) de leur portefeuille de crédits aux entreprises". "Le pétrole reste encore aujourd'hui incontournable dans un grand nombre d'activités vitales pour nos concitoyens", s'est défendu BNP Paribas dans sa réponse à l'ONG.

Jeu de rôle

Les établissements reprochent à Oxfam sa méthode de calcul, qui aboutit à un double comptage de certaines émissions. Ils jugent aussi que le chiffre de 4 degrés annoncé pour le réchauffement s'appuie sur l'hypothèse d'une poursuite des activités à l'identique jusqu'à 2100, ce qui n'est pas conforme à leurs objectifs.

Mais les établissements financiers "n'ont pas pris non plus d'engagements révolutionnaires qui permettraient de rester sous la barre des 4 degrés, et c'est toute la logique du rapport" que de le montrer, répond M. Poidatz, quand, de manière plus générale, Lucie Pinson de Reclaim Finance souligne que "pendant des années, ils se sont tourné les pouces".

"Chacun est dans son rôle", tranche auprès de l'AFP Michel Cardona, spécialiste du secteur financier pour le groupe de réflexion I4CE, qui traite de l'économie et du climat. Il appelle à la "prudence" concernant les études sur le sujet, aucune méthode de calcul ne faisant consensus, mais il leur reconnaît toutefois un "fort pouvoir de communication".

Du fait de la pression des ONG, les banques "se défendent, donnent des informations et prennent des engagements qu'elles n'auraient peut-être pas pris sinon", ajoute-t-il, citant le charbon.

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