Climat : l'UE ouvre le débat sur l'objectif 2040, étape vers la neutralité carbone

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L'UE ouvre le débat sur ses ambitions climatiques pour 2040 : une étape cruciale vers la neutralité carbone, qui devrait permettre de déterminer la feuille de route législative des années à venir et requérir de nouveaux efforts d'adaptation.

Les Vingt-Sept se sont déjà fixé comme objectif de réduire collectivement de 55% leurs émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2030 par rapport à 1990, en vue de parvenir à la neutralité carbone en 2050 au plus tard. Reste à déterminer le chiffre intermédiaire 2040.

Le sujet figure au menu d'une rencontre lundi des ministres de l'Environnement de l'UE, avant que la Commission européenne ne présente début février son évaluation de différents scénarios. Le nouvel exécutif de l'UE qui sera constitué à l'automne après les élections européennes de juin soumettra officiellement une proposition aux Etats et aux eurodéputés.

En octobre, le nouveau commissaire chargé du Climat, Wopke Hoekstra, avait dit défendre pour 2040 une réduction nette d'"au moins 90%" des émissions par rapport à 1990.

"Une baisse de 90% permettrait de maintenir le même niveau d'ambition et le même rythme de réduction (que pour la période 2020-2030). Aller au-delà semble compliqué", estime Pascal Canfin, le président (Renew, libéraux) de la commission Environnement au Parlement européen.

Le chiffre serait en adéquation avec le rapport publié en juin par le Conseil scientifique consultatif sur le climat, un organe créé par l'UE, qui préconisait une réduction "de 90-95%".

Ce rapport détaillait les implications : émissions "presque nulles" dans la production d'électricité, accélération du développement des énergies renouvelables, chute au moins de moitié des importations de pétrole, consommation énergétique fortement réduite, éventuelle limitation de l'élevage, etc.

- Second "Pacte vert" ? -

Les législations adoptées dans le cadre du "Pacte vert" actuel - une feuille de route présentée en 2019 en vue d'engager l'UE sur la voie de la transition écologique -, n'y suffiront pas, beaucoup se donnant 2030 pour horizon. "C'est un moment crucial (...) pour déclencher une dynamique pour réviser les politiques actuelles", souligne Fabiola De Simone, de Carbon Market Watch.

Certes, plusieurs dirigeants des Vingt-Sept ont appelé à une "pause" dans les législations environnementales, à l'unisson du PPE (droite), le premier groupe au Parlement européen, inquiet des contraintes pour les agriculteurs et les entreprises.

La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a elle-même jugé que le Pacte vert entrait dans "une nouvelle phase (...) de mise en oeuvre".

"Mais la prochaine Commission ne pourra se contenter d'appliquer l'existant", puisqu'elle sera devra préparer le cadre législatif approprié pour 2031-2040, insiste Michael Sicaud-Clyet, de l'ONG WWF.

Marché du carbone, efficacité énergétique, énergies renouvelables... autant de textes-phares qui devront être revus, énumère-t-il, anticipant un second "Pacte vert et social".

De même, "la réduction des émissions de CO2 dans l'agriculture n'est aujourd'hui absolument pas alignée", de quoi laisser envisager "l'équivalent du marché du carbone sur les intermédiaires entre le consommateur final et les agriculteurs", avance Pascal Canfin.

Bruxelles devra surmonter les alarmes sur les coûts socio-économiques : "Il faut marcher sur deux jambes, l'ambition climatique d'un côté et, de l'autre, s'assurer que nos entreprises restent compétitives, que la transition soit équitable", reconnaît Wopke Hoekstra.

"L'UE peut compter sur la Pologne pour accroître ses efforts (...) mais nous insistons sur le besoin d'aider" les pays d'Europe centrale et orientale "en considérant l'aspect social qu'impliquent de tels objectifs ambitieux", a insisté lundi Urszula Sara Zielinska, secrétaire d'Etat dans le nouveau gouvernement de Donald Tusk.

- "Activer toutes les solutions" -

Reste aussi à décomposer la cible : des dizaines d'ONG, centres de réflexion et scientifiques ont appelé à fixer des objectifs distincts pour la réduction brute d'émissions, pour l'absorption de CO2 par les écosystèmes naturels (forêts, etc.) et pour les technologies de capture et de stockage du carbone.

"Une cible nette ne fait pas la différence mais l'idée qu'on pourra toujours retirer du carbone de l'atmosphère ultérieurement peut conduire à ralentir les efforts de réduction d'émissions, qui doivent rester la priorité", s'alarme Mme De Simone.

Un non-débat selon Pascal Canfin, pour qui "il faudra activer toutes les solutions". "Les derniers kilomètres seront probablement encore plus difficiles, c'est pour cela qu'on raisonne en net : à un moment donné, il y a des émissions résiduelles qu'on n'arrivera pas à supprimer".

Les industriels, quant à eux, guettent les financements prévus et soulignent les besoins colossaux d'infrastructures.

"Un objectif de -90% implique une décarbonation presque complète des industries intensives en énergie" comme la sidérurgie et rendra nécessaires "des quantités inédites" d'hydrogène ou d'électricité, avertit Adolfo Aiello, de la fédération européenne de l'acier Eurofer.

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