- Connaissance des Énergies avec AFP
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"Et le pétrole dans tout ça?", c'est la question récurrente entourant le gigantesque déploiement militaire américain près des cotes sud-américaines, officiellement pour une opération anti-drogue contre le Venezuela qui dispose des plus grandes réserves d'or noir du monde et fait déjà l'objet d'un embargo pétrolier.
Les Etats-Unis ont déployé sept navires de guerre dans les Caraïbes et un dans le Golfe du Mexique, et le plus grand porte-avion du monde est en route pour la zone.
Pour le président Nicolas Maduro, Washington se sert du trafic de drogue comme prétexte "pour imposer un changement de régime" et s'emparer du pétrole vénézuélien.
- "Le business continue"
Premier constat: malgré la présence de cette armada américaine, le pétrole continue de sortir du pays alors qu'il fait l'objet d'un embargo pétrolier et de sanctions économiques.
"Les +shadow tankers+ (les pétrolier fantômes qui transportent du pétrole vendu sur le marché noir international) circulent sans problème. Comme avant le déploiement américain. Les Américains ne peuvent pas ne pas les voir... Il les laissent circuler", confie une source travaillant dans le secteur, selon laquelle "le business continue".
"De fait, non seulement les pétroliers de Chevron (qui bénéficie d'une licence spéciale), mais même les shadow tankers, les navires sanctionnés, continuent d'entrer et de sortir", confirme Elias Ferrer, fondateur de Orinoco research. Il estime que "peut-être les Etats-Unis ne veulent pas franchir ce pas (de bloquer les pétroliers), car cela équivaudrait déjà à une déclaration de guerre".
Une source diplomatique précise que bloquer ces bateaux "c'est aussi impliquer d'autres pays dans l'équation".
Eias Ferrer souligne par ailleurs que la production est en hausse, "il a même atteint un million de barils, qui sont principalement vendus en Chine".
La vice-présidente vénézuélienne Delcy Rodriguez, également ministre du Pétrole, ne s'en cache pas, déclarant cette semaine que "le pétrole a vu une croissance de 16% cette année".
- Plus de pétrole, mais moins cher
L'embargo américain, qui a été durci en 2019, oblige le Venezuela à vendre sa production sur le marché noir à des prix moindres.
Quel rabais? "Quand les choses sont fluides ou pas agitées géopolitiquement (...) ça tourne autour de 10-15% (de rabais), là on parle de 20%. Donc c'est un préjudice important pour chaque baril vendu", explique Tamara Herrera, de Sintesis Financiera.
Elle souligne toutefois que le pouvoir vénézuélien, qui avait souffert au début de l'embargo pour trouver des clients sur le marché noir, est désormais "rompu au processus" pour le contourner.
"Les pays sanctionnés développent cette capacité à opérer avec des rabais et des coûts très opaques (...) il y a un marché qui attend et connaît le pétrole brut vénézuélien", notamment la Chine, explique-t-elle.
- Avenir -
Les scénarios possibles sont innombrables, d'une invasion terrestre pour faire tomber Maduro jusqu'à un retrait négocié sans grandes conséquences pour Maduro.
"Il faut revenir à ce que veut Trump", estime un diplomate connaisseur du Venezuela mais aussi des Etats-Unis : "Si nous nous fions à ses déclarations, c'est: +Je veux rapatrier les immigrés vénézuéliens au Venezuela+, +Je veux garantir l'approvisionnement en pétrole pour les États-Unis+, et +Je veux expulser les Chinois de la région+".
"Il n'a pas forcément besoin que Maduro s'en aille même si ça lui ferait probablement plaisir", sourit-il.
Elias Ferrer croit compatible la pression américaine et l'octroi de nouvelle licences : "Il est possible qu'il y ait plus de licences (...) peut-être quelque chose uniquement pour les entreprises américaines. Il est même possible que cela se fasse avec l'armée américaine restant dans les Caraïbes".
Mme Herrera estime elle que "cette situation ne peut durer +ad infinitum+. J'espère, ils (Etats-Unis) nous éclaireront, libéreront bientôt le panorama commercial".